#OnVisitePourVous – Hey Listen Blog d'actualités sur l'art. jeu, 15 Déc 2016 13:00:12 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.7 Magritte : la trahison des images /?p=2033 /?p=2033#respond Thu, 15 Dec 2016 13:00:12 +0000 /?p=2033 René Magritte, peintre surréaliste s’il en est, nous plonge dans un univers à la fois magique et plein de sens. La trahison des images, thème principal de notre exposition, nous invite à aller au-delà des illusions, mais aussi du sens commun, de nos croyances de tous les jours. Une visite qui bouleverse en invitant le visiteur à réfléchir sur lui.

Le surréalisme a souvent mauvaise réputation dans le grand public. Il nous faut reconnaître que souvent les œuvres surréalistes nous dépassent, nous n’en saisissons pas le sens, ni même le but. Cependant, René Magritte ne cache pas ici la signification de son œuvre : montrer que les images, que ce que nous prenons souvent comme une vérité absolue, nous illusionnent souvent et nous mentent.

René Magritte, La Trahison des images
(Ceci n’est pas une pipe), 1929, Huile sur toile, 60,33 x 81,12 x 2,54 cm, Los Angeles County Museum of Art.
Purchased with funds provided by the Mr. and Mrs. William Preston Harrison Collection. © Adagp, Paris 2016 © Photothèque R. Magritte / Banque d’Images, Adagp, Paris, 2016

Dénoncer de fausses évidences, laisser entendre que des objets les plus communs ne correspondent pas à la vision que l’on en a, voilà ce que Magritte souhaite nous dire, en faisant de l’image un moyen de communication, qu’il hissait à la hauteur des mots. Si nous pouvons avoir l’impression, au premier abord, que cette dénonciation des illusions ne s’appuient sur aucun fondement (après tout, une pipe est une pipe, rien de plus), c’est que nous n’avons pas encore découvert les autres œuvres de Magritte, qui explicitent sa volonté de s’appuyer sur une base rationnelle, celle d’Hegel ou encore de Platon.

Les vacances d’Hegel nous illustre la volonté de l’artiste de s’appuyer sur une méthode privilégiée par ce philosophe, à savoir la dialectique. L’eau tombe dans le verre que le parapluie repousse, expression d’une logique qui nous invite à réfléchir, comme le faisait Hegel, sur les contradictions qu’entraînent souvent ce qui nous semble évident, pour aller au-delà.

René Magritte, Les vacances de Hegel, 1958
Huile sur toile, 60 x 50 cm
Collection particulière
© Adagp, Paris 2016
© Photothèque R. Magritte / Banque d’Images, Adagp, Paris, 2016

Magritte rend à la peinture un rôle que beaucoup lui ôtèrent : restituer le réel, lui rendre sa vérité. Incitation pour le visiteur à examiner ses propres croyances, sa propre vie. Hegel n’est pas la seule référence philosophique opérée par notre artiste, qui consacre une salle à l’Allégorie de la Caverne, créé par Platon. Étant incontestablement contre les apparences et le domaine de la perception sensible de manière générale, qu’il considère comme trompeur, l’allusion à Platon ne s’en justifie que davantage.

La clef des champs, est un tableau des plus parlant : sortir de l’enfermement, accéder à un ailleurs qui nous ouvre des champs de connaissance plus importants… Autant d’idées qui se regroupent chez Platon derrière une volonté de trouver ce qui peut former une certitude absolue. Si Platon considérait qu’à cet égard les images, les apparences échouaient à nous apprendre quoi que ce soit de certain, c’est certainement ce que nous retrouvons dès l’intitulé de l’exposition : Magritte, La trahison des images.

René Magritte, La clef des champs, 1936. Huile sur toile, 80 x 60 cm. Centre Pompidou

Une exposition très riche, comme nous l’avons vu, en références et en démonstrations. Cependant, inutile d’être philosophes pour apprécier à leur juste valeur ces tableaux, puisque un extrait des plus explicite de l’Allégorie de la Caverne est notée sur le mur menant à la salle consacrée à celle-ci, guidant ainsi notre réflexion.

Le Centre Pompidou, qui souvent se consacre aux artistes contemporains, nous dévoile les œuvres d’un Magritte qui attire aussi bien les adultes que les enfants, un défi réussi qui parle à chacun.

Crédits top image : René Magritte, Les Merveilles de la nature, 1953, Huile sur toile, 77,5 . 98,1 cm. Museum of Contemporary Art Chicago. Gift of Joseph and Jory Shapiro, 1982.48© Adagp, Paris 2016 © Photothèque R. Magritte / BI, Adagp, Paris, 2016


Centre Pompidou

Jusqu’au 23 janvier 2017

Tarif plein : 14€ ; Réduit : 11€

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Munch, Hodler, Monet rassemblés au Musée Marmottan /?p=1993 /?p=1993#respond Wed, 30 Nov 2016 09:00:14 +0000 /?p=1993 Trois artistes : Munch, Hodler et Monet. Trois peintres que l’histoire de l’art a pris l’habitude de distinguer voir d’opposer afin d’incarner les grands courants picturaux de la seconde moitié du XIXème siècle. Les rassembler est le défi que s’est lancé le musée Marmottan Monet !

De la même période, d’Europe mais de pays différents, ces trois artistes ne se sont pourtant jamais rencontrés. Rangés par l’Histoire de l’Art dans des courant picturaux différents, ils vivent dans un même monde en mutation à la fin du XIXe siècle, bouleversé par les évolutions techniques, politiques et sociales à l’approche et au lendemain de la première Guerre Mondiale.

Solen

Edvard Munch, Le Soleil, 1912, Huile sur toile, 123 x 176,5 cm, Oslo, Munchmuseet / Photo © Munch Museum

Ils assistent ainsi au développement des sciences physiques et naturelles, procédant, à cette époque, davantage par l’expérimentation et la série. Munch, Hodler et Monet introduisent ainsi ce modèle scientifique dans leur processus créatif à travers une conception méthodique des séries et l’utilisation récurrente de certains motifs. On retrouvera ainsi à de multiples reprises la maison rouge chez Munch, l’horizon des Alpes chez Hodler, ou encore la transparence de l’eau chez Monet. L’exposition propose de revenir sur des thèmes et motifs récurrents dans l’oeuvre de ces trois artistes tels que la neige, l’eau, le soleil. Tous partent d’une observation attentive de la nature, puis tentent de représenter ses effets à travers l’immobilité du médium pictural. Tous trois tentent de « peindre l’impossible » : la lumière éblouissante du soleil, l’éclat de la neige, les mouvements et variations de la lumière sur l’eau.

Claude Monet, La Barque, 1887, Huile sur toile, 146 x 133 cm, Paris, Musée Marmottan Monet © The Bridgeman Art Library

Claude Monet, La Barque, 1887, Huile sur toile, 146 x 133 cm, Paris, Musée Marmottan Monet © The Bridgeman Art Library

Face à l’émergence de la photographie, ces artistes vont soumettre une contre-proposition en mettant l’accent sur la singularité du médium pictural : l’expressivité de la couleur, enfin dégagée de son devoir d’imitation optique au profit des sensations. Monet, Hodler et Munch utilisent la couleur comme une substance visuelle de la nature afin de constituer un nouveau langage reposant sur les sensations et les émotions. Ainsi, tous trois participent à cette même histoire des avants-gardes artistiques allant de l’impressionnisme à l’abstraction. L’exposition dépasse les cases préconçues par l’histoire de l’art afin de classer chaque artiste dans un courant pictural. Mettre cote à cote ces tableaux, amène à jouir de ces oeuvres emblématiques autrement, à travers un axe de recherche commun : représenter l’impalpable.

Claude Monet, La Maison vue du jardin aux roses, 1922-1924, Huile sur toile, 81 x 92 cm, Paris, Musée Marmottan Monet © The Bridgeman Art Library

Claude Monet, La Maison vue du jardin aux roses, 1922-1924, Huile sur toile, 81 x 92 cm, Paris, Musée Marmottan Monet © The Bridgeman Art Library

Le musée Marmottan nous propose donc une exposition bien loin des monographies habituelles ou des expositions traitant des grands courants de l’Histoire de l’Art, et ce au profit d’une pure et simple délectation des oeuvres. On peut ainsi y redécouvrir des Monet emblématiques de la collection du musée, présentés selon des axes qui nous amènent à les voir comme on ne les avait jamais perçu auparavant. C’est également le moyen de profiter des nombreux chefs-d’oeuvres du Munchmuseet d’Oslo prêtés pour l’occasion.

 

Crédit photo couverture : Edvard Munch, Neige fraîche sur l’avenue, 1906, huile sur toile, 80 x 100 cm, Oslo, Munchmuseet / Photo © Munch Museum


Musée Marmottan Monet 

Du 15 septembre 2016 au 22 janvier 2017

Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h 

Plein tarif : 11€ / Tarif réduit : 7,50€

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Age of Anxiety /?p=1960 /?p=1960#respond Fri, 25 Nov 2016 13:36:01 +0000 /?p=1960 « Il faut avoir du chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse » disait Nietzsche. Pour les Etats-Unis, ce-dit chaos pourrait bien coïncider avec la période trouble que fut la Grande Dépression des années 1930. Qu’en est-il alors de l’ « étoile qui danse » ?

L’exposition qui se tient au musée de l’Orangerie nous prouve justement que l’anxiété peut se transformer en énergie créatrice. Au cœur de cet « age of anxiety » que sont les années 30, les artistes américains prennent différentes voies pour exprimer leurs craintes, leur rage ou leur soif de liberté.

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Edward Hopper (1882-1967), Gas (Station-service), 1940, Huile sur toile, 66.7 x 102.2 cm, New York, Museum of Modern Art (MoMA)

Ceux pour qui la Grande Dépression apparaît comme un déboussolement se lancent en quête de leur identité à travers celle de leur nation. Les paysages ruraux ou bétonnés qui constituent leur quotidien en disent beaucoup sur leur époque. Non loin des vastes étendues de champs s’élèvent des bâtisses grises, symboles du capitalisme qui s’effondre alors. Le paysage rural est à la fois évocateur de destruction, de désertion et de renouveau. Ces terrains vierges comme des toiles blanches apparaissent comme une opportunité de fonder les bases d’une nouvelle culture visuelle.

Alors que la foi des américains dans le capitalisme s’ébranle, ces derniers prônent un retour à la terre et aux valeurs traditionnelles. Le thème de la vie paysanne, qui séduit par son aspect brut et authentique, est omniprésent. L’univers des fermiers, pourtant rudimentaire, évoque un univers stable et rassurant pour les traumatisés du Krach boursier.

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Grant Wood (1891-1942), American Gothic (Gothique américain), 1930, Huile sur panneau d’aggloméré, 78 x 65.3 cm. Chicago, The Art Institute of Chicago, Friends of American Art Collection. © The Art Institute of Chicago

Les artistes ressentent le besoin de dépeindre leur réalité contemporaine tout en portant un regard sur leur passé. En effet, c’est dans leur histoire que les américains puisent la matière de leur identité. Certains trouvent refuge dans la glorieuse époque coloniale tandis que d’autres reviennent sur des époques plus sombres qui ternissent et nuancent l’image d’un pays peuplé de héros. Thomas Hart Benton affiche quant à lui son parti pris pour l’intégration des afro-américains à la culture américaine.

 

 

 

 

 

 

 

Thomas Hart Benton (1889-1975), Cotton Pickers (Cueilleurs de coton), 1945, Huile sur toile, 81.3 x 121.9 cm. Chicago, The Art Institute of Chicago. © The Art Institute of Chicago. © T.H. and R.P. Benton Testamentary Trusts / ADAGP Paris 2016

Thomas Hart Benton (1889-1975), Cotton Pickers (Cueilleurs de coton), 1945, Huile sur toile, 81.3 x 121.9 cm. Chicago, The Art Institute of Chicago. © The Art Institute of Chicago. © T.H. and R.P. Benton Testamentary Trusts / ADAGP Paris 2016

Plutôt que de s’efforcer à accepter cette société en chute libre, d’autres peintres visent la libération de l’esprit par de nouvelles formes artistiques. Ils s’éloignent de la tradition figurée pour explorer l’abstraction, dont la source créatrice est, selon Pollock, l’expression de l’inconscient. C’est également sur cette idée que se fonde l’art surréaliste, inspiré aux artistes américains par quelques grandes figures européennes comme Miro ou Dali. En associant et juxtaposant librement des images, on parvient à des scènes presque onirique qui reflètent la psychologie de l’artiste. Les œuvres de Osvaldo Louis Guglielmi, par exemple, sont le miroir de sa pensée prolétarienne inquiétée par la décadence de son temps.

Oswaldo Louis Guglielmi (1906-1956), Phoenix (Portrait in the Desert; Lenin) (Phoenix (Portrait dans le désert ; Lénine), 1935, Huile sur toile, 76.2 x 63.8 cm. Sheldon Museum of Art, University of Nebraska-Lincoln, NAA-Nelle

Oswaldo Louis Guglielmi (1906-1956), Phoenix (Portrait in the Desert; Lenin) (Phoenix (Portrait dans le désert ; Lénine), 1935, Huile sur toile, 76.2 x 63.8 cm. Sheldon Museum of Art, University of Nebraska-Lincoln, NAA-Nelle

Les artistes ne sont pas les seuls à chercher un échappatoire à cette société en déclin. En effet, c’est toute la population qui s’enivre de distraction. Concerts, bals ou cinémas sont autant de moyens de faire face à une dure réalité. Les peintres représentent l’abondance vide, le foisonnement désespéré des divertissements auxquels la population s’adonne avec ardeur.

Reginald Marsh (1898-1954), Twenty Cent Movie (Film à vingt cents), 1936, Crayon carbone, encre et huile sur panneau de particules, 76.2 × 101.6 cm, Whitney Museum of American Art, New York

Reginald Marsh (1898-1954), Twenty Cent Movie (Film à vingt cents), 1936, Crayon carbone, encre et huile sur panneau de particules, 76.2 × 101.6 cm, Whitney Museum of American Art, New York

D’autres encore utilisent la peinture comme purgatoire. Ils expriment l’horreur et la désillusion auxquelles ils sont confrontés à travers des peintures très sombres. C’est d’abord une démarche introspective, une façon de se libérer de la haine ou de la peur qu’ils éprouvent. C’est également la projection d’une triste réalité sociale et économique et une manière de dénoncer les facettes les plus médiocres du contexte mondial de cette époque. Joe Jones, avec son  American Justice, s’inclut dans cette deuxième catégorie d’artistes en montrant avec violence les dérives de la société américaine.

Joe Jones (1909-1963), American Justice (Justice américaine), 1933, Huile sur toile, 76,2 x 91,4 cm. Columbus Museum of Art, Ohio

Joe Jones (1909-1963), American Justice (Justice américaine), 1933, Huile sur toile, 76,2 x 91,4 cm. Columbus Museum of Art, Ohio

Ces années troubles marquent également l’âge d’or du cinéma américain. L’énergie créatrice des cinéastes comme John Ford prend le dessus sur les conditions matérielles parfois difficiles dans lesquelles les compagnies doivent travailler. Les décors et les scénarios sont bien emprunts d’un esprit sombre et chaotique, mais les productions foisonnent dans tous les registres. La technique de la colorisation qui apparaît ensuite apporte un nouvel essor au septième art, libérant des possibilités esthétiques et ouvrant les portes à l’imaginaire.

Le Musée de l’Orangerie propose, en plus de cette riche exposition, plusieurs visites-ateliers, conférences et concerts en lien avec l’Amérique des années 30. Toute la programmation est disponible sur le site : http://www.musee-orangerie.fr/fr/evenement/la-peinture-americaine-des-annees-1930.


Crédits pour la photo de couverture : Georgia O’Keeffe (1887-1986), Cow’s skull with Calico Roses (Crâne de vache avec roses), 1931, Huile sur toile, 91.4 x 61 cm. Chicago, The Art Institute of Chicago, Alfred Stieglitz Collection, don de Georgia O’ Keeffe © The Art Institute of Chicago © Georgia O’Keeffe Museum / ADAGP Paris 2016


Du 12 octobre 2016 au 30 janvier 2017

Musée de l’Orangerie

Tarifs : 9€ – 6,50€ (tarif réduit)

Gratuité pour les moins de 25 ans

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Alechinsky et l’amour de l’encre /?p=1911 /?p=1911#respond Wed, 16 Nov 2016 17:24:24 +0000 /?p=1911 Matisse est né à Cateau-Cambrésis. C’est là que se trouve aujourd’hui le musée qui porte son nom. Il accueille actuellement l’oeuvre de Pierre Alechinsky, artiste belge dont l’âge avancé n’enlève rien à son « hyper-activité » créatrice.

Le Musée Matisse de Cateau-Cambrésis est d’abord un lieu de rencontres. Rencontres entre le public et les collections, mais aussi entre les artistes eux-même. Qu’ils soient contemporains ou non, les artistes exposés au musée semblent liés par des idées, des inspirations. Les oeuvres se répondent et s’inscrivent dans un prolongement d’idées. C’est de cette vocation de créer un dialogue résonnant entre les murs du musée qu’est née l’idée d’une exposition consacrée à Pierre Alechinsky.

Vue d’exposition. Crédits photo Gaëlle Hubert

Le travail de l’artiste belge s’inscrit dans la continuité de l’exposition Matisse et la gravure qui a vu le jour fin 2015. Celle-ci s’intéressait à un aspect parfois délaissé du travail de Matisse, qui a pourtant inspiré de nombreux artistes. Alechinsky fait justement partie de ceux-là.

Issus d’une formation en typographie, en illustration du livre et en gravure, il touche également à la peinture, à la calligraphie et à la céramique. C’est autour de son travail sur les livres illustrés, ainsi que sur les recherches et correspondances qui y sont liées, que l’exposition Marginalia gravite.

Le parcours qui se tient au Musée Matisse rend compte de la richesse de l’oeuvre de Pierre Alechinsky en mettant l’accent sur les relations de qualité qui ont enrichi sa pensée. Sont exposées, comme témoignage de ces amitiés, de nombreuses oeuvres collaboratives où le dessin de l’artiste vient se lier aux écrits. Ces travaux sont l’occasion de repenser la répartition des textes et des illustrations dans l’espace. A travers la calligraphie, l’artiste s’intéresse également à la lettre comme signe, comme image qui peut être détournée. Il joue avec la forme des mots en même temps qu’avec leur sens en faisant preuve d’un humour moqueur, imprégné de surréalisme. Il créé des dialogues amusants entre des supports pré-existants (actes de notariat, feuilles de paiement…) et les illustrations qu’il intègre. A la manière des palimpsestes, les supports sont réemployés pour créer un sens nouveau.

Dans ses livres illustrés comme dans ses toiles, Alechinsky a le souci de la composition. La présence de la marge ou de la prédelle dans ses oeuvres est une constante. Elles viennent encadrer ou souligner le motif central, en prenant parfois une importance étonnante. En effet, le cadre, qu’on considère souvent comme annexe, apparaît sous un autre jour dans les oeuvres de l’artiste. Il vient soit décorer les toiles de sa couleur ou sa monochromie, soit conférer un sens supplémentaire au reste du tableau, parfois par une narration abstraite. Parmi les nombreuses préoccupations communes entre Matisse et Alechinsky, on distingue notamment l’utilisation de l’ouverture. Ce qui chez le premier prend la forme d’une fenêtre se traduit chez le second par cette ouverture entre les marges. La forme ronde fait également partie des motifs récurrents communs aux deux artistes. L’Astre et désastre, entre autre, semble apparaître comme une synthèse de ces recherches sur la composition : on y retrouve à la fois la prédelle monochrome qui contraste avec la richesse des couleurs, l’idée d’ouverture et la forme du rond.

Il ne faudrait pourtant pas penser que le travail d’Alechinsky est calqué sur celui de son inspirateur. Loin de marcher dans ses pas aveuglément, il crée une réinterprétation des images qui l’ont inspirées. L’artiste dit lui-même que rien n’est vierge, que la création est toujours nourrie des visions qui nous précèdent.

C’est grâce à sa maîtrise technique irréprochable et sa culture artistique que Pierre Alechinsky a fourni (et continue de fournir) des oeuvres aussi riches, tant par les références qu’on peut en extraire, que par une simple et pure poésie.


Jusqu’au 12 mars 2017

Musée de Matisse, Cateau-Cambrésis

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Un bestiaire mécanique – horloges et automates à la renaissance /?p=1888 /?p=1888#respond Sun, 23 Oct 2016 09:00:17 +0000 /?p=1888 Un tic-tac incessant, des yeux qui roulent, une langue qui sort, … Les œuvres s’animent au cœur de la galerie Kugel.

Depuis toujours, l’homme rêve de donner vie à un être artificiel et c’est à la fin du Moyen-Âge qu’il pourra y parvenir avec l’apparition de l’horlogerie. Ce rêve s’incarna en de luxueuses horloges à la Renaissance représentant des animaux ou des personnages en bronze doré destinés au plaisir des princes. Les premiers automates sont ainsi créés, une pratique entre science et l’art, avec des mouvements prédéfinis se répétant au grès du pendule. Un bras qui bouge, une langue qui sort, les yeux qui roulent, une bouche qui s’ouvre, etc.

La Galerie Kugel, grande galerie d’antiquaires à Paris, présente pour la première fois une exposition entière consacré aux horloges et automates de la Renaisse conçus entre 1580 et 1630. C’est la plus grande collection jamais assemblée – plus de 30 modèles sont présentés. Principalement des animaux exotiques – éléphant, lion, ours, … – mais aussi des personnages tels que des dompteurs d’ours ou un turc à cheval brandissant son cimeterre.

Conçus dans la ville d’Augsbourg, principal centre artistique germanique à cette époque, ces merveilleux objets combinant l’art, la sculpture, l’horlogerie et parfois l’ébénisterie, furent offert dans le cadre de cadeaux diplomatiques, notamment à Istanbul ou en Chine. Ils fascinèrent les cours européenne avant comme aujourd’hui.

Malgré un nombre important de ces automates exposés à la galerie, une seule grande pièce compose l’exposition. Le tour se fait assez rapidement et peu frustrer lorsque l’on voit la qualité de ces créations qui donnent envie d’en voir toujours plus ! Une très belle exposition, gratuite qui plus est, et rapide. Penchez vous sur chaque horloge et regardez en tous les recoins, elles regorgent de détails !

 


Galerie J.Kugel – 25 quai Anatole France, 75007, Paris

Entrée Libre du Lundi au Samedi de 10h30 à 19h

Du 9 septembre au 5 novembre 2016

 

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Oscar Wilde, L’impertinent absolu /?p=1866 /?p=1866#respond Thu, 20 Oct 2016 08:00:22 +0000 /?p=1866 Le Petit Palais ouvre ses portes à l’écrivain irlandais Oscar Wilde, pour sa première grande exposition française permettant de découvrir sa vie et son oeuvre à travers un parcours chronologique développé en sept salles. 

Aubrey Beardsley, J’ai baisé ta bouche Iokanaan, The
Studio, n°1, avril 1893. Collection Merlin Holland

On entre dans l’exposition comme on entrerait chez Wilde : la première pièce est décorée d’un motif présent chez ce dernier et qui lui est cher, la scénographie veut ainsi nous aider à plonger dans son univers. Aussi, une multitude d’oeuvres, provenant de médiums artistiques variés (peintures, photographies, manuscrits, lettres, dessins etc..) servent cette ambition. Cependant, tout cet éclectisme ne nous immerge que très peu dans la psychologie de l’artiste, même si ses aphorismes, ponctuent toute l’exposition. Si le spectateur a une riche documentation à sa disposition, il s’agit essentiellement de (trop) courts extraits de critiques ou de (très beaux) manuscrits, mais sous vitrine. De même les explications ornant les murs de chaque salle éclairent sur les oeuvres présentées, mais restent très factuelles et biographiques.

En revanche, l’oeuvre d’Oscar Wilde, Salomé, est quant à elle bien plus développée : une salle entière lui est consacrée. Néanmoins, ce n’est pas tellement celle de Wilde que l’on y découvre, mais plus la Salomé mythologique et inspirée de ses représentations faites par l’artiste ! Il est très intéressant de voir de quelles manières l’artiste et son oeuvre sont devenus une source d’inspiration pour d’autres artistes. Salomé a ainsi permis à Aubrey Beardsley de créer un magnifique portofolio de dix-sept illustrations, exposées au Petit Palais.

Si l’oeuvre de Wilde a permis de créer d’autres oeuvres d’art, son image et sa personne elles-mêmes donnent aussi naissance à des productions artistiques, comme le portrait Toulouse Lautrec, ou les représentations satiriques faites de lui, lors de son séjour aux États-Unis.

Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901), La Danse mauresque, 1895. Panneau pour la baraque de la Goulue, à la Foire du Trône à Paris. © RMN-Grand Palais
(musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Dans un second temps, l’association des oeuvres critiquées par Wilde avec des extraits de ces critiques nous permet d’appréhender sa vision de l’art et ses goûts artistiques personnels. Par exemple, il aime, ou semble aimer les thèmes antiques – ou tardo-antiques -, que l’on retrouve dans sa critique sur la peinture de Sir William Blake Richmond, Electre sur la tombe d’Agamemnon, de 1874, mais également dans son choix du sujet pour sa pièce Salomé, à propos d’une princesse juive du Ier siècle. De même, Wilde semble développer un attrait particulier pour ce qui tend à la poésie, à une esthétique onirique, bien plus qu’au réalisme et naturalisme. En effet, s’il met en avant les oeuvres de Blake ou Evelyn de Morgan, il dénigre celles de Tissot, qu’il juge trop réalistes.

De fait, ce n’est pas tant son caractère «d’impertinent absolu » qui est développé au Petit Palais, mais plus sa relation aux arts et sa propre aura artistique. L’exposition met également en avant des oeuvres singulières, notamment de sublimes tableaux emblématiques du courant préraphaélite, peu représenté dans les musées français.

John Roddam Spencer Stanhope (1829-1908), L’Amour
et la jeune fille, 1877. © Fine Arts museum de San
Francisco Achat du musée, du European Art Trust Fund,
du Grover A. Magnin

 


Du 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017

Petit Palais – Paris

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« COMMENT BÂTIR UN UNIVERS QUI NE S’EFFONDRE PAS DEUX JOURS PLUS TARD 3/3 : ENTROPIES » /?p=1849 /?p=1849#respond Wed, 19 Oct 2016 08:00:39 +0000 /?p=1849 C’est lorsque l’on prend conscience de la déconstruction permanente de notre espace vital que l’on commence à capturer ce qui nous sert de repère, ce qui nous rassure.

Après « Simulacres » et « Relativités », Marie Koch et Vladimir Demoule consacrent le troisième volet de leur projet d’exposition aux « Entropies ». Cette dernière thématique vient s’inscrire logiquement dans la continuité de ce qui a déjà été présenté. Après avoir interrogé notre appréhension du réel et bousculé des données spatiales que nous pensions figées, les deux commissaires d’exposition nous invitent à présent à étudier comment le temps vient marquer l’espace et le dégrader. Et surtout, comment nous, humains, nous réagissons face à la déconstruction de notre univers.

L’« entropie », mesure thermodynamique théorisée par le physicien Clausius, fait état de la désorganisation d’un système. L’augmentation de l’entropie est inéluctable dés lors que le temps commence à s’écouler. On peut calquer ce mécanisme thermodynamique sur l’évolution d’un système de manière générale. Notre univers, celui dans lequel nous évoluons chaque seconde, serait donc voué à se déconstruire lui aussi. Alors qu’il nous sert de repère et qu’il nous semble infiniment stable, l’espace qui nous entoure est en constante dégradation. En prendre conscience est effrayant. Si l’humain a cette manie de capturer, d’enregistrer ce qu’il vit, c’est finalement par peur de voir son monde s’émietter sous ses pieds.

vue d'exposition, © Aurélie Cenno

vue d’exposition, © Aurélie Cenno

Par la photographie, la sculpture ou l’installation, les artistes tentent de fixer en image ou en volume ce à quoi ils tiennent. Il s’agit tant de souvenirs personnels que de données ou de lieux dont ils redoutent la perte. Pour contrer cette inquiétude, l’humain cherche inconsciemment à s’approprier l’espace en en créant des représentations. Il photographie ses proches, crée l’empreinte ou la carte de lieux escarpés, recense des statistiques sur le bonheur dans son pays… En confinant son monde dans des figurations, l’homme peut le contempler et le posséder symboliquement. Nandita Kumar, elle, a projeté dans une bouteille l’image d’un futur proche et inquiétant : celui de l’urbanisation indienne. En l’enfermant dans cet espace réduit, elle prévient autant qu’elle rassure : le futur est là, dans cette bouteille close.

Vue d'exposition, Felicie D'Estienne D'Orves, Etalon Lumière, © Aurélie Cenno

Vue d’exposition, Felicie D’Estienne D’Orves, Etalon Lumière, © Aurélie Cenno

Mais cette sauvegarde est vaine : tout se déconstruit. D’une part, les supports matériels s’altèrent avec le temps comme un disque qui tourne ou une photo qu’on découpe, d’autre part le réel lui-même se déconstruit. Alors que l’on croyait l’habiter, le monde se noie dans la quantité de représentations et de copies que l’homme en a fait. Nous ne le connaissons plus dans sa réalité matérielle et immédiate.

Les artistes tentent alors de mesurer ce temps qui passe et nous effraie. Félicie d’Estienne d’Orves se lance dans ce projet ambitieux avec son Etalon lumière. Avec la contribution d’un astrophysicien, elle rend visible, sur un mètre en acier, la vitesse de la lumière depuis la Terre jusqu’au Soleil et jusqu’à Mars. Alors que l’on pensait la vitesse de la lumière aussi immuable que la mesure d’un mètre, elle se révèle tangible. De la Terre à Mars, la lumière peut aussi bien mettre 3 secondes que 22… Le côté universel de la mesure est totalement déconstruit et nous offre une vision du temps plus large, moins anthropocentrique.

 

Vue d'exposition © Aurélie Cenno

Vue d’exposition © Aurélie Cenno

Quant à l’artiste Miao Xiaochin, il tente de dématérialiser, grâce aux outils informatiques, notre passé, notre histoire. Il se réapproprie les grandes références de l’histoire de l’art (notamment Bruegel et Raphaël) et les rassemble dans un montage vidéo sonore. Ainsi, il les confine dans un même univers (très psychédélique), sauvé dans une dimension immatérielle comme une archive. Il s’engage en même temps dans la création d’une archéologie contemporaine en représentant des brides de notre civilisation où la technologie tient une grande place. Ces images qui conjuguent passé, présent et futur forment finalement un cycle : une éternelle renaissance de notre univers après sa destruction.

Miao Xiaochun, Restart, 2008 - 2010, Vidéo, animation digitale 3D, 14’22” Courtesy de la Galerie Paris-Beijing Mention du copyright: © Miao Xiaochun

Miao Xiaochun, Restart, 2008 – 2010, Vidéo, animation digitale 3D, 14’22”
Courtesy de la Galerie Paris-Beijing
Mention du copyright: © Miao Xiaochun

Grâce à ce dernier volet, « Entropies », nous prenons conscience de ce qui mène l’homme à multiplier les projections de son propre monde. La démarche des artistes, qui font aussi face à la déconstruction de l’univers, est de tirer de cette inquiétude quelque chose de poétique et qui motive la création.


Du 5 octobre au 10 décembre 2016

Maison populaire, 9 bis rue Dombasle, 93100 Montreuil

Entrée libre

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Herb Ritts, Le photographe de la pureté /?p=1804 /?p=1804#respond Sat, 08 Oct 2016 13:25:59 +0000 /?p=1804 La Maison Européenne de la Photographie rend hommage à l’un des plus talentueux photographes contemporain à travers un parcours esthétique et lumineux…

Parcourir l’exposition consacrée à Herb Ritts, c’est se laisser submerger par toute la beauté que la photographie est capable d’offrir.

Le photographe californien, décédé en 2002, est l’auteur des clichés de mode les plus célèbres et de portraits de stars devenus iconiques. Il parvient à saisir ce que ses modèles, y compris ceux qui ont déjà été tant photographiés, ont de particulier. Il crée la photo, celle qui n’a jamais été faite, qui restera dans les mémoires et qui pourrait être regardée pendant des heures. Ceux dont Herb Ritts a capté l’image évoquent souvent une relation de confiance avec lui, si ce n’est une réelle affection.

Ce qui rend ses oeuvres si fascinantes, c’est le mélange de force et de finesse qui s’en dégagent. Il est presque déconcertant de faire face à un tel équilibre.

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Stephanie, Cindy, Christy, Tatjana, Naomi, Hollywood 1989 © Herb Ritts Foundation

Herb Ritts n’est pas un photographe du quotidien qui capturait des scènes presque au hasard en croisant les doigts. Au contraire, c’est un architecte, un sculpteur. Chacune de ses compositions est étudiée, les lignes se croisent exactement là où l’oeil aimerait les voir se croiser. On a beau chercher les imperfections de l’image, les éléments qui briseraient l’équilibre, l’oeil ne peut se détacher de cette forme pure et harmonieuse. L’artiste cherche aussi à rendre la matière, le modelé de la peau, c’est comme s’il avait choisi lui-même le marbre pour créer ses modèles.

Chaque corps, par le mouvement ou la tension qui l’anime, exprime la perfection. Les muscles en action se déploient dans l’espace et les muses aux morphologies sublimes dévoilent leur nudité. Semblables à des divinités grecques ou des héros mythologiques, les modèles de Herb Ritts incarnent le Canon de la beauté antique.

Le Beau est plus facile à ressentir qu’à définir avec des termes conceptuels. Si l’on s’attache à la théorie de Kant, il est question d’un sentiment universel et non d’un ensemble de caractéristiques esthétiques. Il existe effectivement des images dont nul ne peut nier la beauté, l’immensité. Face à un coucher de soleil sur la mer ou la montagne, chacun vit le Beau comme une expérience personnelle, tout en sachant que ce sentiment est partagé universellement. La perfection est incarnée au plus haut point dans la nature, que rien ne peut troubler. Les corps photographiés par Herb Ritts sont si exceptionnels qu’ils s’apparentent à des éléments naturels, des paysages vivants. Ils dégagent la même sérénité qu’une étendue de terre ou qu’un ciel dégagé de Californie.

Waterfall IV, Hollywood 1988 © Herb Ritts Foundation

Waterfall IV, Hollywood 1988
© Herb Ritts Foundation

On pourrait penser, à raison, qu’une telle perfection dégagerait de la rigidité. Comme une photo de classe où les élèves seraient obsessionnellement alignés et rangés par ordre de taille. Pourtant, les photographies d’Herb Ritts n’ont rien de superficiel. Au contraire, elles sont une expression de la pureté. Une pureté universelle qui naît à la fois de la perfection et de la spontanéité. C’est peut-être en cela que le travail du photographe a, comme il le disait lui-même, un caractère universel. Le jugement esthétique est dépendant des cultures et des époques, tandis que la pureté est une notion immuable.

Nous l’avons vu, le corps humain est au cœur du travail d’Herb Ritts. Au-delà de son intérêt pour l’anatomie, il travaille sur l’interaction entre le corps et son environnement, la manière dont l’un entre en contact avec l’autre. Il capte l’instantané où l’eau vient glisser sur la peau, où un tissu tendu enveloppe un corps nu. Et il étudie comment la lumière imprègne les surfaces, pour mieux la maîtriser et la réinventer.

Une technique irréprochable alliée à une sensibilité artistique comme celle-ci est rare dans l’histoire de la photographie. Le panorama des œuvres présentées à la MEP nous transporte dans un monde fait de formes pures, pour le plus grand bonheur des yeux. Si l’on peut faire un parallèle entre la photographie et la musique, Herb Ritts a véritablement l’« œil absolu ».


Du 7 septembre au 30 octobre 2016

Maison Européenne de la Photographie

Du mercredi au dimanche de 11h à 19h45

Plein tarif : 8€ ; Tarif réduit : 4,50€

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La Beat Generation au Centre Pompidou /?p=1747 /?p=1747#respond Mon, 19 Sep 2016 09:49:57 +0000 /?p=1747 Depuis le 22 juin maintenant le centre Georges Pompidou nous propose au dernier étage de son bâtiment haut en couleur une exposition consacrée au phénomène culturel qu’a été la « Beat generation ». L’aventure s’achève le 3 octobre, voici les raisons pour lesquelles la visite est incontournable.

L’événement se vit comme une expérience et se lit comme un carnet de voyage. Ainsi la scénographie, savamment pensée, s’improvise carte des Etats-Unis d’Amérique en créant une ligne de démarcation entre l’activité artistique de la côte Est et celle de la côte Ouest. Cette frontière imaginaire est matérialisée par le manuscrit original sous forme de rouleau du roman manifeste de Jack Kerouac On the road. Il ne s’agit donc pas seulement de transmettre une mode, une effervescence artistique liée à un contexte précis mais bel et bien une philosophie de vie, tournée vers la route.

Jack Kerouac, On the Road, (tapuscrit original), 1951, Papier calque, 360 × 22 cm. Collection James S. Irsay © Estate of Anthony G. Sampatacacus and the Estate of Jan Kerouac © John Sampas, Executor, The Estate of Jack Kerouac

Jack Kerouac, On the Road, (tapuscrit original), 1951, Papier calque, 360 × 22 cm. Collection James S. Irsay © Estate of Anthony G. Sampatacacus and the Estate of Jan Kerouac © John Sampas, Executor, The Estate of Jack Kerouac

Techniquement parlant le rouleau en lui même ne permet pas au lecteur de revenir en arrière aisément, aussi il se conçoit dans l’exposition comme une métaphore du voyage. L’idée de circulation est indéniablement à l’honneur. Certains poèmes sont inscrits sur des pans de tissus, l’installation des murs dans l’espace offre des jeux de perspective et de superposition infinis. La scénographie est bâtit comme un vaste courant d’air. Elle symbolise la circulation des idées, la cause profonde du combat des Beats face à une Amérique réactionnaire et archaïque sous bien des aspects.

Cependant pour encourager son évolution positive et permettre d’entretenir un espoir de changement il était nécessaire de la cerner cette Amérique. Aussi la visite regorge de précieux documents témoignant du désir des intellectuels et artistes de dresser un portrait aussi réaliste qu’acerbe de leur pays. Le recueil de photographie de Robert Franck Americans 1958 en collaboration avec Jack Kerouac qui a écrit la préface constitue un exemple type. Il met en vedette ces personnages de la vie quotidienne aux Etats-Unis, ces macs, ces vieilles personnes à l’air désabusé qui semblent avoir pour unique préoccupation l’attente silencieuse et journalière sur les bancs publics ainsi que bien d’autres spécimens. Ces témoignages ont cultivé l’envie de tracer la route en encourageant la perte volontaire de repères.

Vue d'exposition. Photographie par Alexia Lalangue

Vue d’exposition. Photographie par Alexia Lalangue

Vue d'exposition. Photographie par Alexia Lalangue

Vue d’exposition. Photographie par Alexia Lalangue

C’est à partir de cette dernière que les Beats se sont appropriés les objets de leur quotidien pour s’en créer de nouveaux, d’avantage en adéquation avec leurs aspirations artistiques et intellectuelles. La disposition de l’exposition, encore une fois, a su rendre parfaitement cette réalité en présentant au public des exemples de machines à écrire, radio… L’écriture ne peut se passer de son instrument pour les Beats. Le simple son qu’émet l’inscription sur le papier d’un signe suivit du retour de chariot permet de jouir et d’entretenir pendant la création une expérience plus vivante de l’écriture. L’acte d’écrire transforme l’auteur en musicien et c’est en cela qu’elle est si jubilatoire.

Par conséquent la forme intimement reliée au fond prends des allures d’impros de jazz, les respirations saccadées du texte apporte une dynamique nouvelle et poétique puisqu’intrinsèquement musicale. Cette débordante énergie trouve sa parfaite expression dans le film Pull my daisy présenté juste après les machines à écrire dans la scénographie. Réalisé par Robert Frank en 1959 toujours en collaboration avec Jack Kerouac mais aussi Alfred Leslie, Peter Orlovsky, le document met l’accent sur la nonchalante narration de la voix off, l’unique voix du film. Ainsi les intonations rythmées du narrateur en écho avec la piste de jazz en fond constituent un manifeste, l’art poétique de la « beat generation ». Cette esthétisation systématique de la vie a contribué à élaborer une attitude, une posture type, celle du hipster. Un personnage constamment tourné vers l’expérimentation, une recherche permanente et surtout l’entretien du dialogue entre les différents supports. Une conception de l’art que le réalisateur Bruce Conner a exploité plus que quiconque dans son film Looking for mushrooms (projeté lors de l’exposition) qui met en parallèle l’activité atomique de l’armée américaine avec la recherche de champignons hallucinogènes. Les deux univers paradoxaux que le film confronte par la voie de l’art s’épousent parfaitement. Cependant l’intérêt du document aujourd’hui est surtout d’esquisser un projet de dispositif.

Vue d'exposition. Photographie par Alexia Lalangue

Vue d’exposition. Photographie par Alexia Lalangue

L’exposition nous propose donc de découvrir une des origine du dispositif artistique lui même parent de la performance. Bien d’autres tentatives d’installations de l’époque sont à découvrir à Beaubourg dans le cadre de l’événement.

Vue d'exposition. Photographie par Alexia Lalangue

Vue d’exposition. Photographie par Alexia Lalangue

« Beat generation » regorge de richesses aussi bien au niveau de sa scénographie particulièrement en phase avec l’essence du sujet que par son contenu. L’abondance des documents mais surtout la diversité de leur support (peinture, poème, livre, objets du quotidien, film…) contribuent à créer un monde en perpétuel mouvement, les bruits des projections se confondent, les images abondent, les couleurs se superposent si bien que l’on ne sait plus où placer son regard. L’objectif de l’installation serait de transmettre un message de génération à génération en invitant le visiteur à toujours se laisser porter par le rythme saccadé et dansant de la machine à écrire.

Écrit par Alexia Lalangue


Du 22 juin au 3 octobre 2016

Centre Pompidou, Paris


Colloque BEAT GENERATION : L’INSERVITUDE VOLONTAIRE
28 – 30 septembre 2016
Petite salle – Centre Pompidou, Paris
Entrée libre

LE PROGRAMME DES TROIS JOURS :

• « Beat Archives : The Art of Life », 28 septembre 2016, à 19h00 : https://www.centrepompidou.fr/id/cKAA8GL/ra55AbB/fr

• « Aux sources de la Beat Generation : la littérature et le cinéma français », 29 septembre 2016, à 11h15 : https://www.centrepompidou.fr/id/cBoopKn/rX55Aj4/fr

• « La réalité est un film », 30 septembre 2016, à 11h15 :
https://www.centrepompidou.fr/id/cMRRXMn/ry55A4d/fr

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Les transfigurations de Valerio Adami /?p=1737 /?p=1737#respond Sat, 17 Sep 2016 08:46:39 +0000 /?p=1737 Dans la chapelle Saint-Sauveur de Saint Malo, les vieilles pierres côtoient l’art contemporain. Les œuvres exposées sont celles de l’artiste italien Valerio Adami, avec qui le commissaire d’exposition Christophe Penot instaure le dialogue…

Valerio Adami, aujourd’hui octogénaire, est reconnu par les historiens de l’art comme un peintre d’exception. On peut s’extasier devant la technique de ses toiles mais également devant la richesse de leur dimension conceptuelle. La présentation de son travail incite à une réflexion esthétique sur la création, le beau, le but de l’art.

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Valeri Adami dans son atelier

Ses toiles longuement pensées et minutieusement construites n’en restent pas moins imprégnées de sensibilité et de spontanéité…

Sensibilité en ce qui qui concerne les couleurs choisies par l’artiste qui, bien qu’intellectuel, ne se limite pas à la rationalité. Sa palette, savamment organisée dans de grands pots, est aussi riche que les nuances de ses émotions et de ses souvenirs. Ses associations de couleur évoquent pour chacun de nous des images, en faisant appel à notre mémoire et notre sensibilité. La monumentalité de ses toiles contribue à nous plonger dans des ambiances singulières et chargées d’émotion.

Quant à la spontanéité, c’est elle qui fait découler naturellement de la main de l’artiste les lignes de son dessin. Grâce à sa maîtrise technique, Valerio Adami peut laisser évoluer le crayon sur le papier sans se soucier des contraintes. Son esprit, ainsi libéré, fait naître des images étonnantes. Elles sont le produit d’une association d’idées puisées dans l’inconscient et la mémoire de l’artiste.

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Valerio Adami, Notte Stelatta

Ses tableaux et ses dessins expriment souvent une violence guerrière : celle du fascisme, qui a marqué son enfance. Il a pourtant su exploiter cette horreur, puisqu’il en a tiré une insatiable soif d’art, de connaissances et de liberté. Sa culture littéraire et artistique ainsi que ses nombreux voyages viennent enrichir ses compositions avec une grande intelligence. Parmi ses références visuelles et iconographiques, on reconnaît l’enfant foudroyé de la Transfiguration de Raphaël, mais aussi le dieu grec Pan ou encore Colombine, tirée de la Commedia dell’arte. Ses œuvres sont également riches en références du point de vue esthétique. On perçoit notamment l’intérêt de l’artiste pour Picasso

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Valerio Adami, L’Etoile du Matin

à travers ses visages décomposés et ses personnages aux perspectives multiples. Les lignes noires qui contournent les formes rappellent à la fois le style des bandes-dessinées et la technique des vitraux (avec laquelle il a déjà travaillé par ailleurs).  Le résultat est presque surréaliste et invite à la contemplation en même temps qu’à l’analyse.

Valerio Adami, avec son parcours sans faute et sa frénésie créatrice, est une perle rare de l’art contemporain. Il laissera derrière lui des œuvres uniques et des écrits maintenant essentiels aux théoriciens de l’art.

Écrit par Gaëlle Hubert


Exposition « Transfigurations » du 18 juin au 9 octobre 2016


Saint-Malo, chapelle Saint-Sauveur

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