Focus – Hey Listen Blog d'actualités sur l'art. jeu, 15 Déc 2016 13:00:12 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.7 Le tricot : symboliques de son utilisation dans l’art contemporain /?p=1980 /?p=1980#respond Fri, 25 Nov 2016 15:39:35 +0000 /?p=1980 Aujourd’hui, il est presque aussi tendance de se mettre à la « tricothérapie » qu’à la gym suédoise ou qu’à l’aquabiking. Et si les artistes étaient à l’origine de ce renouveau du tricot ?

Bien avant son introduction dans la création artistique contemporaine, le tricot est une activité manuelle de longue tradition. Classée dans les arts populaires, cette pratique largement répandue pendant des siècles a d’abord répondu à un besoin de se vêtir, de se réchauffer et d’habiller un intérieur. La laine est un matériau simple et économique que l’on peut remployer aisément dans un processus de création, déstructuration, restructuration. Si les objets tricotés attirent autant aujourd’hui, c’est que leur simplicité brute marque une opposition face aux matériaux industriels ou aux images virtuelles dont notre environnement est saturé.

Aurélie Mathigot, Cinderella, 2008.

Aurélie Mathigot, Cinderella, 2008.

Le terme de « largement répandue » reste à nuancer puisque l’on sait que le tricot a été et reste encore une pratique typiquement féminine. Celle-ci renvoie à quelque chose de maternel, à un univers d’amour et de protection. Elle évoque en conséquent la sédentarité qui a caractérisée la vie des femmes au foyer pendant des siècles. Confinées dans un environnement qui ne dépassait pas les murs de leur logis, ou au mieux les frontières de leur ville, les femmes étaient vouées à occupées leurs journées par des passes-temps comme celui-ci. Pour les enfants qui ont grandi avec cette manière de concevoir le quotidien d’une femme, le tricot les renvoie au cercle familial et à une certaine nostalgie.

Même s’il est tout à fait concevable de tricoter en solitaire, les adeptes de ce loisir (puisque de nos jours, il n’est plus question de besoin), ont tendance à se regrouper pour le pratiquer. Il suggère donc une idée de partage et de convivialité. On tricote en même temps qu’on parle, on tisse une conversation au rythme des aiguilles. Olga Boldyreff a bien compris l’universalité de cette occupation, qu’on retrouve dans presque toutes les cultures : « C’est un objet qui met en joie et entraîne une complicité immédiate avec les gens, hommes et femmes, de quelque origine qu’ils soient. » Il semblait donc naturel aux artistes d’inviter le tricot dans la rue, de le faire sortir des foyers pour créer du lien entre les passants et investir l’espace public qu’ils côtoient au quotidien.

Si la laine, par sa douceur et sa chaleur, apporte du réconfort, elle a aussi une connotation ludique et juvénile. Les premières images qui nous viennent à l’esprit sont souvent celles, vues dans les dessins animés, du chat désobéissant qui joue avec une pelote ou un pompon. Ces représentations tirées du monde de l’enfance renvoient à un imaginaire ludique et créatif. En effet, le tricot peut être employé pour fabriquer peluches, poupées et monstres, pour donner corps aux fantasmes de l’enfant.

Les artistes utilisent ce caractère à la fois innocent et moqueur de l’objet tricoté pour venir ridiculiser un monument, une image. Ainsi, ils dédramatisent des sujets sérieux ou sensibles comme peuvent le faire les enfants sans même s’en rendre compte.

Ishknits, statue de Frank Rizzo à Philadelphia, 2012. Photo : Conrad Benner (Streetsdept.com)

Ishknits, statue de Frank Rizzo à Philadelphia, 2012. Photo : Conrad Benner (Streetsdept.com)

Au-delà de ces différente symboliques, on peut attribuer au tricot une signification bien plus profonde. A l’heure où tout va vite, où le temps est précieux et compté, une simple pièce réalisée à la main est une métaphore du temps écoulé. L’artiste Knitorious Meg le dit : « Le temps passé à tricoter ou crocheter témoigne d’une réelle intention et d’un véritable engagement envers la pièce réalisée ». Dans cet engagement, on peut voir à la fois l’amour, l’attente et la quête d’un accomplissement. Puisqu’un ouvrage en tricot est quelque chose en construction dont la finalité nous est inconnue, il reste jusqu’au bout un objet indéterminé. La création, une fois mise en route, laisse encore mille possibilités de surprises et d’aboutissements. Il est en cela une métaphore presque existentielle.

Olga Boldyreff, Les devenirs, 2015. Photo : http://espacegred.fr/

Olga Boldyreff, Les devenirs, 2015. Photo : http://espacegred.fr/

Il est important de garder à l’esprit qu’un objet tricoté porte en lui une grande vulnérabilité. Lors de sa création, on peut facilement manquer une maille, ce qui serait soit une erreur irréversible, soit une faute à réparer. Il est aussi vite arrivé de briser, sans le vouloir, l’objet fini. Chaque maille est dépendante de l’autre. Si l’une d’entre elle se casse, c’est tout l’ouvrage qui se défait. Finalement, malgré son apparente solidité et sa symbolique protectrice, le tricot reste quelque chose de fragile dont la conservation est facilement menacée.

En utilisant cette technique traditionnelle mais originale pour notre époque, les artistes sont sûrs de raviver différents souvenirs et émotions chez les spectateurs. Maintenant, on a presque envie d’apprendre à manier les aiguilles nous-même…

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Penser l’art au féminin /?p=1763 /?p=1763#respond Tue, 20 Sep 2016 20:03:10 +0000 /?p=1763 La question féministe, objet d’un combat majeur, a acquis sa place dans les débats actuels. En dehors des champs politiques et idéologiques, le thème du féminisme s’ouvre aujourd’hui à d’autres horizons, pour le plus grand bien de notre culture historique et artistique. C’est donc sans surprise que l’on voit fleurir une ribambelle d’ouvrages et d’émissions qui se penchent sur le sujet. Les musées aussi – notamment le Centre Pompidou en 2009 – se mettent à la page en consacrant des expositions consacrées uniquement à des artistes contemporaines, dans le but d’atténuer le manque de visibilité dont elles souffrent.

L’exposition Belle de Jour, qui se tient actuellement au Musée Sainte-Croix de Poitiers, propose de redécouvrir l’art au féminin de manière plus large. Il est autant question des femmes inspiratrices que de celles qui créent et qui trouvent plus ou moins facilement leur place dans l’histoire de l’art.

Romaine BROOKS, The Weeping Venus, 1916-1917, huile sur toile Collection des musées de Poitiers Cliché N° : 984-4-1_1022-T 015, © Musées de Poitiers/Hugo Maertens, Bruges

Romaine BROOKS, The Weeping Venus, 1916-1917, huile sur toile
Collection des musées de Poitiers
Cliché N° : 984-4-1_1022-T 015, © Musées de Poitiers/Hugo Maertens, Bruges

À l’origine de toute œuvre, il y a source d’inspiration et motivation à créer. Les idées qui jaillissent de l’esprit des artistes sont multiples, mais le motif de la femme apparaît très régulièrement. Il constitue presque un genre autonome, à l’égal du paysage ou du portrait. Depuis les formes les plus primitives de l’art, la femme est célébrée pour ce qu’elle a d’unique, à commencer par sa fertilité. Les figures féminines sculptées qu’on trouve dans les cultures mésopotamienne ou égyptienne en sont le premier exemple. La corpulence évoquant la maternité est mise en avant : une poitrine opulente, des hanches larges… C’est sa force de mère nourricière qui est exaltée, faisant presque de son sexe un objet de louange. Cette symbolique divine est confirmée par l’existence de déesses comme Isis, Vénus ou, des siècles plus tard, la Vierge Marie. Dans la représentation de la femme, il y a donc une dimension spirituelle, peut-être inconsciente chez les artistes. The Wheeping Venus de Romaine Brooks prouve toutefois que de telles références peuvent être intégrées dans des œuvres modernes par choix, comme pour témoigner d’un héritage artistique qui est amené à perdurer.

Le motif féminin est également uni allégoriquement à des domaines tels que la musique, la danse ou la poésie. Ces associations ont certainement pour origine le mythe des neuf Muses, médiatrices entre les dieux et les poètes. Elles apportent aux artistes l’inspiration divine et, finalement, deviennent elles-mêmes égéries. Dans grand nombre de légendes provenant de cultures diverses, la femme est au cœur du récit pour incarner le mystère, le fantastique ou l’épique. Tout au long de l’histoire de l’art, en particulier chez les symbolistes ou les préraphaélites, les héroïnes de contes et de légendes deviennent les figures centrales des œuvres et deviennent allégories de ce qui émerveille l’homme. La peinture d’Edgard Maxence, L’Ame de la Forêt, est l’exemple parfait pour illustrer l’utilisation du motif féminin d’une manière à la fois hiératique et ésotérique.

Edgard Maxence, L'Ame de la Forêt, 1898

Edgard Maxence, L’Ame de la Forêt, 1898

Mais la puissance évocatrice de la femme ne se limite pas à ce qu’elle symbolise de plus abstrait. Sa force inspiratrice réside aussi très fortement dans son existence physique, matérielle. Elle est un être de chair et un être sensible. La volupté de son corps ou la froideur de son visage sont des sujets d’étude majeurs. Ils correspondent à la fois à l’expérience sensorielle, parfois sensuelle et à une palette d’émotions. Ils appellent donc au désir, à la contemplation ou à la répulsion. C’est ce qui explique l’importance du motif féminin dans les portraits et les nus. La représentation de la femme comprend aussi un intérêt pour les choses matérielles qui lui sont associées : robes, étoffes, chapeaux… Derrière de nombreux portraits se dissimule la volonté d’afficher une certaine richesse et un goût distingué pour l’habillage. Ce n’est certainement pas le cas de La femme à l’ombrelle rouge de Jules Chéret, qui ne nous séduit pas par le faste de ses vêtements, mais plutôt par le charme que dégage un ruban ou un tissus froissé. Le cadre de la scène contribue à séduire le spectateur dans la mesure où le modèle, surpris dans son quotidien, nous apparaît alors comme réel et accessible.

Par ailleurs, comment expliquer la fascination des artistes pour leurs muses ? Si pour certains il suffit de beaucoup d’amour (comme c’est le cas pour le couple Picasso/Dora Maar), d’autres cherchent la singularité ou le paradoxe qui produira l’étincelle. Ces derniers proviennent souvent de l’audace et de l’émancipation. Quand Tamara de Lempicka peint Kizette en rose, elle est particulièrement intéressée par l’opposition entre la tenue sage que porte sa fille et son attitude désinvolte, presque provocante. C’est en détournant les codes que Kizette crée le charme propre aux muses inspiratrices.

Camille CLAUDEL, La valse, 1893, bronze Collection des musées de Poitiers Cliché N° : 953-11-67_I2009-1622, © Musées de Poitiers/Ch Vignaud

Camille CLAUDEL, La valse, 1893, bronze
Collection des musées de Poitiers
Cliché N° : 953-11-67_I2009-1622, © Musées de Poitiers/Ch Vignaud

L’émancipation féminine dans l’histoire de l’art ne se limite heureusement pas à être un modèle légèrement effronté. Là où est la véritable révolution, c’est lorsque les femmes passent du statut d’inspiratrice à celui de créatrice. Avant le Siècle des Lumières, leur marginalisation dans le monde artistique leur vaut l’anonymat ou le manque de visibilité. L’une des premières artistes à acquérir la reconnaissance de ses confrères est Elisabeth Vigée-Lebrun, qui devient peintre officielle à Versailles. Aujourd’hui, nous redécouvrons des artistes qui sont restées injustement dans l’ombre, comme c’est la cas pour Camille Claudel. La jeune fille marche dans les pas d’Auguste Rodin, mais peine à se détacher de son maître, à qui elle voue une passion amoureuse. Elle trouve finalement son caractère propre, dont témoigne La Valse, une sculpture en bronze représentant deux danseurs tourbillonnant dans un élan fragile. Le style expressionniste de son œuvre la distingue de Rodin et la mène à son autonomie et son indépendance artistique. Elle est la preuve que la femme a sa place en tant qu’actrice dans le monde de l’art et plus seulement en tant que muse ou spectatrice.

Pourtant, les femmes artistes contemporaines restent largement sous-représentées dans les galeries et les musées. Les Guerilla Girls, un collectif d’artistes féministes, tentent d’inverser la tendance avec des affiches et des évènements marquant, véhiculant un message fort. Avec la multiplication des mouvements actifs comme celui-ci, espérons que le monde de l’art des années à venir saura se débarrasser de ses comportements discriminatoires.

Guerrilla Girls

Guerrilla Girls

On constate que l’art au féminin est un sujet riche et vaste, qui mérite d’être étudié avec du recul. C’est justement là la volonté du Musée Sainte-Croix de Poitiers, qui présente son exposition Belles de jour. A travers la collection enrichie par le Musée des Beaux-Arts de Nantes, on constate la révolution féminine dans son approche artistique, historique et sociologique. C’est l’occasion de découvrir des chefs-d’oeuvres et de réaliser à quel point la femme est au cœur de la création, comme muse allégorique, modèle sensuel ou créatrice indépendante.

Écrit par Gaëlle Hubert


Belles de Jour, exposition au Musée Sainte-Croix à Poitiers jusqu’au 9 octobre 2016

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La salle des géants, le maniérisme de Jules Romain à Mantou /?p=1368 /?p=1368#respond Fri, 12 Aug 2016 13:01:37 +0000 /?p=1368 Le Palais du Te à Mantoue, commandé par Frédéric II Gonzague à Jules Romain en 1525-1526, abrite une pièce recouverte d’une fresque d’un travail exceptionnel, la Salle des Géants. Les travaux sont vraisemblablement finis en 1534, à l’exception de la Chambre des Géants, dont deux murs seront fait au mois d’août. Le Palais est alors construit à l’emplacement d’un haras, dans une volonté de « créer un lieu pour pouvoir se restaurer au calme et se délasser. » – Les Vies, Vasari.

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Jules Romain, de son nom de naissance Giulio di Pietro di Filippo de Gianuzzi, naît à Rome vers 1492-1499 et meurt à Mantoue le 1er novembre 1546. À la fois peintre et architecte, c’est celui des élèves de Raphaël qui l’emporte sur ces disciplines et qui sache véritablement pratiquer l’art de l’architecture, acquis auprès de son maître. A la mort de Raphaël le 6 avril 1520, Frédéric II Gonzague (1500-1540), marquis de Mantoue depuis 1519, invite Jules Romain qui le rejoindra à Mantoue le 22 octobre 1524 où il deviendra vicaire de cour et se concentrera sur la réalisation de dessins préparatoires plutôt que sur l’exécution matérielle des œuvres.

 La Salle des Géants :

L’espace de la pièce ressemblant à « un four » selon Vasari à cause de son voûtement, accueille une large fresque courant sur les murs et le plafond, réalisée entre 1532 et 1535.  Comme pour les autres décors du palais, tout fut réalisé suivant les projets de Jules Romain sans que celui-ci ne prenne grande part à leur matérialisation, il s’entoure donc d’un groupe d’artistes : Primatice, Caravage, Luca da Faenza et Rinaldo Mantovano.

Gigant

Cette pièce aux dimensions en réalité relativement modestes a reçue un programme décoratif scrupuleux et une exécution rapide. La fresque représente dans la partie basse – les murs -, la chute des Géants, ensevelis sous des pierres et des colonnes. Les Géants sont imposants, d’autant plus qu’ils sont proches des spectateurs, leur corps sont des positions compliquées et diverses, tandis que leurs visages sont très expressifs. Ils sont effrayés et semblent dépassés par ce qu’il leur arrive.

Au-dessus d’eux, au niveau de la voûte, les dieux de l’Olympe sont placés de manière circulaire. La composition est dominé par un aigle, au centre de la coupole – celui des Habsbourg ou celui des Gonzague – qui domine lui-même un trône déserté. Sous le trône apparaît Jupiter courroucé aidé de Junon, qui lance la foudre – symbole du pouvoir impérial -, sur les Géants. Chacun des personnages entourant Jupiter est en proie à des sentiments extrêmes devant le résultat de la colère divine.

« Les fragments de rochers dont étaient formées les portes, les fenêtres et la cheminée, se trouvaient disposés de telle sorte qu’il semblait prêts de s’écrouler. », écrit Vasari. Guilio Romano donne ainsi plus d’intensité à la scène par l’architecture. 

On remarque au Palais du Te l’emploi d’une forme caractéristique du trompe l’oeil aux XVIème et XVIIème siècles avec la reprise des architecture feintes, déjà en vogue pendant l’antiquité classique. C’est une technique qui consiste à peindre sur les murs et plafonds des perspectives architecturales dans le but de dilater l’espace intérieur de la pièce. Les cailloux masquent la limite où commence la peinture ; les angles, les arêtes des murs et du plafond sont atténués puis peints afin de ne pas distinguer les limites de la salle. Giulio Romano souhaite abolir le mur pour entraîner le spectateur dans l’illusion, c’est ce qu’on appelle le quadraturisme. Le peintre a ainsi recours aux règles de la perspective pour créer un effet de continuité entre le réel – les murs – et le virtuel – la scène projetée. Le centre du plafond use du procédé par la simulation d’une loggia circulaire au moyen d’un trompe l’oeil ascensionnel, telle une véritable voûte. Le spectateur se retrouve ainsi immergé dans la scène qui s’avance et fond sur lui, sentiment augmenté par le fait que la salle est mal éclairée afin de rendre les fresques plus étonnantes. 

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Les Géants sont les fils de Gaia, la Terre, nés du sang d’Ouranos mutilé par Cronos. Engendré par la Terre pour venger les Titans que Zeus avaient enfermés dans le Tartare, les Géants, cependant mortels malgré leur origine divine – à condition d’être tués à la fois par un mortel et par un dieu – sont des êtres énormes, d’une force invincible et d’un aspect effroyable.

Aussitôt nés, ils menacèrent le ciel, dardant contre lui des arbres enflammés et le lapidant avec d’énormes rochers, tentant de prendre d’assaut l’Olympe en entassant montagne sur montagne. Devant cette menace, les Olympiens se préparèrent au combat. Les principaux adversaires des Géants furent d’abord Zeus et Athéna, accompagnés d’Héraclès, le principal auxiliaire de la déesse. Ce dernier, mortel nécessaire pour remplir la condition imposée par les Destins à la mort des Géants, est souvent représenté se tenant sur le char de Zeus combattant de loin avec des flèches. Ils sont ainsi repoussés et enterrés sous les volcans où ils grondent encore.

Ici, seule la Chute des Géants est représentée. Ovide parle de la fin de ce combat dans ses Métamorphoses au Chant 1, « On dit encore que la terre, fumante de leur sang, anima ce qui en restait dans ses flancs, pour ne pas voir s’éteindre cette race cruelle. De nouveaux hommes furent formés : peuple impie, qui continua de mépriser les dieux, fut altéré de meurtre, emporté par la violence, et bien digne de sa sanglante origine ». On souligne ainsi la dimension politique et symbolique de l’oeuvre.

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Une dimension politique est palpable dans la Salle des Géants, associant Jupiter à Charles Quint et les Géants aux princes italiens foudroyés par l’empereur. L’aigle propre à Jupiter, correspond aussi aux armes des Gonzague, tant qu’à celles des Habsbourg. Giulio Romano représente ainsi le triomphe de la politique menée par le prince Espagnol, en lien avec les guerres qui ensanglantaient l’Italie depuis les années 1520. Il illustre une actualité récente en démontrant sa maîtrise technique par une chute des princes italiens plus spectaculaire qu’en réalité. La tragédie et la violence presque palpables dans la fresque font du pouvoir en place une allégorie, servie par la tendance appelée « maniériste » qui se dégage de l’œuvre.

Le maniérisme est un mouvement qui désigne les manifestations artistiques réalisées en Europe entre 1520 et 1620 environ. Il se traduit en peinture par un primat du décoratif impliquant des conventions spatiales : juxtaposition des figures, plans superposés, raccourcis et « tours de force », un allongement des formes, des poses compliquées, de nombreux nus avec une musculature accentuée, des couleurs acidulées, la beauté du détail. Les perspectives sont poussées à l’extrême, les proportions et échelles sont déformées, les figures serrées dans un espace trop petit, ce qui donne l’impression que le moindre geste ferait éclater le tableau. Le but étant de mettre en avant la virtuosité du peintre.

Giulio Romano utilise l’architecture peinte pour structurer sa composition mais tout en la rendant bancale, s’écroulant sur les Géants. La salle perd de sa consistance matérielle et spatiale amenant le spectateur à entrer directement dans la scène représentée. Le travail de Michel-Ange influence le peintre par l’utilisation anticlassique des motifs classiques, le rythme, ainsi que des éléments du décor qui semblent utilisés sans tenir compte de leur vocation première comme ici avec la cheminée qui sert plus à jouer de ses teintes sur l’œuvre et non à réchauffer la pièce, participant entièrement à la composition, ainsi que « les fragments de rochers dont étaient formées les portes, les fenêtres et la cheminée, se trouvaient disposés de telle sorte qu’il semblait prêts de s’écrouler » – Vasari ; dans une volonté de spectacle total.


 

BIBLIOGRAPHIE :

OVIDE, Les Métamorphoses [s.l.], [s.n.], [s.d.]

VASARI Giorgio, Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes / 12, édition commentée sous la dir. d’André Chastel, Du texte à l’image – Dessins du Libro, Berger-Levrault, p. 288 – 290

BAZZOTTI Ugo, SGRILLI Grazia, Palazzo Te – Guilio Romano’s masterwork in Mantua, NYC, Thames & Hudson Ltd, 2013 ; trad. NICOLAS Jérôme, Le palais du Te, Mantoue, Paris, Seuil, coll. Beaux Livres, 2013

SALVY Gérard-Julien, Giulio Romano « une manière extravagante et moderne », Paris, Lagune, 1994

AGHION Irène, BARBILLON Claire et al., Héros et Dieux de l’Antiquité, Paris, Flammarion, coll. Tout l’Art, 2008, p. 132 – 133

ARASSE Daniel, MOREL Philippe (dir.), L’art Italien – Du IVè siècle à la Renaissance, Tome 1, 1997, et L’art italien – De la Renaissance à 1905, Tome 2, 1998, Paris, Citadelles & Mazenod

CALABRESE Omar, L’art du trompe-l’œil, Paris, Citadelles & Mazenod, coll. Les Phares, 2010

CHASTEL André, L’art Italien, Paris, Flammarion, coll. Tout l’Art, 1982

COSTA Sandra, Peinture Italienne – Du maniérisme au néoclassicisme, Paris, Presses Universitaires de France (PUF), coll. Que sais-je ?, 1996

FEUILLET Michel, L’art Italien, Paris, PUF, coll. Que sais-Je ?, 2009

GRIMAL Pierre, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, PUF, 1951, p. 164 – 165

MIGNOT Claude, RABREAU Daniel (dir.), « Jules Romain à Mantoue », in Temps modernes Xvè – XVIIIè siècles, Paris, Flammarion, 1996, p. 210 – 211


 

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Tokyo, sexe et mort au coeur du travail de Nobuyoshi Araki /?p=1446 /?p=1446#respond Mon, 27 Jun 2016 15:57:15 +0000 /?p=1446 A l’occasion de l’exposition Araki au Musée Guimet, nous avons choisi de revenir sur quelques caractéristiques de cet artiste-photographe dont l’oeuvre oscille entre tradition japonaise et expérience personnelle.

Tokyo

Nobuyoshi Araki est un artiste originaire de Tokyo, ville qu’il a tenté de capter et de retranscrire à travers ses photographies. Depuis les années 1970, l’ensemble de son travail renvoi à cette ville, à ses traditions et à son atmosphère. Il a fait de Tokyo le thème central de son œuvre avec le sexe et la mort.

Nu Tokyo, 1989/2005, épreuve gélatino-argentique, 58,3 x 46,6 cm, Nobuyoshi Araki/Photo : Thierry Ollivier/Courtesy Taka Ishii Gallery

Nu Tokyo, 1989/2005, épreuve gélatino-argentique, 58,3 x 46,6 cm, Nobuyoshi Araki/Photo : Thierry Ollivier/Courtesy Taka Ishii Gallery

Une œuvre personnelle

Voyage Sentimental, 1971, épreuve gélatino-argentique, 35,4 x 43,2 cm, Collection Maison Européenne de la Photographie, Nobuyoshi Araki/Courtesy Taka Ishii Gallery

Voyage Sentimental, 1971, épreuve gélatino-argentique, 35,4 x 43,2 cm, Collection Maison Européenne de la Photographie, Nobuyoshi Araki/Courtesy Taka Ishii Gallery

De part leurs sujets licencieux, les œuvres d’Araki peuvent nous procurer le sentiment d’être un voyeur face à la vie privée de l’artiste. Dans l’une de ses premières série, le voyage sentimental, Araki partage le reportage sur son mariage avec Aoki Yoko ainsi que sa nuit de noces.

 

 

 

Les Femmes encordées

A cette série d’oeuvres mêlant la vie privée de l’artiste à la fiction, va s’en suivre de nombreuses œuvres polémiques. Le travail d’Araki a été à de nombreuses reprises condamné pour son obscénité. Il n’hésite pas à exposer la vision des poils pubiens, ou bien des organes génitaux. C’est notamment le cas dans ses photographies de femmes nues encordées qui ne sont pas sans nous rappeler l’art du bondage japonais du XVe siècle. Cette technique lui permet ainsi de suspendre le geste érotique. Malgré leur sujet, ces photographies sont d’une poésie surprenante : à la violence du cordage se superpose un visage féminin serein et détendu. Araki s’inscrit donc comme l’un des artistes qui ont permis de faire évoluer le cadre législatif japonais face aux productions artistiques.

La photographie comme document du passé

A travers ses différentes séries, Araki propose une véritable remise en cause de la photographie comme médium documentaire. Alors que ses images de fleurs témoignent d’un instant éphémère suspendu par l’appareil photographique, l’oeuvre constituant ainsi un document de ce moment passé, Araki préfère dans d’autres séries semer le trouble de la temporalité et du caractère documentaire de l’image photographique.

« La photographie est une parodie du monde. C’est une parodie du Je » témoigne Araki qui aime jouer sur les illusions en mêlant des photographies de sa vie personnelle à des images relavant de l’auto-fiction.

Un attachement à l’art traditionnel japonais

Imparfait - Futur, 1979-2011/2012, épreuve gélatino-argentique, 27 x 40,6 cm, courtesy Nobuyoshi Araki/Taka Ishii Gallery

Imparfait – Futur, 1979-2011/2012, épreuve gélatino-argentique, 27 x 40,6 cm, courtesy Nobuyoshi Araki/Taka Ishii Gallery

Malgré un engagement personnel dans son œuvre, Araki reste fortement attaché à la tradition japonaise. Il s’inscrit dans une continuité artistique que ce soit dans la reprise de sujets, de l’esthétique et de supports. Ses photographies érotiques ne sont pas sans nous rappeler les shunga (gravures japonaises érotiques dans le style ukiyo-e). Ses séries sont régulièrement déployées à l’horizontal rappelant les emaki (livres japonais se dépliant sur leur ensemble). De même, dans sa série Tokyo Tombeau, les photographies sont présentées en longueur, elles se juxtaposent comme une peinture japonaise sur rouleau.

L’oeuvre d’Araki tente ainsi de documenter ce qui est constitutif de la culture japonaise, tel Robert Frank avec la civilisation américaine des années 1960 avec son ouvrage The Americans. Araki mêle dans un travail très personnel, les traditions d’une civilisation, son esthétique, son état d’esprit, afin de dresser un portrait du Japon moderne, un pays entre les traditions extreme-orientales et la modernité occidentale apportée après la réouverture du pays sur le reste du monde en 1868.


Exposition au Musée Guimet jusqu’au 5 septembre 2016

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Banana Art, Stephan Brusche s’active dans votre cuisine /?p=634 /?p=634#respond Wed, 15 Apr 2015 17:58:19 +0000 http://heylisten.org/?p=634 La banane fait aujourd’hui sensation dans l’art ! Sensuelle par sa forme, sculptable à souhait, elle est un médium et une source d’idée originale pour les artistes.

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Stephan Brusche, artiste vivant à Rotterdam, sculpte les fruits et notamment les … BANANES. Assez hallucinant me direz vous, surtout en contemplant de réelles oeuvres d’art sur un fruit peu prit au sérieux. Ses sources sont multiples, de l’animal aux icônes pop culturelles, il va même jusqu’à copier des classiques d’histoire de l’art comme Klimt ou Michel-Ange ! Un travail minutieux est amusant.

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L’hyperréalisme de Robin Eley /?p=611 /?p=611#comments Wed, 08 Apr 2015 12:46:41 +0000 http://heylisten.org/?p=611 Photographie ou peinture ? Difficile de se prononcer au premier regard, Robin Eley trompe notre oeil en beauté ! Né en 1978, l’artiste australien de 37 ans nous dévoile une peinture hyperréaliste – oui, vous ne rêvez pas ce sont des peintures ! Jouant sur les effets de films plastiques, il enrobe ses corps peints de reflets nous donnant l’impression d’observer une photographie ! C’est par tous les détails qu’il opère que notre oeil se trouve trompé et que le jeu de Robin Eley fonctionne. Personnellement je suis totalement bluffée par tant de réalisme dans une peinture quand on sait à quel point cela est difficile et fastidieux.

Son oeuvre a un côté artistique par sa technique, le rendu, la pose etc. Mais nous pouvons peut être y voir un sens caché ! En effet, ces corps enroulés dans ces plastiques peuvent faire penser aux corps humain plastifiés aujourd’hui par toutes ces chirurgies, à ce corps factice, à cette apparence parfaite derrière laquelle nous nous cachons. Serait-ce une critique ? Une observation ? Ou peut être même que cela n’a rien à voir ? Qui sait, laissez libre court à votre imagination.

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Plastic, 2011

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Silent Respiration, 2011

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A Loss of Density, 2011

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Auspicia, 2011

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Alexa Meade, l’homme comme médium artistique /?p=449 /?p=449#respond Sun, 22 Feb 2015 15:00:32 +0000 http://heylisten.org/?p=449 Alexa Meade est une artiste américaine née en 1986 qui peint ses portraits directement sur le corps humain donnant un aspect bi-dimensionnel à quelque chose de tri-dimensionnel !

Avez-vous déjà vu une peinture peinte DIRECTEMENT sur le corps d’une personne ? Maintenant oui ! Tout peintre cherche normalement à donner un rendu tri-dimensionnel à ses peintures en deux dimensions, Alexa Meade, elle, fait l’inverse. Elle donne l’impression de faire entrer le portrait peint dans notre réalité, de le sortir de l’espace du tableau ! Elle a tout d’abord commencée à peindre sur elle-même, puis, elle s’est amusée à le faire sur des modèles, les intégrants dans des compositions. L’un deux a même bien voulu se balader dans le métro, la tête toute peinturlurée sous l’oeil étonné des passants.

téléchargement (1)Transit, 2009

téléchargement (2)

Aligned with Alexa, 2010

Elle a ensuite placé ses modèles dans une baignoire remplie de lait, permettant ainsi une diffusion de la peinture autour du portrait donnant ainsi un aspect diffus à la création. Le souci ? La photographie doit être prise très rapidement car le corps perd très rapidement sa couleur !

téléchargement

Hesitate, 2012

Site de l’artiste : http://www.alexameade.com/

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« Cosplayers » de Cao Fei /?p=385 /?p=385#respond Tue, 10 Feb 2015 18:00:05 +0000 http://heylisten.org/?p=385 Le cosplay est la contraction des mots « costume » et « playing« , il consiste à se « déguiser » en un personnage de manga, de jeux vidéos, de héros et de pousser le costume en jouant le personnage, agir comme tel. C’est une pratique venant du Japon mais largement utilisée par une partie de la population aux Etats-Unis ou encore, ici en France ! Les cosplayers sont des personnes qui mettent tout leur coeur (et leur argent) dans la réalisation de leur costume afin de s’échapper le temps d’une convention ou d’un shooting !

L’artiste Cao Fei, née en 1978 à Guangzhou a utilisé ce thème pour l’une de ses vidéos, « COSPLAYERS« .

Cao_Fei-CosplayersC’est l’une des jeunes artistes la plus significative et novatrice de la scène internationale chinoise. Ses projets multimédia explorent les rêves perdus de la jeune génération chinoise et leurs stratégies pour surmonter et échapper à la réalité.

« COSPLAYERS » montre ainsi plusieurs jeunes, cosplayés, se déplaçant dans l’urbanisme de la ville. Ils s’engagent dans des combats imaginaires, tels leurs héros, deviennent porteurs de pouvoirs magiques. Ils dépassent ainsi la réalité et créent leur propre univers temporel et spatial, afin de s’échapper de leur vie quotidienne. Cao Fei les place dans un univers où ils sont à la fois libre de leur passion et rejeté par la société ainsi que par leur famille, ayant des passions qui sont pour certains incompréhensible.

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Mais… ouvrez vous, chers lecteurs ! L’escapade a parfois du bon, le cosplayer est artiste et son costume est son art.

L’une des plus talentueuse cosplayeuse française : Néréide Cosplay, en Nami Koi de League of Legend

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Pour voir la vidéo :

http://www.caofei.com/works.aspx?year=2004&wtid=3

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LE GEEK-ART COLORÉ DE NICKY BARKLA /?p=326 /?p=326#comments Sat, 07 Feb 2015 12:45:00 +0000 http://heylisten.org/?p=326

Parlons Couleurs, parlons Geek, parlons Art ! Aujourd’hui, c’est l’artiste Nicky Barkla que je vous présente !

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Tout d’abord une petite présentation sans prétention de l’artiste ! Nicky Barkla est une jeune artiste-peintre australienne de 20 ans qui comme vous pouvez le voir aime la couleur. Elle représente en peinture des emblèmes de la culture « geek » comme Dark Maul, Golum ou encore Sonic. Les couleurs acidulées s’immiscent les unes dans les autres donnant du mouvement au portrait et créant quelque chose de totalement fantastique.

J’aime ce côté complètement déluré donné à des personnages considérés comme bizarres voir comme « les méchants » dans le monde du geek. Ce Golum coloré est totalement ENVOUTANT ! Cela casse tout le côté  « sombre » du personnage. Bon, par contre on garde toujours le côté un peu dérangé « mon précieeuuux » avec toutes ces couleurs dans tous les coins !

Comme Nicky Barla le dit elle-même :

« C’est comme de poser un chapeau de clown sur la tête de Dark Vador et lui demander de s’amuser un peu. »

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Elle désacralise totalement le stéréotype du « méchant » qui passe du sombre au clair, du noir au coloré ! Le contraste est fort mais personnellement ne me choque pas du tout, au contraire : J’ADORE.

On se rend compte aujourd’hui, que la culture que l’on peut appeler « geek » – même  si aujourd’hui ce terme désigne beaucoup trop de choses différentes – a un poids essentiel dans l’art. En effet, l’artiste cherchera toujours une inspiration sur ce qui l’entoure, la culture populaire dans laquelle il a grandit. Ce n’est plus la religion qui est utilisé comme source d’inspiration artistique mais l’univers des jeux vidéo et de la SF. Aujourd’hui c’est sur Mario et Rayman que l’on joue sur la Wii et non un remake de l’Ancien Testament !

Bref en gros, j’aime, j’adore, je plussoie ! Golum, Président, Golum, Président ! – ok, je sors.

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Bibliographie :

Thomas Olivri, Geek-Art, Une Anthologie, Huginn & Muninn, 2013

Site Web de Nicky Barkla pour les images :

offtoseethewizard.deviantart.com

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Soasig Chamaillard, une figure de la Vierge revisitée /?p=218 /?p=218#respond Thu, 29 Jan 2015 23:09:03 +0000 http://heylisten.org/?p=218 Soasig Chamaillard est une artiste de 31 ans, originaire de Nantes. Elle transforme des statuettes en plâtre de la Vierge Marie qu’elle récupère dans des brocantes ou que l’on vend à Lourdes, et les « restaure » : « Je ne travaille que sur des statues très abîmées que je restaure car les statues en parfait état poursuivent leur chemin mystique. Je ne cherche pas à choquer les croyants ».

Ces transformations peuvent durer de trois jours à deux mois, l’idée est pour elle de « laisser les choses murir à l’intérieur de moi », selon son interview que vous pouvez lire ici. Le réemploi iconographique va de la Vierge Tortues Ninjas à une Super Vierge le tout dans une ambiance très humoristique ! Se basant sur la Vierge Marie, l’un des symboles de la religion chrétienne, elle touche à une figure emblématique. Cela peut en choquer certains et en amuser d’autres !

 

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Petit point historique, la religion chrétienne a pointé le bout de son nez dès le 3ème et le 4ème siècle mais de manière détournée. Son culte en étant interdit dans la société païenne, les chrétiens se cachaient et utilisaient des « images-signes » comme le poisson, l’ancre, ou encore le chrisme, afin de signifier leur appartenance à cette communauté sans pour autant se dévoiler aux yeux des païens. Le symbole de la Vierge comme Mère de la religion devient de plus en plus important au Moyen-Âge et en particulier avec le culte mariale qui se développe au 12ème siècle. La Vierge devient alors la Mère du Christ, un symbole de piété et de tendresse. Apparaît alors la Vierge à l’Enfant avec une mère pleine de tendresse pour son fils.

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          Vierge de la Sainte-Chapelle, 1260/70

Soasig transforme ce symbole religieux fort en un symbole populaire. La Vierge devient un super héros, un personnage de jeu vidéo ou encore de dessin animé. En bref, elle fait vivre les personnages qui représentent aujourd’hui les figures d’une « religion geek« .

Au travers de ses créations, un jeu s’installe et présente une vision de la société mais aussi de la femme, sa place et son rôle aujourd’hui. Ici, la femme devient une figure emblématique, allant même à devenir un symbole de la pop-culture (si je puis réellement m’aventurer ici). La femme, tout comme l’homme, peut devenir une héroïne, une icône de la société.

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Sainte Barbie, 2007               My Little Mary, 2010              Sainte Moon, 2009

La religion aura toujours une place importante dans la vie des gens et dans notre culture mais, peu à peu, les jeux vidéos et l’univers « geek » nous donnent de nouvelles icônes. Les enfants (voir les grands) ne vénèrent plus le Christ mais un Jedi ou un Pikachu ! Clairement, la société a changé, il faut en tenir compte. Cela se répercute forcément dans l’art au bout d’un moment, et je pense que ce n’est que le début !

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Sainte Force, 2011                                                Pokemum, 2013

Nous avons bien vu une montée en puissance du christianisme qui, au départ, se retrouve bornée à utiliser des « images-signes » comme symboles de la religion pour enfin s’épanouir suite au choix de faire du christianisme la religion officielle de l’Empire Romain. Et nous n’avons cessé de voir apparaître des images du Christ, des saints et de ce qui a trait de loin ou de près à la religion. Aujourd’hui cette religion n’est plus chrétienne mais « geekette » ! Le Messie est remplacé par San Goku ou encore notre chère Hello Kitty.

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 Sainte Goku, 2014                                                   Hello Mary, 2010

Soasig Chamaillard, artiste Nantaise, est représentée par deux galeries : Galerie Albane à Nantes et Galerie Caroline Tesca à Paris.

Site de l’artiste : http://www.soasig-chamaillard.com/detournement-sculpture-sainte-vierge

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