Pascal Amoyel, pianiste, compositeur et directeur de Festival Notes d’Automne – l’entretien

A la fois pianiste et compositeur, mais aussi directeur d’un festival musical et littéraire, Pascal Amoyel vit sa passion pour la musique à temps plein.

Enfant d’une mère amoureuse d’opéra et d’un père amateur de piano, Pascal Amoyel n’a même pas eu besoin de tomber dans la marmite. Il est né dedans. Très tôt, il pianote en essayant d’imiter son père. C’est à ses dix ans que le destin vient littéralement frapper à sa porte. Le destin, c’est la vieille gardienne de l’immeuble. Impressionnée par les improvisations du jeune garçon, la vieille dame lui conseille de rejoindre la fondation pour les jeunes de Georges Cziffra. Inspiré par le grand pianiste hongrois et porté par sa sensibilité artistique, Pascal Amoyel ne quitte plus le piano, devenu pour lui une révélation .

À un moment donné, il faut y aller !

Il intègre ensuite l’École Normale de musique de Paris. Sur les recommandations de son père médecin, il suit parallèlement ses études et obtient un bac scientifique. C’est lorsqu’il entre au Conservatoire de musique de Paris (le CNSM) que les choses se compliquent. « J’ai mis 3 ans à m’en remettre » dit-il. Difficile à entendre de la bouche de celui qui a été admis dans une école si prestigieuse et a obtenu le Premier Prix de piano seulement 3 ans plus tard . Il s’explique : dans un établissement comme le Conservatoire, il est difficile de combiner les acquis et l’inné, avec lequel on est arrivé . Avec le recul, Pascal Amoyel considère les acquis techniques comme « indispensables, mais sans avoir à abîmer le terreau qui fait l’inspiration ». La technique est un outil mais ne doit pas être une fin en soi, ou alors elle viderait la musique de son sens et annihilerait l’inspiration.

En sortant du CNSM, les élèves sont comme lâchés dans la nature , ignorant tout du métier de musicien. Pascal Amoyel passe plusieurs années à travailler sur son piano sans avoir l’opportunité de jouer sur scène. C’est grâce à l’enregistrement de son premier album , dans lequel il interprète Schubert et Liszt, qu’il commence à recevoir des invitations. Il avoue ne pas s’être senti prêt à l’époque , mais « à un moment donné, il faut y aller ! ».

Parmi les jeunes qui pensent à se lancer dans un métier-passion , nombreux sont ceux qui hésitent pour des raisons sociales, financières, ou par manque de confiance en eux. Si l’on demande à Pascal Amoyel quel est, selon lui, le secret de la réussite, il répond sans hésiter : « Il faut y croire tout le temps et savoir qu’on est fait pour ça ». Ceux qui décident parce qu’il leur est impensable de ne pas l’être. Ils le font parce que la musique les nourrit intérieurement et parce qu’ils ne peuvent vivre sans.

Puisqu’il joue énormément lui-même, Pascal Amoyel écoute assez peu de musique au quotidien. Il a cependant deux compositeurs favoris : Liszt pour jouer, Chopin à écouter . Il apprécie également le jazz, en particulier Bill Evans ou Miles Davis. En tant que pianiste, il lui revient généralement de sélectionner les morceaux qu’il proposera aux maisons de disque. Dernièrement, il a choisi d’interpréter les Grandes Polonaises de Chopin, dans un album intitulé Polonia . Lorsqu’il joue avec des orchestres, ce sont parfois eux qui choisissent le programme.

Les acquis sont indispensables, mais sans avoir à abîmer le terreau qui fait l’inspiration.

Pascal Amoyel est également professeur de piano. Il aurait pu se satisfaire de l’enseignement, mais il souhaitait réellement monter sur scène. Il y obtient la liberté de choisir ce qu’il va jouer, d’aborder un thème plutôt qu’un autre. Dans son dernier spectacle, Le pianiste aux cinquante doigts , il rend hommage à celui qui l’a toujours inspiré, Georges Cziffra . Ses spectacles en solo lui permettent de développer leurs propres récits, d’exprimer des choses personnelles et qui leur tiennent à cœur. Quand il s’agit de créer, le compositeur tire son inspiration du silence, qui « laisse être disponible la musique ». Souvent, les premières notes qui surviennent de ce vide sonore guident toute la pièce. Pascal essaye ensuite d’ « entraver le moins possible la fluidité qui arrive ». Tout est dans l’instinct, l’écoute, la réception.

En plus de tout cela, Pascal est directeur du Festival Notes d’Automne , qui a lieu cette année du 13 au 19 novembre. Le festival est né de la volonté de réunir des publics intéressés par le théâtre, la littérature et la musique. Son rôle de programmateur est délicat puisqu’il tient à ne jamais présenter deux concerts identiques, que ce soit dans leur fond ou leur forme. Pour sélectionner les artistes, il marche au coup de cœur. Chaque année, une journée est consacrée à une thématique particulière. Cette saison, il s’agira de la peinture et de son lien avec la musique. De nombreux compositeurs ont effectivement inspirés des peintres et des peintres ont inspirés des compositeurs. L’idée du festival est également de bousculer la forme du concert classique instaurée par Lizst. En cela, il est une sorte de laboratoire expérimental pour la musique et les lettres…

Il faut y croire tout le temps et savoir qu’on est fait pour ça !

Dans son rôle de directeur comme dans celui de musicien, Pascal s’est posé la question du public qu’il visait. Si la musique classique est souvent perçue comme le privilège d’une élite, d’un cercle fermé, Pascal croit au contraire que « n’importe quelle personne peut être attirée par la musique classique ». Quand il compose et organise son festival, il cherche un équilibre entre ce qui séduira les mélomanes et ce qui plaira aux amateurs . Il remarque qu’aujourd’hui, cette volonté de démocratisation se traduit surtout par l’apparition de nouveaux lieux visant à décloisonner les genres. On voit aussi fleurir des événements spécialement dédiés aux jeunes ou aux enfants. Il reste pourtant difficile de donner une image plus populaire de la musique classique.

Être musicien aujourd’hui demande donc énormément de travail et de persévérance. Si une carrière décolle généralement grâce à une rencontre ou une opportunité, elle peut aussi rester au point mort. Ceux qui percent finissent souvent par se spécialiser, tandis que les autres cumulent plusieurs professions. Pascal Amoyel, qui est à la fois pianiste, compositeur, professeur et directeur de festival, est une exception dans le milieu…

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