Entretien – Hey Listen Blog d'actualités sur l'art. jeu, 15 Déc 2016 13:00:12 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.7 Rodolfo Oviedo Vega, Artiste et Directeur d’association – l’entretien /?p=1780 /?p=1780#respond Thu, 17 Nov 2016 08:00:03 +0000 /?p=1780 Nous sommes allé à la rencontre de Rodolfo Oviedo Vega, artiste et directeur de l’association Jour et Nuit Culture, lieu de création artistique mêlant résidence d’artistes et événement culturels tels que des expositions, des débats et des festivals de cinema.

Hey Listen : Pouvez vous nous présenter le projet de l’association Jour et Nuit Culture ?

Rodolfo Oviedo Vega : L’objectif principal de cette association est de défendre le droit à la création. Jour et Nuit Culture est née du fait que Alejandro Saga, Morgane Planchais et moi avions besoin d’espace pour travailler. Ainsi nous avons décidé de créer un véritable espace de création. Ce dernier est dédié à tout le monde, mais on s’est essentiellement focalisé sur des artistes étrangers, car ce sont eux qui ont le plus souvent des difficultés à trouver des ateliers à Paris ou à bénéficier des aides existantes pour la création. C’était d’ailleurs notre cas au début, c’est pour cela que nous avons souhaité partager cet espace. Ainsi l’association a accueillie dans un premier temps environ 45 artistes en permanence au sein des 21 ateliers situés Rue Saint Charles, après, nous nous sommes diversifié en proposant d’autres activités mais la principale reste encore la résidence d’artistes.

Équipe de Jour et Nuit Culture lors de la visite de Murakami

HL : Qu’elles sont les grandes étapes de la création de l’association ?

ROV : Nous avons commencé par prendre possession d’un lieu en 2010, puis nous avons fait les démarches juridiques afin de justifier nos activités. Nous avons ensuite entrepris des travaux dans ces locaux situés au 61 rue saint Charles afin de recevoir des artistes et de créer des ateliers. Puis, pour maintenir en place ces structures, nous avons cherché de quelle manière avoir des ressources. On a alors mis en place une cotisation de la part des artistes résidents puis, dans un second temps nous nous sommes mis à proposer des espaces à d’autres artistes dans le domaine des arts vivants, mais également des espaces pour des cours de yoga ou de danse par exemple.

Composition N°500, 200×400 cm, feuille d’or et acrylique, Paris 2015

HL : Quel a été le rôle de la mairie de Paris dans la mise en place de ce projet d’association ?

ROV : A l’initiative de Bertrand Delanoé, la mairie de Paris a mis à disposition des locaux vides pour des collectifs artistiques. Ainsi nous avons été le premier lieu à Paris à bénéficier de ce projet. Nous nous sommes donc engagés à quitter les locaux rue Saint Charles pour nous installer à Saint Michel et la mairie a donné sa confiance au collectif en contribuant à subventionner une partie du loyer.

HL : Pourquoi avoir choisit de faire cette association à Paris ?

ROV : Le système nous a permis de le faire ici. On vient du milieu des squats, on savait comment prendre possession d’un lieu. Apres la difficulté résidait dans la partie législative :  comment faire en sorte que le projet soit adopté ? La partie légale est plus compliquée que de juste prendre possession d’un lieu. Nous souhaitions avoir des espaces corrects pour travailler dans les meilleures conditions, cela nous a donc poussé à négocier un contrat dans le cadre de la loi, et cela était d’avantage réalisable à Paris plutôt qu’ailleurs.

HL : La plupart de vos artistes-résidents sont de nationalités différentes. Pourquoi est-ce si important de représenter différentes cultures au sein d’un même endroit à Paris ?

ROV : Parce que ça reflète Paris ! Et puis c’est un atout. Nous souhaitons jouer un rôle pour ces artistes étrangers, un rôle d’intégration. En même temps ça nous permet de nous intégrer en tant qu’association dans le quartier. C’est pour ça que c’est si important de faire des partenariats locaux qui font entrer en jeux ces différentes nationalités. On a donc décidé de créer un partenariat avec le cinéma –  avec le projet Images Nomades qui diffuse des films d’origines différentes. On ne connaissait rien au cinéma, mais c’était pour l’association une première étape dans la mise en place d’activités hors les murs. Ainsi on a pu prendre conscience de notre capacité à gérer aussi des choses à l’extérieur de l’immeuble, et ce dans la volonté de créer un partenariat de confiance au sein de notre quartier.

HL : Pouvez vous nous parler des futurs projets de l’association ?

ROV : Nous allons tout d’abord maintenir les portes ouvertes tous les mois. Il faut que ce soit une activité régulière afin de créer une habitude pour les habitants du quartiers, de leur montrer que nous existons. Ensuite, en septembre, on commence avec le projet d’Andonio Nodar : « from portrait to self-portrait’‘, qui consiste à photographier les artistes-vivant d’une ville. Ainsi les artistes parisiens vont défiler dans l’association, il va les photographier, leur donner une copie de la photographie afin que ces artistes puissent travailler sur leur propre portrait. On va donc tenter de monter une exposition avec toutes ces œuvres là. Pour le moment il y a déjà 350 artistes qui ont intégré le projet (dont Julio Le Parc ou Antoni Tapiès), et on espère avoir plus de 1000 artistes d’ici décembre. L’idée est de faire ensuite donation de ces œuvres à la ville afin qu’elles soient exposées dans un lieu correct. On a d’ailleurs déjà fait un accord avec la mairie de Cachan. Puis, on va faire des essais de projections de cour-métrages dans le cadre des Images Nomades afin de rassembler au cours d’une soirée plusieurs réalisateurs qui pourront échanger avec leur publics.

Rodolfo Oviedo Vega profite ainsi de cet espace pour créer des peintures abstraites empruntes de lyrisme. Originaire de El Salvador, il aime repousser les limites de la matière picturale en intégrant divers matériaux à ses œuvres. Cela lui permet ainsi de matérialiser les souvenirs de ses voyages dans ses toiles.

HL : Dans vos œuvres vous mélangez des influences provenant des différents pays que vous avez parcourus à travers vos voyages, pourquoi est ce si important de mélanger ces cultures ?

ROV : Selon moi, l’Art doit retranscrire un vécu ou bien des phénomènes sociaux, naturels ou autre. Comme j’ai beaucoup voyagé j’ai cherché un moyen d’exprimer ce vécu là. Le sujet du voyage et des migrations me passionne. C’est ça mon sujet : tous les motifs pour lesquels un homme se déplace. Pourquoi moi-même je me déplace ? Cela peut être pour un motif économique, politique, pour enrichir l’âme, comme quand on fait un pèlerinage à la Mecque ou au lieu de naissance du Bouddha. Il y a d’ailleurs toujours eu ce sens du sacré dans mon art. A chaque période j’ai trouvé des moyens d’exprimer cela, en ce moment c’est à travers l’usage de l’or car c’est un élément qui renvoi au sacré dans toutes les cultures.

Composition n°450, 161×130 cm, Paris, 2013

HL : Vous utilisez également des matériaux très variés dans vos oeuvres. Pourquoi cette attention accordée au choix des matériaux ?

ROV : Quand on voyage, certes il y a la photographie, mais elle n’est pas un souvenir matériel en soit. Je choisit des choses imprégnées du lieu, ce sont des témoignages matériels de l’endroit en question. Il y a un souvenir dedans, une valeur plus riche, qui a son propre témoignage en lui même. A partir de ce constat là, il me semble évident de pouvoir mélanger ces éléments dans mes œuvres. Le fait de mélanger les matériaux renvoi à mon bagage culturel, à mon vécu. C’est un témoignage et c’est un rappel, car quand tu revois ton travail, cela te rappelle des moments que tu as vécu, et tu te vois toi même. C’est exactement comme dans la vie, quand on relis des notes que l’on a écrites ou des choses que l’on a fait il y a un certain temps et que l’on reviens sur nos pas en se demandant comment on en est arrivé là.

Composition n°509, 35x35cm, acrylique, Paris, 2016

HL : Pouvez vous me parler de votre parcours en tant qu’artiste ?

ROV : Durant mon enfance j’allais à une école jésuite, j’ai donc reçu une éducation très rigide. Puis à 12 ans j’ai intégré unconservatoire d’art où je me suis spécialisé dans le dessin et la gravure. J’ai commencé à peindre en 2005. A 15 ans j’ai commencé à travailler pour un journal, puis à 17 ans j’ai ouvert un bar-galerie à El-Salvador. Le but était de proposer à des étudiants qui n’avaient pas beaucoup de ressources des repas dans un espace artistique. Ainsi, on mangeais au milieu des expositions. C’est à partir de là que je me suis mis véritablement à vivre de mon art. Après, j’ai beaucoup voyagé : en Colombie, au Guatemala, au Mexique. Puis je suis venu en France où j’ai réalisé des expositions dans le sud de la France. Ensuite, je me suis installé à Paris, je vivais dans la rue, et on m’a parlé d’un squat. Je me suis intégré à ce collectif et y ai rencontré Alejandro Saga. Mes deux premières années en France étaient vraiment dures. Mais quand on m’a proposé un billet d’avion pour rentrer à El Salvador, j’ai dit non.

HL : A quel moment avez vous décidé de faire de la peinture abstraite ?

ROV : Alors que je voyageais, je ressentais cette volonté de représenter ce que j’étais entrain de vivre, mais je ne souhaitais pas le faire de manière académique comme on me l’avait appris à l’école. Cela ne suffisait pas à représenter ce que je vivais.  Les indiens font des patchwork avec des éléments de leur passé, j’ai voulu faire de la même façon un patchwork de ce que j’étais entrain de vivre. Puis j’ai appliqué des couleurs et c’est devenu abstrait.

Prix du Sénat 2016

Aujourd’hui, artiste de renom, Rodolfo Oviedo Vega cumule les casquettes : artiste peintre, directeur de l’association Jour et Nuit Culture mais aussi vice-président de l’association ACA (Association Centro Américaine) pour la culture de l’Amérique Central. Il a reçu le Prix du Sénat Français cette année et expose dans le monde entier.

Site internet : http://www.jouretnuitculture.org http://www.oviedovega.com/

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Etienne Pottier, artiste – L’entretien /?p=1434 /?p=1434#respond Wed, 22 Jun 2016 11:00:58 +0000 /?p=1434  

La galerie Premier Regard à Paris nous a dévoilé début juin un être profondément punk, Etienne Pottier. A l’occasion de cette première présentation personnelle de son œuvre « LUXOR » nous l’avons rencontré. Sans plus attendre nous vous laissons pénétrer dans cet univers graphique où coups de crayon sont rythmés par les sonorités brutes de la guitare électrique.

Hey Listen : Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur ton parcours ?

Etienne Pottier : Au lycée j’ai choisi la filière scientifique pour passer mon bac, ce que j’ai eu tendance à beaucoup regretter, je pense que j’aurais été bien plus heureux et performant en L. Quoiqu’il en soit en sortant du bac j’avais absolument aucune idée des études que je voulais faire. L’art m’a sauvé en quelque sorte, dès que j’ai eu un projet fixe tout m’a semblé plus simple. Ce fut long, laborieux, j’ai échoué au concours des Beaux Arts de Paris, quant à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs j’ai passé le concours deux fois avant d’être finalement admis. D’ailleurs lorsque j’y étais étudiant l’enseignement m’a semblé extrêmement déceptif, cependant l’école a eu le mérite de me faire aimer la gravure dans laquelle je me suis spécialisé. Après obtention de mon diplôme en 2009, j’ai plus au moins multiplié les projets en passant par une phase où je voulais me dédier à la photographie de mode. Pour résumé, j’ai longtemps hésité, je me suis souvent perdu mais je n’ai jamais arrêté de me chercher. Aujourd’hui j’aimerais mettre de côté ce qui a été mon domaine de prédilection depuis le début : la gravure, l’illustration pour expérimenter le volume et en particulier la céramique.

3 têtes, 2016. Gravure sur papier marouflé sur bois, 130 x 77 cm

3 têtes, 2016. Gravure sur papier marouflé sur bois, 130 x 77 cm

HL : Comment travailles-tu, quels sont tes rituels, tes habitudes de travail, tes espaces privilégiés ?

EP : J’ai un atelier porte d’Asnières à Paris où j’ai quasiment toujours vécu c’est un endroit auquel je suis profondément attaché puisqu’il contient toutes mes expériences et souvenirs d’ados.

Los angeles, 2016. Gravure et aquarelle sur papier marouflé sur bois, 130 x 71 cm

Los angeles, 2016. Gravure et aquarelle sur papier marouflé sur bois, 130 x 71 cm

Le carré compté sur papier intitulé « 4h33 » traduit cet instant pendant lequel en rentrant de soirée à l’heure éponyme j’observais les tours d’immeuble de mon quartier où je pouvais distinguer seulement deux ou trois lumières allumées. Ce sont ces moments privilégiés, ces instants volés de mon adolescence qui se retrouvent dans certains travaux. Quant à la manière de procéder je m’arme toujours d’un cahier de recherche avant et pendant la réalisation de chaque production. Il retrace le cheminement de ma pensée et regroupe toutes mes idées. Je ne m’en sépare jamais par conséquent travailler pour moi implique toujours un long processus de création. C’est aussi une manière de laisser venir à moi toutes nouvelles propositions artistiques. Je ne peux me passer de musique chaque morceau accompagne une œuvre. L’autre grand compagnon de création est sans conteste la station France Culture. Quand j’y pense je crois qu’une grande partie de mon éducation vient de là. Pour résumer, la musique m’inspire au même titre que la radio me livre des références. Plus techniquement, je travaille souvent d’après photo comme tu as pu le constater pour « Bois sacré » mais je ne rétroprojette jamais. C’est à dire que je fais un effort de reproduction sans pour autant recourir à la méthode calque. Imagine moi juste comme un grand gamin en train d’écouter de la musique, ma terre d’argile dans la main pensant à mille choses c’est la meilleure façon de comprendre comment je travaille.

HL : Comment est-ce que tu te situes en tant qu’artiste dans ce monde de l’art contemporain ?

EP : C’est un monde qui devient de plus en plus élitiste et qui donc ferme ses portes à un public jeune. Le fait que ces personnes n’aient aucune conviction, aucune aspiration m’indigne d’autant plus que pour la plupart ce sont mes camarades. A titre d’exemple, j’ai un ami qui a fait les Arts Déco avec moi et qui après s’être spécialisé en animation a tout abandonné pour être exposé dans une galerie.

Série Sodla, 2016. Céramique, dimension variable

Série Sodla, 2016. Céramique, dimension variable

HL : Quelles sont tes inspirations majeures ?

EP : La musique comme tu as pu le constater joue un rôle très important dans mon œuvre. Le groupe français Micropoint de musique électronique hardcore m’a beaucoup inspiré à tel point que j’ai repris une de leur chanson pour le titre de « C’est la mode ». En artiste plasticien, je dirais que Damien Deroubaix constitue aussi à sa manière une influence majeure. Si je devais citer une œuvre cinématographique essentielle à mes yeux ce serait Dobermann, le film de Jan Kounen mettant en vedette Vincent Cassel sorti en 1997. Ce sont toutes, chacune à leur manière, des œuvres et artistes générationnels qui constituent et véhiculent un univers punk intimement relié à mon travail.

HL : Tu te définirais donc comme un être profondément punk, Comment s’est crée cette identité ?

EP : Oui absolument, j’ai vraiment écouté beaucoup de punk comme tu le sais, j’étais dans les milieux métal, free party pendant 5 ans. Ces grandes fêtes aux alentours de Paris dans lesquels on avait avec plus d’une dizaine d’amis au moins 15000 watts de sono ont indirectement été une grande influence pour moi. C’est une manière de penser tournée vers l’expérimentation qui est je pense à l’origine de toute création artistique. L’autre grand symbole de l’univers punk qui a beaucoup inspiré mon travail est la moto. Mon frère à 15 ans m’emmenait dans des rassemblements de motards et donc très jeune j’ai fait parti de cette culture là très éloignée de mes origines sociales plutôt bourgeoises.

HL : Pour conclure, aurais-tu un conseil à donner à des jeunes qui souhaiteraient s’orienter vers le métier d’artiste ?

EP : C’est très simple il faut beaucoup travailler.

Entretien réalisé par Alexia Lalangue

Lux Or, 2016. Céramique et bois, dimensions variables

Lux Or, 2016. Céramique et bois, dimensions variables

Site de l’artiste : http://etiennepottier.com/

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Eric Liot, artiste plasticien – L’entretien /?p=843 /?p=843#respond Sun, 21 Jun 2015 14:44:21 +0000 /?p=843  

Nous avons rencontré Eric Liot au château du Val Fleury à Gif-sur-Yvette à l’occasion de son exposition intitulée « Too Much » – commissariat réalisé par Laurence D’Ist dont vous pouvez lire l’entretien ici – mêlant deux artistes, Bernard Pras et lui-même. Nous avons à cette occasion pu entretenir Eric Liot, artiste plasticien jouant des icônes pop-culturelles. Nous vous laissons donc découvrir son parcours et ses conseils !

eric liot

Manon Raoul : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Eric Liot : Je m’appelle Eric Liot, j’ai 51 ans et j’ai fait des études d’architecture. J’ai arrêté en troisième année afin de devenir artiste après avoir travaillé dans un atelier de création autour de la bande-dessinée. J’ai, par la suite, commencé à faire mes premières expositions et je suis donc devenu artiste. J’ai ainsi un DEUG d’architecture à L’Ecole d’Architecture de Normandie à Rouen et j’ai réalisé ma troisième année à l’UEP6 de Paris.

MR : Pourquoi avez vous quitté l’architecture afin de devenir artiste ?

EL : Pendant mes études d’architecture je dessinais des meubles, je voulais être designer. J’ai voulu rentrer à une école qui s’appelle Les Ateliers, une école de design à la Bastille mais je n’ai pas été reçu et j’ai donc fais archi à la place. Je me suis tout doucement rendu compte que je ne voulais pas des contraintes de l’architecture. Je ne voulais pas être architecte de banlieue ou de lycée, je voulais être Le Corbusier ! (rire) Je me suis donc tourné vers le design et j’ai travaillé dans un atelier de création afin de payer mes études. J’y ai appris à peindre, à utiliser des bombes, à travailler avec les mains, et c’est venu tout doucement.

MR : Et vous arrivez à en vivre aujourd’hui ?

EL : Oui, et ça fait très longtemps même ! J’ai commencé à pas mal vendre quand je suis rentré dans la première galerie un peu sérieuse, à côté de Beaubourg et la j’ai commencé à vendre. Et puis après il y a eu des hauts et des bas, j’ai connu un peu la crise dans les années 90-92. Maintenant ça fait un petit bout de temps que ça marche bien, même très bien.

WARNER BROS 2014, 190 x 143 cm Assemblage bois, collage, acrylique, objets divers

WARNER BROS
2014, 190 x 143 cm
Assemblage bois, collage, acrylique, objets divers

MR : Avez-vous du démarcher des galeries ?

EL : Non jamais, la première fois c’était du hasard. Je connaissais une personne, un agent qui s’était proposé de m’aider et qui m’a trouvé une galerie. J’ai ainsi fait ma première expo, je ne faisais des œuvres que depuis seulement un an. Celle-ci s’est mal passée, mais après cette exposition cela s’est enchaîné avec d’autres galeries. Ça a démarré très très vite. Un peu par hasard.

MR : Comment trouvez-vous vos inspirations pour vos œuvres, aussi bien le sujet que la technique ?

EL : Cela vient tout doucement, on évolue entre les premières fois et maintenant. Ce que vous pouvez voir sur mon site est récent, cela ne montre pas ce que je faisais il y a 20 ans ou 15 ans. Ce n’était pas en couleur, des choses en rouille, en bois et en carton. Je faisais des machines avec ces matériaux. Je n’ai pas fait les Beaux-Arts, je n’ai pas appris de technique, je ne sais pas dessiner, je ne savais pas peindre. Tout doucement j’ai mis ma technique au point en bidouillant.

MR : Comment procédez-vous pour vos assemblages de bois ?

EL : C’est en général à base de contreplaqués, de bois découpés, de papiers marouflés, d’objets, de bois peints, c’est un mélange de plein de choses différentes, des collages différents, des choses que je peins et que je fais moi-même. Et normalement, le mélange de tout ça, si ce n’est pas trop mal fait, a une certaine cohérence.

CECI N’EST PAS DU STREET ART 2014, 140 x 130 cm Assemblage bois, collage, acrylique, objets divers

CECI N’EST PAS DU STREET ART
2014, 140 x 130 cm
Assemblage bois, collage, acrylique, objets divers

MR : Ce mélange brouille en effet notre perception, nous avons parfois du mal à discerner ce qui est peint de ce qui ne l’est pas. Tout cela est accentué par votre utilisation d’un vernis ?

EL : Le but est d’avoir une image homogène qui est propre à mon travail, lorsque l’on connaît mon travail, on reconnaît les vis et l’ensemble.

MR : Où trouvez-vous vos images ?

EL : Les images ? Et bien partout. Je recherche des choses qui m’interpellent, cela peut être dans des revues, sur internet, etc. Quand j’ai besoin d’une image, si j’ai besoin d’une image d’un homard ou d’un chevalier par exemple, je fais des recherches sur internet. Après, je fais aussi des photographies que je peux bidouiller ensuite avec un ordinateur. Je fais alors des tirages à la taille que je veux. Ça c’est pour ce qui est des collages. Après pour ce que je trouve, les objets, c’est dans les brocantes et les poubelles.

MR : Un peu comme Bernard Pras en soit ?

EL : Oui un peu comme Pras. Bernard n’utilise lui que les objets et il lui en faut beaucoup, ce n’est vraiment que de la sculpture. Alors que moi c’est un mélange de sculptures, toujours en relief. J’aime bien faire quelque chose entre la peinture et la sculpture. Selon les périodes, j’ai été plus peintre, je peignais directement sur le bois, sans collage. Le papier et les objets sont venus tout doucement par la suite. Maintenant je pense que ça rend bien et j’aurais du mal à refaire ce que je faisais avant.

MR : Pourquoi choisissez-vous des images en rapport avec la Bande-Dessinée et le Manga ?

EL : Parce que j’aime bien l’image, les personnages. J’aime le dessin des autres, donc quand je vois une image qui me plaît, je la prends ! Après ce n’est pas toutes les Bande-Dessinées, toutes les illustrations. Je n’y connais rien en Bande-Dessinée, c’est plutôt les illustrations qui m’attirent. Cela peut aussi être une affiche, mais je n’utilise jamais de photo, il faut que cela soit une illustration, du dessin. Je réalise ensuite un mélange de toutes ces images.

MR : Il y a beaucoup de références au skateboard dans vos réalisations, voir même de réelles planches !

EL : Oui j’étais skateur ! J’aime toujours l’imagerie, j’aime l’objet. C’est un code, surtout maintenant. A la limite il y a 15 ans je ne le faisais pas car ce n’était pas à la mode comme maintenant. Alors qu’aujourd’hui, chez Vuitton ils font des skates ! C’est une image un peu de street art, une image actuelle de rue. Même si je n’avais pas fait de skate je pense que je l’utiliserais quand même. Ce n’est pas pour faire branché, mais lorsque vous mettez un skateboard c’est un mot qui veut dire quelque chose, les objets utilisés sont comme des mots. Si vous mettez un texte en écriture gothique cela rappelle quelque chose, des images qui rappellent des choses dans l’inconscient des gens.

MR : Vous utilisez beaucoup de logos, sont-ils seulement là car vous les appréciez ou cherchez vous à réveiller des souvenirs aux spectateurs ?

EL : Cela me parle à moi comme cela parle aux gens, ils le reconnaissent et l’aiment. Je prends généralement les logos car ils me plaisent esthétiquement. J’aime le dessin du logo. Par exemple dans Ceci n’est pas du street art, l’éléphant rose est le logo de la marque de bière Delirium : justement j’aime bien ce logo rose sur fond bleu, je l’avais déjà utilisé il y a très longtemps et là je l’ai retrouvé sous un sous-bock probablement. Comme Bernard, selon les objets qu’il prend, le rendu et le sens est différent.

MR : Pensez vous être influencé par le travail de Bernard Pras, étant un ami à vous ?

EL : Un peu, on a souvent les mêmes goûts, les mêmes idées au même moment, voir l’Origine du monde. Mais notre façon de faire est très différente.

HAUT LES MAINS 2012, 85 x 100 cm  Assemblage bois, collage, acrylique, objets divers

HAUT LES MAINS
2012, 85 x 100 cm
Assemblage bois, collage, acrylique, objets divers

MR : Qu’en est-il du fait que vous utilisiez de plus en plus d’objets dans vos compositions ?

EL : Parfois il y a des petits objets, parfois il n’y a que du bois sans collage et sans couleur. Je m’ennuie vite, il faut que ça change. J’ai utilisé le plastique mais j’ai vite abandonné pour me tourner vers le bois qui est une matière plus agréable, j’aime le vieux bois, qui a vécu. Pour Mickey, j’ai fais quelque chose de très simple, avec peu de relief mais en utilisant du vieux afin de montrer que c’est un vieux jouet.

MR : On vous place souvent dans la catégorie de Pop Art, pensez vous y appartenir ?

EL : Oui et non, c’est ce que tout le monde pense. Maintenant il y a plein d’artistes pop car c’est l’époque qui veut ça. Moi je puise dans ce que je connais. C’est ma culture avec les Bande-Dessinées, les super-héros. Je suis pop dans mes images, mes matériaux mais moi, je raconte des petites histoires et je ne fais ni la critique de la société comme Warhol ni son éloge d’ailleurs.

MR : Afin de conclure cette interview, quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui souhaitent devenir artiste ?

EL : Artiste, on l’est, on ne le devient pas. On peut se perfectionner en faisant les Beaux-Arts, on peut apprendre des choses. C’est bien de baigner dans un milieu où il y a pleins d’artistes, c’est bien de s’inscrire dans une école d’art pour être avec d’autres gens qui veulent faire la même chose, on peut apprendre pleins de trucs. Il faut apprendre, voir ce qui se fait, aller dans les galeries, dans les expo, et puis après c’est l’envie, l’envie de faire. Il y a des gens qui ont l’envie mais pas le talent et puis il y en a certain comme moi qui sont autodidactes. Je n’ai pas fait d’études pour. J’ai la faiblesse de croire que j’ai un petit peu de talent. J’ai mis beaucoup de temps à penser que j’étais un artiste. Il faut faire ce qu’on doit faire et ne pas essayer de plaire. C’est un long cheminement, par exemple ce que je faisais avant n’était pas intéressant, mais cela le devient de plus en plus.

 

Site de l’artiste : http://eric-liot.com/

JOHNNY ROCKET L’AFRICAIN 2009, 64 x 44 cm Assemblage bois, collage sur boîte métallique

JOHNNY ROCKET L’AFRICAIN
2009, 64 x 44 cm
Assemblage bois, collage sur boîte métallique

 

 

Photographie Eric Liot © Christian Missia 2012

Photographies des oeuvres © Sandrine Liot ; Vincent Thfoin (Éric Liot) ; Tom Liot

 

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Laurence D’Ist, commissaire d’exposition – l’Entretien /?p=141 /?p=141#comments Wed, 28 Jan 2015 18:36:15 +0000 http://heylisten.org/?p=141 Je travaille en tant que médiatrice au Château du Val Fleury à Gif-sur-Yvette. A cette occasion, j’ai pu rencontrer Laurence d’Ist, commissaire de l’exposition « Entre les deux Jacques », confrontant les artistes Jacques Villeglé et Jacques Bosser. D’une grande gentillesse, Laurence s’est rendu accessible et m’a ainsi éclairée sur son métier et ce qu’il implique. Je vous laisse donc découvrir son parcours et ses conseils !

Bonjour, pourrais-tu tout d’abord te présenter et décrire ton parcours ?

Je m’appelle Laurence d’Ist, j’ai 4136f2e14 ans. Je suis venue au commissariat d’exposition un peu par moi-même, sans formation préalable en la matière. Je suis universitaire et j’ai effectué toutes mes études à Paris I en Histoire de l’art. Je me suis arrêtée en deuxième année de thèse car je me suis rendue compte que j’aspirais plutôt à un travail de terrain, tout en appréciant dès le départ l’art contemporain. Le tronc commun de ma licence était très large. J’ai découvert la sociologie, à l’histoire de la décolonisation, j’ai glané un peu partout. Au fur et à mesure de mon avancement dans les études, je me suis intéressée à différentes choses. J’ai ainsi réalisé un mémoire sur la gravure et plus particulièrement l’insertion de la couleur dans la gravure après la Seconde Guerre mondiale. J’avais un regard très historique à l’époque.

    J’ai suspendu ma thèse et je me suis donc demandée : « Que puis-je faire de tout cela? ». Pendant mes études, je m’étais constituée un petit réseau d’artistes mais je n’étais pas assez mûre en ayant 20-22 ans pour avoir une réelle notion du marché de l’art. C’est vaste, il faut une certaine maturité, se frotter à des univers vraiment différents. Or je connaissais ce monde essentiellement par le biais de la gravure : j’allais à la Cité des Arts, je visitais des ateliers…

J’ai rencontré des peintres, des sculpteurs, des plasticiens qui s’essayaient à la gravure et qui avaient un pied dans l’écriture, la philosophie, dans les livres d’artistes. J’ai visité des ateliers historiques d’imprimeurs, et puis je me suis dit que ça tournait en rond, on arrivait à la limite de la technique. Je sentais que c’était un petit monde formidable mais qui baignait encore dans les années 50 parisiennes, on sentait que ces gens vivaient une histoire qui s’éteignait. Des artistes du papier, je suis passée à des artistes peintres, aux grands formats, à la sculpture. C’était un tout autre univers. J’ai commencé à comprendre comment monter une exposition en étant attachée de presse.

Pourquoi as-tu commencée comme attachée de presse ?

Il fallait bien que je fasse quelque chose ! J’avais une bonne théorie historique, c’est-à-dire que j’avais été bien formée pour avoir un regard, pouvoir digérer la démarche, l’inscrire, la faire raisonner avec l’histoire de l’art, à l’actualité. Cependant je ne savais pas monter une exposition ou un dossier de presse. J’ai appris cela en étant d’abord un temps attachée de presse, pour mon propre compte. Des artistes avaient des actualités d’expositions et je me suis donc formée sur le tas en devenant leur attachée de presse. Comme j’étais très curieuse et avide d’apprendre, nous préparions l’exposition ensemble du commencement à la fin. J’ai appris en les observant et en faisant confiance à leur professionnalisme. Ça a été constructif parce que les artistes et moi étions motivés pour dépasser notre situation de départ.

En d’autres termes, j’étais avec des artistes qui investissaient en auto entrepreneur en quelque sorte dans la communication de leur travail. Certains lieux d’exposition sont prestigieux, surtout quand ils sont institutionnels, mais ils ne réalisent pas que l’artiste vit de son art et que l’investissement humain et matériel d’une exposition doit leur apporter une plus belle visibilité. Les faire connaître à d’autres publics, d’autres sphères, car le milieu de l’art est un peu comme les couches d’un oignon, une organisation concentrique avec au centre : le 1er marché de l’art contemporain, en lien avec les grands musées du monde et les grandes maisons de ventes aux enchères.

Bref, et quand la presse d’art s’est intéressée aux eux, c’est-à-dire à ces artistes auto entrepreneurs avec lesquels je collaborais, l’un d’eux m’a recommandée à la revue d’art Cimaise, et c’est alors que j’ai commencé à écrire aussi pour la presse. J’avais ainsi plusieurs cordes à mon arc. Je faisais en sorte que l’écriture dans ce cadre m’aide à monter un dossier de presse plus affiné puisque j’en lisais pas mal. J’étais dans la presse, je pouvais donc demander deux-trois fichiers de journalistes pour rebondir sur mes propres missions d’attachée de presse.

Et l’expérience qui t’a permis ton premier commissariat d’exposition ?

C’est un petit milieu que celui du monde de l’art, où il faut avoir ses antennes en alertes. Et comprendre que, sans avoir l’opportunisme chevillée au corps, chaque rencontre peut faire l’objet d’un échange ou d’une collaboration future. Dans ces petits milieux de l’art qui fonctionnent en réseau, il faut savoir se demander comment développer l’expérience offerte pour poursuivre son but. Pour moi, il s’agissait de monter des expositions d’art contemporain, c’est-à-dire réunir des artistes vivants autour d’une exposition exigeante et de bon niveau tant dans le contenu – les artistes invités et les œuvres sélectionnées – que les moyens offerts. J’insiste toujours sur la publication d’un catalogue comme d’un bel outil et d’une récompense méritée. J’écris les textes, reste vigilante à ce que les photos soient de bonnes qualités, contrôle l’impression des couleurs pour rester fidèle à l’œuvre, etc.

Quels autres principes respectes-tu quand tu montes une exposition ?

J’aime assez les expositions de groupe car cela m’offre des libertés et une originalité dans la manière dont je fais découvrir ou re-découvrir des artistes. C’est ma manière de mettre en lumière un esprit du temps présent, une ligne artistique, esthétique qui n’apparaîtrait pas sans cela évidente. Je suis historienne de l’art de formation, ça marque forcément, et sans avoir la prétention de former l’écriture d’un (nouveau) courant artistique et de le défendre, disons que je réunis dans mes commissariats d’expo une vérité que je vérifie dans les ateliers, et des sensibilités artistiques convergentes que je ressens.

C’est pour cela que les thématiques de mes expositions résultent d’une idée qui se doit de rester ouverte sur demain et les titres ont plus d’affinité avec la poésie que la dénomination d’un « isme ». « Être ainsi », « Authenitk Energie » « Femme y es-tu ? »… Je ne lis pas tout ce que font les autres lieux d’exposition en me disant : là il y a un super créneau, c’est la vague à suivre ! En cela, j’ai une place à part puisque en tant qu’indépendante, ne dirigeant pas un lieu mais étant invitée à investir ces lieux (quand ils sont ouverts aux commissariats extérieurs et indépendants), je reste concentrée sur les acteurs de l’art pendant des années autour d’une thématique dont je m’investis parce qu’elle m’intéresse et c’est ensuite que je la propose.

Que recherches-tu à diffuser dans tes accrochages ?

Quand on est formée en Histoire de l’Art, c’est un regard que l’on forme. On y met sa personnalité forcément. On croit que si on suit une idée il y aura un but, mais la recherche de ce but c’est l’inconnu. On peut aboutir comme on peut ne pas aboutir. Comme actuellement, j’ouvre mes yeux et mes antennes aux démarches qui associeraient art et écologie. J’ai appris à connaître ce qui me plait dans la recherche, ce que j’attends en fait de l’œuvre. Une alchimie à la fois d’ordre esthétique et humain.

L’accrochage est de réussir à faire résonner ces paramètres dans l’espace des salles offertes à la présentation des oeuvres. Et l’écriture des textes du catalogue complète la visibilité des œuvres présentées « en vrai ». Parce que généralement, c’est la parole de l’artiste que je rends dans les pages du catalogue. J’aime assez ça. Je ne suis pas une théoricienne, je ne suis pas une critique d’art non plus. Je rends compte d’un état de la création actuelle à travers le prisme de ma sensibilité et de mon observation.

Que faut-il savoir avant de se lancer dans le commissariat ?

Avant une exposition, en général, il faut bien blinder son sujet ! C’est un savant mélange entre avoir une idée, monter le projet, le proposer à un lieu qui peut l’accueillir. Il faut être pratique : comprendre un objet, comprendre son volume. Savoir accrocher c’est doser le rapport entre les œuvres et le volume de l’espace ; s’il est saturé, non saturé, s’il va sembler vide, s’il va sembler trop plein, comment faire correspondre les œuvres entres elles, quels moyens on a pour séparer les univers, comment on fait correspondre ou répondre les univers par des perspectives fuyantes, comment l’œil se déplace dans l’espace.

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Laurence d’Ist et l’artiste Coskun devant une oeuvre de Mario Benjamin – exposition « Authentik Energie » au Château du Val Fleury à Gif-sur-Yvette

Mais tout ça moi je ne l’ai pas appris à la faculté. Je pense que je le savais intuitivement de mes années de jeunesse quand, jusqu’à 16 ans, j’ai fréquenté les ateliers des Beaux-Arts. On apprend au fur et à mesure comment une œuvre fonctionne et puis nous sommes aidés, on ne travaille pas seul (un régisseur, des techniciens), et puis après je suis assez partisane de la concertation. On fait un essai. Même les artistes disent qu’il faut qu’une œuvre tienne. Si quand on rentre dans la salle d’exposition, il ne se passe rien c’est que l’accrochage est mal fait.

En tout cas voilà, j’en suis venue à ça, moi je pense qu’on devient pas immédiatement commissaire d’expo, c’est après avoir pu faire un peu de tout qu’on peut le prétendre : notamment la logistique des transports, des devis en tout genre, jusqu’aux caisses et autre initiatives tendant à mutualiser le maximum de postes pour réduire les coûts de tous les cotés. Avec en but : obtenir les artistes et les oeuvres qui feront que l’exposition donnera son maximum d’elle-même

Comment as-tu rencontrer les artistes qui aujourd’hui t’entourent ?

Pour se faire un carnet d’adresses il faut ambitionner de commencer par une exposition qui permet de faire référence. Il vaut donc mieux dans ce cas-là, avoir un catalogue qui cautionnent ton travail auprès des artistes. Ils peuvent te donner leur confiance dès lors. Il faut réunir les artistes en dosant intelligemment entre les reconnus et les jeunes émergeants et prometteurs. Les artistes jaugeront la qualité de ton projet à tes choix. Tout artiste est curieux et te demandera avec qui il sera. Au commissaire d’exposition de défendre la pertinence et l’intérêt de tous les réunir. Quand je pense à un artiste en particulier que je ne connais pas personnellement, je trouve le moyen de le rejoindre.

Par rapport à mes débuts, j’ai une certaine avance. J’ai parfois travaillé plusieurs fois avec les mêmes artistes, les gens reviennent si ça se passe bien, comme ici : j’ai été prise de court par des délais, j’ai contacté des connaissances qui ont bien voulu me prêter leurs œuvres.

Jacques Villeglé est un artiste emblématique et reconnu, comment l’as-tu rencontré?

C’était après mon travail d’attachée de presse pour deux artistes présentés par le Sénat (une initiative du cabinet du président d’alors) au Jardin du Luxembourg, que j’ai rencontrée une haut fonctionnaire en charge d’un événement parallèle au premier, et qui s’appelait « Artsénat ». Ça se déroulait dans l’Orangerie et un peu dans les allées du jardin alentour. Comme c’est un tout petit milieu n’est-ce pas… il s’est avéré que nous avions des connaissances professionnelles en commun. Elle m’a permis d’être co-commissaire avec une critique d’art, et ensemble on a monté l’exposition « Femme y es –tu ? » en 2007 (informations ICI et ICI). Et avec cette idée de sortir de l’Orangerie et d’investir le jardin, jusqu’aux sculptures de marbres des Reines de France autour du bassin central ; cela a été un grand succès.

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Laurence d’Ist avec les artistes Jacques Bosser et Jacques Villeglé – exposition « Entre les deux Jacques » au Château du Val Fleury à Gif-sur-Yvette

Et c’est là que l’on a fait correspondre nos réseaux toutes les deux. Jacques Villeglé je l’ai connu ainsi, j’ai gardé de bons contacts, je l’ai invité au Forum puis en Suisse au Manoir de la ville de Martigny quand l’expo a voyagé. Cela fait la quatrième fois que l’on travaille ensemble sur des choses totalement différentes.

Il faut à la fois être assez exigeant et savoir comment l’artiste va réagir, il ne faut pas se faire « griller ». Il faut savoir évaluer, avec sa propre expérience, ce qu’on peut exiger de l’artiste. Il faut être assez diplomate. Sinon ils ne reviennent pas et font mauvaise presse.

Comment s’est passée ta première exposition et as-tu déjà eu des conflits avec un artiste ?

La toute première était un co-commissariat, j’ai posé les bases, une thématique, une mise en scène. Celle que j’ai vraiment faite seule, c’était la 16e Triennale de sculptures à Poznan puis l’expérience en plein fut pour moi le Forum d’Art Plastique en 2010, ils étaient 25 artistes. Ça s’est bien passé.

J’ai bien sûr eu quelques différents avec des artistes et, étonnamment, sur des expos de plus petite envergure. Mais ce n’est pas la taille de l’exposition qui jauge l’entente entre l’artiste et la commissaire. Peut-être était-ce le mode d’expression, le « métier » de l’artiste qui préfigure ou non à des caractères plus ou moins coopératifs, agréables ? je ne sais pas. Les clashs, je les compte sur les doigts d’une seule main fort heureusement ! Il s’agissait d’artistes pionniers et chercheurs de la palette graphique et de l’outil informatique. Un univers où le stress généré par les caprices de la technique et l’obsolescence des programmes les rendent peut-être un peu plus maniaques et rigides que les autres !? Mais je ne cherche pas à faire de généralité !

Que dirais-tu à la Laurence d’Ist de 27 ans si tu la rencontrais ?

Ah, c’est marrant, car c’est à ce moment-là que je suis rentrée dans une activité en lien avec la création actuelle, sans savoir ni quoi ni comment j’allais faire. D’une manière générale, je crois qu’il ne faut pas remettre en question cette certitude que l’on a quand est jeune ado, le « c’est ça que je veux faire » qu’on a en soi comme une intime conviction et cela bien que l’on ne soit pas du milieu (de l’art) et sans savoir si on va réussir. Il faut essayer de ne jamais perdre cette vision qui n’est pas forcément un plan de carrière, mais plutôt une intuition que l’on a tous en nous.

Je suis bien placée pour en témoigner, je n’avais aucune idée de ce qu’était un commissariat d’exposition, ni par mes études, ni par mon milieu familial qui n’avait aucune relation avec ce milieu. Le monde de l’art est un milieu assez fermé où il faut avoir un peu de culot. J’ai le privilège de rencontrer ces artistes dans les ateliers, de prendre leur parole et de mettre en mots leurs idées. J’ai le privilège de pouvoir me nourrir de ce qu’ils font, de qu’ils disent, de ce qu’ils me confient, des expériences qu’ils réalisent pour répondre à mon projet d’exposition. Comme je ne suis pas marchande d’art, on peut ensemble dépasser les limites et envisager des projets plus libres. J’accompagne quand je peux des ventes, je mets en contact. Mon objectif est de créer une belle exposition, forte de ses œuvres, responsable dans sa qualité, de l’accompagner d’un beau catalogue, autant pour les artistes que pour moi. Là, je défends vraiment les artistes.

Aujourd’hui, Laurence travaille encore en lien avec la ville de Gif-sur-Yvette et s’occupera d’une autre exposition du 5 avril au 12 mai 2015, « TOO MUCH » avec Eric Liot et Bernard Pras, deux artistes emprunts de PopCulture.

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Spiderman et Banania, Eric Liot

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La Vague, Bernard Pras

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