La photographie en temps de pandémie 1/2

Pour sortir un peu de nos appartements ou pour les regarder autrement, je vous propose de découvrir en ces temps confinés le travail de six photographes qui ouvrent des fenêtres sur le monde. Leur propre fenêtre parfois, depuis lesquelles ils redécouvrent le quotidien, et d’autres fois celles des autres, celles de contrées éloignées aux réalités peu médiatisées. Nous partons aujourd’hui pour l’île de Lesbos, les rues de Marseille et le fond des armoires…


Diane Grimonet

Sur l’île grecque de Lesbos, à Moria, près de 15 000 réfugiés attendent depuis des mois que leur situation se débloque enfin . C’est le plus gros campement d’Europe, où la population dépasse de plus de trois fois sa capacité d’accueil. Avec l’arrivée du Covid-19 en Grèce, la gestion du camps a été mise au second plan. Comment empêcher la propagation du virus là où la distanciation sociale est une vaste utopie ? Comment protéger les nombreuses personnes vulnérables, fragilisées davantage encore par les conditions de vie inacceptables qui font leur quotidien ? Alors que des cas sont déjà avérés, les autorités commencent à grillager la zone. Chacun se prépare au pire. Comme d’autres zones problématiques, parmi lesquelles la bande de Gaza, la pandémie pourrait être un désastre humain.

Le travail de Diane Grimonet porte régulièrement sur la question du logement. De ses défaillances, surtout. Des squats aux campements de réfugiés en passant par les hôtels-taudis, elle montre. J’allais dire « elle interroge », mais ses images sont tellement fortes et claires, et la réalité est telle qu’il n’y a rien à questionner, il n’y a qu’à voir et constater.

« Photographe humaniste » peut-on lire sur son blog, et c’est bien cela. Si elle s’intéresse à des problématiques sociales, ce n’est pas avec une froideur journalistique, mais au contraire en partant de la petite histoire pour parler de la grande. Toutes ses images respirent la tendresse et la reconnaissance des singularités. Sans doute faut-il beaucoup aimer les humains pour produire de tels tableaux. Diane Grimonet joint à ses photographies de parcours de vies, des paroles recueillies. Comme une passeuse d’histoires.

Pour découvrir le travail incontournable de Diane Grimonet, c’est juste ici !
Et sur la plateforme Hans Lucas, ses séries consacrées au confinement.

© Diane Grimonet – Hans Lucas

© Diane Grimonet – Hans Lucas

© Diane Grimonet – Hans Lucas

© Diane Grimonet – Hans Lucas

Clémence Losfeld

Des appartements, des lieux habités, des meubles, le quotidien. Et des corps qui deviennent meubles dans l’espace, qui viennent se fondre dans les murs, qui s’adaptent à leur environnement contraint. Des corps-espaces, des parcelles de terrain, des objets plastiques presque démontables. Des corps-lieux aux possibilités inexplorées, à l’égal de ces recoins du logis qui restent tapis dans l’ombre.

Dans la série « L’élément du décor », Clémence Losfeld se sert de sa propre flexibilité comme moyen d’exploration performative et invente de nouveaux modes d’investissement de l’espace par le corps. Le plier, le déplier, le tordre, le retourner, le redécouvrir en même temps que l’on redécouvre son chez-soi, cet espace quotidien qui s’éprouve d’abord physiquement.

Cette série pose aussi un regard poétique sur le rapport intime que l’on entretien avec son logis, sur la façon qu’on a, au sens littéral et au sens figuré, de l’embrasser. Comment on fait corps avec lui, surtout en ces temps confinés où il est à la fois un cocon et une prison. Ces photos surprenantes et décalées sont teintées d’absurdité, mais aussi et surtout d’une certaine mélancolie.

Clémence Losfeld est une jeune artiste, révélée par le Grand Prix Paris Match Photo Reportage Étudiant 2016. A la fois photographe de terrain et de l’intime, on la trouve aussi bien en manifs qu’auprès de personnes âgées dans les maisons de retraite ou dans le quotidien de gens en marge ou invisibilisés. De sa pratique photographique découlent des questionnements, parfois intimes, parfois sociétaux et d’autres fois encore à la croisée des deux.

Pour découvrir son travail, c'est par là !
Coup de cœur pour les séries "Battre en retraite" et "Vue sur mères" !

Et sur la plateforme Hans Lucas, toute sa série "L'élément du décor".

© Clémence Losfeld – Hans Lucas

© Clémence Losfeld – Hans Lucas

© Clémence Losfeld – Hans Lucas

© Clémence Losfeld – Hans Lucas

Patxi Beltzaiz

Patxi Beltzaiz a deux ports d’attache : celui de Marseille et l’Amérique latine. A Marseille, où il est confiné aujourd’hui, il documente depuis sa fenêtre la vie en temps de pandémie. Depuis les appartements voisins aux volets ouverts, de nouveaux liens se créent. On se rencontre, même séparés par les quelques mètres de la rue déserte en dessous. On fait voix commune pour remercier et soutenir le travail des soignants, des aidants et des autres. Et à 20h, on sort le grand jeu : tambour, accordéon, maquillage de carnaval. Comme un air de Mexique… Quand tout autour s’effondre, l’amour de la fête ne se laisse pas abattre.

On trouve dans le travail de Patxi Betlzaiz, notamment dans ses séries réalisées au Mexique, un intérêt pour le carnaval, la fête, la communauté, ainsi que pour le costume, le masque et le travestissement. Il immortalise ces univers du spectacle où tout est possible, où la célébration de la vie fait taire un instant la violence du monde.

A Marseille, il est animé par les problématiques sociales en cours. Sa pratique est intrinsèquement liée aux luttes qui lui tiennent à cœur , notamment au quartier populaire de La Plaine, menacé par la gentrification. Membre du collectif Contre-faits, Patxi Beltzaiz est guidé par « cette volonté implicite de parler, de donner à voir des réalités sociales oubliées ou détournées ».

Ce voyage dans le Marseille confiné nous fait entrer dans son univers, à la fois ancré dans la réalité et profondément poétique.

Retrouvez l’univers fascinant de Patxi Beltzaiz juste ici !

© Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

© Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

© Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

© Patxi Beltzaiz – Hans Lucas

Tous les photographes présentés ici sont membres d’ Hans Lucas, plateforme collaborative qui soutient les photographes indépendants. C’est une mine d’or visuelle, mais aussi un moyen de faire le tour du monde à travers des regards atypiques. Je vous conseille d’y jeter un œil, sachant que vous risquez d’y passer la journée. 😉

À très vite pour la suite de l’article…

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