La photographie en temps de pandémie 2/2
Pour sortir un peu de nos appartements ou pour les regarder autrement, je vous propose de découvrir en ces temps confinés le travail de six photographes qui ouvrent des fenêtres sur le monde. Leur propre fenêtre parfois, depuis lesquelles ils redécouvrent le quotidien, et d’autres fois celles des autres, celles de contrées éloignées aux réalités peu médiatisées. Cette fois, on part de la région parisienne pour atterrir en Pologne, après un petit détour par une maison familiale…
Vous avez manqué la première partie de l’article ? Commençons par le commencement !
Florent Bardos
Malgré la pandémie, certaines associations dont les actions sont indispensables à la survie de nombreuses personnes vulnérables continuent leur activité tout en s’adaptant au contexte perturbé. « Solidarité migrants Wilson » compte parmi celles-ci : une dizaine de bénévoles, héros du quotidien, distribuent 500 repas aux sans-abris lors des maraudes qui sont organisées deux fois par semaine entre Porte de la Chapelle et Porte d’Aubervilliers. Dans ces deux quartiers à la limite de Paris, énormément de gens, majoritairement des migrants, sont à la rue toute l’année et survivent grâce aux soutiens associatifs. Pas question de les laisser mourir de faim pendant la période du confinement. Alors on s’équipe de masques et de gants et on s’active toujours en cuisine.
Florent Bardos s’intéresse aux faces cachées de la pandémie, à ces gens qui trouvent des solutions, qui réaménagent leur mode de fonctionnement. « Photographe des alternatives », pourrait-on dire . Il s’est aussi rendu sur d’autres terrains, où les problématiques ne sont certes pas les mêmes, mais où le credo est toujours celui-ci : s’adapter et se réinventer.
Il nous fait voir par des images marquantes comment un gymnase à Saint-Mandé est devenu un centre de dépistage pour les personnes malades. On imagine comment les pas et les voix des soignants doivent résonner dans cette salle désertée, où en temps normal ont lieu des matchs et des entraînements bruyants. Florent Bardos nous emmène aussi dans l’église Saint-Roch à Paris, où la technologie a été mise au service des fidèles, puisque la messe du Jeudi Saint a été retransmise en direct sur Youtube. Chacun à son échelle accomplit sa mission, comme il peut, avec les moyens du bord .
Pour découvrir les autres très belles séries de Florent Bardos, c’est juste ici ! Et sur la plateforme Hans Lucas, ses séries consacrées au confinement.
Claire Jachymiak
Depuis le début du confinement, pour la majorité des Français, le quotidien s’est réduit à peu de choses. Ce sont tous les jours les mêmes espaces, les mêmes activités et les mêmes personnes qui rythment les journées. Plutôt que de voir ces motifs comme des répétitions lassantes, Claire Jachymiak choisit d’en voir la poésie . Elle documente son quotidien confiné et réalise avec ces images une série par semaine. On retrouve chaque fois son intérêt pour les ombres et les lumières, pour les activités familiales, pour les écrans aussi, qui diffusent des films ou des séances d’entraînement et qui proposent des échappées éphémères. On retrouve aussi ses animaux de compagnie, l’énergie des enfants qui jouent, les sorties autorisées, les éternelles tâches ménagères.
Son travail est une invitation à s’attarder sur la beauté des petites choses que l’on oublie de regarder quand le monde va trop vite. C’est une célébration du quotidien et de la banalité, de ces images et situations qui se répètent et qui, finalement, rassurent quand le monde autour est incertain . Dans chacune de ses séries, la monochromie est de rigueur. Une façon peut-être de se concentrer sur l’essentiel de l’image, sur les contrastes et les formes.
Lorsqu’elle n’est pas confinée, Claire Jachymiak réalise des reportages, souvent autour du monde rural . On retrouve dans plusieurs de ses séries ce même intérêt pour le quotidien : les vies des autres, les réalités et les territoires qu’elle côtoie de près ou de loin. Et elle pose toujours sur eux ce regard poétique, capable de déceler l’infime beauté des choses.
Pour découvrir davantage l’univers de Claire Jachymiak, c’est par là ! Et sur la plateforme Hans Lucas, ses séries "Confinement".
Pierre Le Tulzo
A quelques semaines des élections présidentielles, la Pologne est comme tous ses voisins européens touchée par le Covid-19. Pour le parti au pouvoir, Prawo i Sprawiedliwość (Droit et Justice), la crise sanitaire n’est pas une fatalité pour la vie politique : les élections auront bien lieu. Le 10 mai, les Polonais iront déposer dans des boîtes aux lettres installées à cet effet leur bulletin de vote . Une mesure qui est loin de générer l’enthousiasme parmi la population et les opposants du parti. En plus de faciliter la diffusion du virus, le maintien des élections jouerait en la défaveur des autres candidats qui ont dû interrompre leur campagne. L’actuel président ultraconservateur Andrezj Duda est en tête des sondages.
Pierre Le Tulzo nous fait voyager dans le quotidien de cette Pologne confinée, où il réside actuellement. Il a capté les atmosphères si particulières et les magnifiques lumières de la Basse-Silésie , région située au sud-ouest de la Pologne. Comme dans de nombreux autres pays dans le monde, le temps s’est arrêté. Les Polonais se sont quand même rendus au cimetière ce Vendredi Saint, munis des gants de protection, pour entretenir les tombes de leurs défunts.
Quand on parcourt son portfolio, on comprend que Pierre Le Tulzo est un voyageur. Il saisit en images des mondes si opposés qu’il est troublant de passer d’une série à une autre. Des parcours de migrants aux destins empêchés, un reportage sur des motards en pèlerinage, des portraits au flash des défilants à la Manif pour Tous, ou encore une série sur le quartier des banques à Genève… Des univers que tout semble séparer mais que Pierre Le Tulzo traverse comme un caméléon.
Vous pouvez retrouver son travail ici. Gros coup de cœur pour la série Inde 2012 ! Et sur la plateforme Hans Lucas, ses séries consacrées au confinement.
Comme mentionné dans le premier article, tous les photographes présentés ici sont membres d’ Hans Lucas, plateforme collaborative qui soutient les photographes indépendants. C’est une mine d’or visuelle, mais aussi un moyen de faire le tour du monde à travers des regards atypiques. Je vous conseille d’y jeter un œil, sachant que vous risquez d’y passer la journée.