Les mondes poétiques d’Hans Op de Beeck
Pour pénétrer dans la pièce, il faut tirer un lourd rideau noir. Une manière de s’isoler de l’agitation extérieure pour mieux s’immerger dans un nouvel univers.
Un manège, une caravane. Une lumière bleue froide côtoie la chaleur d’un feu de camp. On aimerait s’approcher, faire quelques pas dans la neige et regarder par la fenêtre de la maison ambulante. Mais nous ne pouvons que contempler la scène et nous laisser imprégner de l’ambiance qui s’en dégage.
C’est l’artiste belge Hans Op de Beeck qui est à l’origine de cette installation, présentée il y a peu de temps au Cent Quatre à Paris. Depuis dix ans, ses créations poussent comme des champignons aux quatre coins du globe. La pluridisciplinarité de son travail est frappante. Avec la sculpture, le dessin, la vidéo ou le théâtre, Hans Op de Beeck produit des images oniriques et des univers mystérieux. Pourtant, ses œuvres semblent extraites du quotidien. Un quotidien figé dans le temps et ancré dans un espace indéfini.
Les créations d’Hans Op de Beeck, particulièrement ses installations, sont des expériences totales pour les visiteurs. Elles offrent une immersion unique dans un espace scénographique étudié. Pour nous plonger dans son univers, l’artiste combine ses savoirs-faire : il associe à ses installations un fond sonore, il soigne la lumière à la manière d’un scénographe et il manie l’art de la miniature, de l’animation et de la vidéo. Surtout, il ne pose aucune limite à ses idées et n’hésite pas à s’approprier des espaces de grande dimension. C’est ainsi qu’en octobre 2016, il investit l’intérieur d’une église gothique pour installer son Garden of Whispers , littéralement « jardin des murmures ».
A propos de ses œuvres, l’artiste aime parler de « propositions ». Il laisse au spectateur une grande liberté de réception et de compréhension. Chacun est libre de rester dans la salle aussi longtemps qu’il le souhaite pour faire travailler son imagination, inventer activement des histoires ou, au contraire, contempler la scène dans un silence méditatif. C’est aussi à chacun d’accueillir et d’interpréter comme il le souhaite les images et les espaces qu’il découvre. S’agit-il d’un univers parallèle, d’une utopie ou d’une réalité sublimée ?
Paysages urbains, marins ou champêtres, visages souriants ou mélancoliques… Ces images du quotidien qui peuplent ses œuvres évoquent à chacun des ambiances vécues, des souvenirs. L’artiste constitue un album photo collectif, animé ou figé dans la matière. Il crée une mémoire partagée imprégnée d’une forte nostalgie. Il parvient à reconstruire la poésie que l’on vit au quotidien mais que l’on ne parvient pas à saisir. Comme les lumières nocturnes de cette autoroute, le souvenir flou d’un feu d’artifice ou les livres alignés d’une bibliothèque familiale.
Les œuvres d’Hans Op de Beeck inspirent le calme, le bien-être. On en sort avec le corps flottant et la tête emplie de poésie. Pourtant, de ces scènes se dégagent une certaine tristesse, une douce mélancolie. On ne sait dire si elles sont habitées par la vie, la lumière, ou si au contraire elles respirent l’absence. Y-a-t-il des familles dans ces maisons flottantes ? Qui est venu mettre en désordre ce salon statufié ? Où sont passés les invités qui ont commencé ce repas ?
Ce qui rend unique le travail d’Hans Op de Beeck, c’est que le caractère tragi-comique de ses œuvres n’inspire pas le cynisme mais l’espoir, l’optimisme. Elles semblent nous inciter à nous émerveiller devant le quotidien et à chercher dans toute chose de la beauté et de la poésie.
Site : http://www.hansopdebeeck.com