L’arte povera, l’art des matériaux bruts et naturels, au Centre Pompidou

Pas facile de comprendre ce qu’est réellement l’« art pauvre ». On a vite fait de réduire ce courant complexe à quelques banalités. Heureusement, le Centre Pompidou propose de se pencher sur le sujet afin de dévoiler sa richesse…

C’est un projet ambitieux qu’a monté le commissaire général Frédéric Paul au Centre Pompidou. La manifestation en question, qui a pour objet l’« art pauvre », vise à faire découvrir l’Arte Povera dans sa richesse et sa pluridisciplinarité . Traiter d’une thématique si large semblait perdu d’avance. C’était risquer de l’enfermer dans une vision réductrice ou, à l’inverse, de perdre son fil conducteur. Les commissaires de l’exposition ont pourtant relevé le défi en proposant une expérience artistique qui dépasse le simple accrochage traditionnel. Parallèlement au parcours organisé dans les salles du musée, des performances, des projections cinématographiques et une journée de colloque ont été organisés. Pour ceux qui auraient manqué ces événements, pas d’inquiétude : les commentaires explicatifs vous guideront le long de l’exposition…

Giuseppe PENONE, Soffio 6 [Souffle 6], 1978, 158 x 75 x 79 cm, Terre cuite. Collection Centre Pompidou, mnam/cci, © Centre Pompidou/Dist. RMN-GP © Adagp, Paris 2016

Dès la première salle, les artistes majeurs de l’Arte Povera annoncent la couleur. Les œuvres d’Alberto Burri, Lucio Fontana, Piero Manzoni et Mario Merz marquent l’émergence du mouvement, qui naît en Italie aux lendemains de la seconde guerre mondiale. Loin de revendiquer leur appartenance à quelconque école, ils ouvrent au contraire les portes à la création émancipée. La diversité dans leurs œuvres est frappante mais c’est l’énergie de leurs procédés productifs qui les lie à une même tendance. L’éclectisme des autres artistes exposés – parmi lesquels Anselmo, Kounellis ou Penone – semble peut-être faire de l’Arte Povera un concept « fourre-tout », mais on finit par discerner la dynamique commune qui les anime.

Piero GILARDI, Totem domestico, 1964, 200 x 200 x 300 cm, Mousse de polyuréthane, polystyrène expansé, peinture. Collection Centre Pompidou, mnam/cci, © Piero Gilardi – photo : © François Fernandez

On donne parfois à l’« art pauvre » une définition un peu sommaire : l’utilisation de matériaux bruts et naturels, en opposition avec les tendances pop et minimalistes américaines. Il s’agit surtout d’une quête commune : celle d’un langage universel, fécondé par des geste archaïques. Plus que sa finalité, c’est le procédé même de la création qui intéresse les artistes. Leur démarche se fonde sur l’intuition et la purification du langage, mais aussi sur le rapport au monde, non pas figé mais en constante transformation. Giovanni Anselmo rend bien compte de cette approche créative avec son œuvre Sans titre, composée de granit, de laitue et de fil de cuivre. L’association de la laitue périssable et du bloc sculptural évoque l’évolution naturelle des éléments.

Giovanni ANSELMO, Sans titre, 1968, 70 x 23 x 37 cm, Granit, laitue, fil de cuivre. Collection Centre Pompidou, mnam/cci, ©Centre Pompidou/Dist. RMN-GP, ©Giovanni Anselmo

« Moi, le monde, les choses, la vie, nous sommes des énergies en situation ; le point essentiel n’est pas de cristalliser ces situations mais de les maintenir ouvertes et mobiles en fonction de ce que nous avons à vivre. » – Giovanni Anselmo.

Riccardo DALISI, Tecnica povera, 1973, Sedia in cartapesta, 1973, Chaise en papier maché, ca., 90 x 80 x 45cm. Collection Centre Pompidou, mnam/cci, © Centre Pomidou/Dist. RMN-GP

 

La portée de l’« art pauvre » s’étend bien au-delà de ces travaux plastiques. Au 5ème niveau du musée, la suite du parcours explore l’architecture radicale de l’« école de contre-design » italienne, Global Tools. Associée aux arts visuels et à la performance, leur démarche repense l’espace politique et social. Elle s’oppose à la fixité des espaces de vie et à la société de consommation qui enferme l’homme. Les artistes prônent au contraire l’utilisation de matériaux « pauvres » et les gestes archaïques qui font écho au mythe de la cabane originelle. Ils entraînent également l’émancipation des objets, dépourvus alors de toute fonctionnalité. Le Trône de Riccaro Dalisi, constitué de papier mâché, exprime la suprématie de la création artistique sur le rationnel et l’utilitaire. En outre, par le recyclage, l’artiste manifeste une certaine pensée politique, qui se confirme avec ses projets collectifs. En effet, en 1971, il entreprend une serie d’ateliers auxquels participent les enfants d’un quartier défavorisé. Ainsi, il exploite leur imagination et leur spontanéité pour repenser l’organisation de l’espace urbain.

 

En définitive, les artistes du Global Tools, comme ceux de l’Arte povera, glorifient la création dans sa forme pure et affranchie. Ils libèrent en même temps toute la production artistique contemporaine. L’exposition telle qu’elle est conçue explore les parallèles possibles entre les divers médiums et témoigne du bouillonnement créatif qu’a engendré l’« art pauvre ».

Écrit par Gaëlle Hubert


Un Art Pauvre – Centre Pompidou – Paris

Du 8 juin au 29 août 2016

De 11h à 21h tous les jours sauf le mardi

Plein Tarif : 14€ / Tarif réduit : 11€

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