Alexia Lalangue – Hey Listen Blog d'actualités sur l'art. jeu, 15 Déc 2016 13:00:12 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.7 La Beat Generation au Centre Pompidou /?p=1747 /?p=1747#respond Mon, 19 Sep 2016 09:49:57 +0000 /?p=1747 Depuis le 22 juin maintenant le centre Georges Pompidou nous propose au dernier étage de son bâtiment haut en couleur une exposition consacrée au phénomène culturel qu’a été la « Beat generation ». L’aventure s’achève le 3 octobre, voici les raisons pour lesquelles la visite est incontournable.

L’événement se vit comme une expérience et se lit comme un carnet de voyage. Ainsi la scénographie, savamment pensée, s’improvise carte des Etats-Unis d’Amérique en créant une ligne de démarcation entre l’activité artistique de la côte Est et celle de la côte Ouest. Cette frontière imaginaire est matérialisée par le manuscrit original sous forme de rouleau du roman manifeste de Jack Kerouac On the road. Il ne s’agit donc pas seulement de transmettre une mode, une effervescence artistique liée à un contexte précis mais bel et bien une philosophie de vie, tournée vers la route.

Jack Kerouac, On the Road, (tapuscrit original), 1951, Papier calque, 360 × 22 cm. Collection James S. Irsay © Estate of Anthony G. Sampatacacus and the Estate of Jan Kerouac © John Sampas, Executor, The Estate of Jack Kerouac

Jack Kerouac, On the Road, (tapuscrit original), 1951, Papier calque, 360 × 22 cm. Collection James S. Irsay © Estate of Anthony G. Sampatacacus and the Estate of Jan Kerouac © John Sampas, Executor, The Estate of Jack Kerouac

Techniquement parlant le rouleau en lui même ne permet pas au lecteur de revenir en arrière aisément, aussi il se conçoit dans l’exposition comme une métaphore du voyage. L’idée de circulation est indéniablement à l’honneur. Certains poèmes sont inscrits sur des pans de tissus, l’installation des murs dans l’espace offre des jeux de perspective et de superposition infinis. La scénographie est bâtit comme un vaste courant d’air. Elle symbolise la circulation des idées, la cause profonde du combat des Beats face à une Amérique réactionnaire et archaïque sous bien des aspects.

Cependant pour encourager son évolution positive et permettre d’entretenir un espoir de changement il était nécessaire de la cerner cette Amérique. Aussi la visite regorge de précieux documents témoignant du désir des intellectuels et artistes de dresser un portrait aussi réaliste qu’acerbe de leur pays. Le recueil de photographie de Robert Franck Americans 1958 en collaboration avec Jack Kerouac qui a écrit la préface constitue un exemple type. Il met en vedette ces personnages de la vie quotidienne aux Etats-Unis, ces macs, ces vieilles personnes à l’air désabusé qui semblent avoir pour unique préoccupation l’attente silencieuse et journalière sur les bancs publics ainsi que bien d’autres spécimens. Ces témoignages ont cultivé l’envie de tracer la route en encourageant la perte volontaire de repères.

Vue d'exposition. Photographie par Alexia Lalangue

Vue d’exposition. Photographie par Alexia Lalangue

Vue d'exposition. Photographie par Alexia Lalangue

Vue d’exposition. Photographie par Alexia Lalangue

C’est à partir de cette dernière que les Beats se sont appropriés les objets de leur quotidien pour s’en créer de nouveaux, d’avantage en adéquation avec leurs aspirations artistiques et intellectuelles. La disposition de l’exposition, encore une fois, a su rendre parfaitement cette réalité en présentant au public des exemples de machines à écrire, radio… L’écriture ne peut se passer de son instrument pour les Beats. Le simple son qu’émet l’inscription sur le papier d’un signe suivit du retour de chariot permet de jouir et d’entretenir pendant la création une expérience plus vivante de l’écriture. L’acte d’écrire transforme l’auteur en musicien et c’est en cela qu’elle est si jubilatoire.

Par conséquent la forme intimement reliée au fond prends des allures d’impros de jazz, les respirations saccadées du texte apporte une dynamique nouvelle et poétique puisqu’intrinsèquement musicale. Cette débordante énergie trouve sa parfaite expression dans le film Pull my daisy présenté juste après les machines à écrire dans la scénographie. Réalisé par Robert Frank en 1959 toujours en collaboration avec Jack Kerouac mais aussi Alfred Leslie, Peter Orlovsky, le document met l’accent sur la nonchalante narration de la voix off, l’unique voix du film. Ainsi les intonations rythmées du narrateur en écho avec la piste de jazz en fond constituent un manifeste, l’art poétique de la « beat generation ». Cette esthétisation systématique de la vie a contribué à élaborer une attitude, une posture type, celle du hipster. Un personnage constamment tourné vers l’expérimentation, une recherche permanente et surtout l’entretien du dialogue entre les différents supports. Une conception de l’art que le réalisateur Bruce Conner a exploité plus que quiconque dans son film Looking for mushrooms (projeté lors de l’exposition) qui met en parallèle l’activité atomique de l’armée américaine avec la recherche de champignons hallucinogènes. Les deux univers paradoxaux que le film confronte par la voie de l’art s’épousent parfaitement. Cependant l’intérêt du document aujourd’hui est surtout d’esquisser un projet de dispositif.

Vue d'exposition. Photographie par Alexia Lalangue

Vue d’exposition. Photographie par Alexia Lalangue

L’exposition nous propose donc de découvrir une des origine du dispositif artistique lui même parent de la performance. Bien d’autres tentatives d’installations de l’époque sont à découvrir à Beaubourg dans le cadre de l’événement.

Vue d'exposition. Photographie par Alexia Lalangue

Vue d’exposition. Photographie par Alexia Lalangue

« Beat generation » regorge de richesses aussi bien au niveau de sa scénographie particulièrement en phase avec l’essence du sujet que par son contenu. L’abondance des documents mais surtout la diversité de leur support (peinture, poème, livre, objets du quotidien, film…) contribuent à créer un monde en perpétuel mouvement, les bruits des projections se confondent, les images abondent, les couleurs se superposent si bien que l’on ne sait plus où placer son regard. L’objectif de l’installation serait de transmettre un message de génération à génération en invitant le visiteur à toujours se laisser porter par le rythme saccadé et dansant de la machine à écrire.

Écrit par Alexia Lalangue


Du 22 juin au 3 octobre 2016

Centre Pompidou, Paris


Colloque BEAT GENERATION : L’INSERVITUDE VOLONTAIRE
28 – 30 septembre 2016
Petite salle – Centre Pompidou, Paris
Entrée libre

LE PROGRAMME DES TROIS JOURS :

• « Beat Archives : The Art of Life », 28 septembre 2016, à 19h00 : https://www.centrepompidou.fr/id/cKAA8GL/ra55AbB/fr

• « Aux sources de la Beat Generation : la littérature et le cinéma français », 29 septembre 2016, à 11h15 : https://www.centrepompidou.fr/id/cBoopKn/rX55Aj4/fr

• « La réalité est un film », 30 septembre 2016, à 11h15 :
https://www.centrepompidou.fr/id/cMRRXMn/ry55A4d/fr

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Etienne Pottier, artiste – L’entretien /?p=1434 /?p=1434#respond Wed, 22 Jun 2016 11:00:58 +0000 /?p=1434  

La galerie Premier Regard à Paris nous a dévoilé début juin un être profondément punk, Etienne Pottier. A l’occasion de cette première présentation personnelle de son œuvre « LUXOR » nous l’avons rencontré. Sans plus attendre nous vous laissons pénétrer dans cet univers graphique où coups de crayon sont rythmés par les sonorités brutes de la guitare électrique.

Hey Listen : Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur ton parcours ?

Etienne Pottier : Au lycée j’ai choisi la filière scientifique pour passer mon bac, ce que j’ai eu tendance à beaucoup regretter, je pense que j’aurais été bien plus heureux et performant en L. Quoiqu’il en soit en sortant du bac j’avais absolument aucune idée des études que je voulais faire. L’art m’a sauvé en quelque sorte, dès que j’ai eu un projet fixe tout m’a semblé plus simple. Ce fut long, laborieux, j’ai échoué au concours des Beaux Arts de Paris, quant à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs j’ai passé le concours deux fois avant d’être finalement admis. D’ailleurs lorsque j’y étais étudiant l’enseignement m’a semblé extrêmement déceptif, cependant l’école a eu le mérite de me faire aimer la gravure dans laquelle je me suis spécialisé. Après obtention de mon diplôme en 2009, j’ai plus au moins multiplié les projets en passant par une phase où je voulais me dédier à la photographie de mode. Pour résumé, j’ai longtemps hésité, je me suis souvent perdu mais je n’ai jamais arrêté de me chercher. Aujourd’hui j’aimerais mettre de côté ce qui a été mon domaine de prédilection depuis le début : la gravure, l’illustration pour expérimenter le volume et en particulier la céramique.

3 têtes, 2016. Gravure sur papier marouflé sur bois, 130 x 77 cm

3 têtes, 2016. Gravure sur papier marouflé sur bois, 130 x 77 cm

HL : Comment travailles-tu, quels sont tes rituels, tes habitudes de travail, tes espaces privilégiés ?

EP : J’ai un atelier porte d’Asnières à Paris où j’ai quasiment toujours vécu c’est un endroit auquel je suis profondément attaché puisqu’il contient toutes mes expériences et souvenirs d’ados.

Los angeles, 2016. Gravure et aquarelle sur papier marouflé sur bois, 130 x 71 cm

Los angeles, 2016. Gravure et aquarelle sur papier marouflé sur bois, 130 x 71 cm

Le carré compté sur papier intitulé « 4h33 » traduit cet instant pendant lequel en rentrant de soirée à l’heure éponyme j’observais les tours d’immeuble de mon quartier où je pouvais distinguer seulement deux ou trois lumières allumées. Ce sont ces moments privilégiés, ces instants volés de mon adolescence qui se retrouvent dans certains travaux. Quant à la manière de procéder je m’arme toujours d’un cahier de recherche avant et pendant la réalisation de chaque production. Il retrace le cheminement de ma pensée et regroupe toutes mes idées. Je ne m’en sépare jamais par conséquent travailler pour moi implique toujours un long processus de création. C’est aussi une manière de laisser venir à moi toutes nouvelles propositions artistiques. Je ne peux me passer de musique chaque morceau accompagne une œuvre. L’autre grand compagnon de création est sans conteste la station France Culture. Quand j’y pense je crois qu’une grande partie de mon éducation vient de là. Pour résumer, la musique m’inspire au même titre que la radio me livre des références. Plus techniquement, je travaille souvent d’après photo comme tu as pu le constater pour « Bois sacré » mais je ne rétroprojette jamais. C’est à dire que je fais un effort de reproduction sans pour autant recourir à la méthode calque. Imagine moi juste comme un grand gamin en train d’écouter de la musique, ma terre d’argile dans la main pensant à mille choses c’est la meilleure façon de comprendre comment je travaille.

HL : Comment est-ce que tu te situes en tant qu’artiste dans ce monde de l’art contemporain ?

EP : C’est un monde qui devient de plus en plus élitiste et qui donc ferme ses portes à un public jeune. Le fait que ces personnes n’aient aucune conviction, aucune aspiration m’indigne d’autant plus que pour la plupart ce sont mes camarades. A titre d’exemple, j’ai un ami qui a fait les Arts Déco avec moi et qui après s’être spécialisé en animation a tout abandonné pour être exposé dans une galerie.

Série Sodla, 2016. Céramique, dimension variable

Série Sodla, 2016. Céramique, dimension variable

HL : Quelles sont tes inspirations majeures ?

EP : La musique comme tu as pu le constater joue un rôle très important dans mon œuvre. Le groupe français Micropoint de musique électronique hardcore m’a beaucoup inspiré à tel point que j’ai repris une de leur chanson pour le titre de « C’est la mode ». En artiste plasticien, je dirais que Damien Deroubaix constitue aussi à sa manière une influence majeure. Si je devais citer une œuvre cinématographique essentielle à mes yeux ce serait Dobermann, le film de Jan Kounen mettant en vedette Vincent Cassel sorti en 1997. Ce sont toutes, chacune à leur manière, des œuvres et artistes générationnels qui constituent et véhiculent un univers punk intimement relié à mon travail.

HL : Tu te définirais donc comme un être profondément punk, Comment s’est crée cette identité ?

EP : Oui absolument, j’ai vraiment écouté beaucoup de punk comme tu le sais, j’étais dans les milieux métal, free party pendant 5 ans. Ces grandes fêtes aux alentours de Paris dans lesquels on avait avec plus d’une dizaine d’amis au moins 15000 watts de sono ont indirectement été une grande influence pour moi. C’est une manière de penser tournée vers l’expérimentation qui est je pense à l’origine de toute création artistique. L’autre grand symbole de l’univers punk qui a beaucoup inspiré mon travail est la moto. Mon frère à 15 ans m’emmenait dans des rassemblements de motards et donc très jeune j’ai fait parti de cette culture là très éloignée de mes origines sociales plutôt bourgeoises.

HL : Pour conclure, aurais-tu un conseil à donner à des jeunes qui souhaiteraient s’orienter vers le métier d’artiste ?

EP : C’est très simple il faut beaucoup travailler.

Entretien réalisé par Alexia Lalangue

Lux Or, 2016. Céramique et bois, dimensions variables

Lux Or, 2016. Céramique et bois, dimensions variables

Site de l’artiste : http://etiennepottier.com/

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