Le Théâtre Kabuki au 21ème siècle

D é couvrez comment Yuichui Kinoshita, le metteur en sc è ne de Kanjinch ô , a su revisiter les codes th éâ traux du Kabuki pour proposer une mise en sc è ne d é cal é e, humoristique, attachante et rythm é e par la J-Pop !


Retrouvez ici la critique du spectacle !

© Umemura Yutaka

Petit point historique : Le th éâ tre Kabuki a vu le jour sous l ’é poque Edo (au XVIIe si è cle). C ’é tait à l origine, un th éâ tre compos é d hommes et de femmes, tr è s pris é par les citadins japonais. Aujourd hui encore, il s agit de la forme th éâ trale la plus appr é ci é e des nippons ! Les th è mes des pi è ces jou é es illustrent des é v é nements historiques, ou des conflits relationnels. Les codes y sont nombreux et rigoureux : la musique, les costumes et le maquillage si particuliers sont ostentatoires. La machinerie (plateaux tournants, trappes) et les accessoires sont multiples, permettant de v é ritables effets sp é ciaux et dynamiques sc é niques.

Le jeu des acteurs est remarquable et singulier. En effet, contrastant avec une musique é nergique, les acteurs se meuvent lentement sur sc è ne, jusqu ’à m ê me se figer dans une pose afin d ’a ncrer leur personnage.

Le metteur en scè ne Yuichui Kinoshita s approprie l essence du kabuki pour mieux s en dissocier. Nous d é notons dans la relecture qu il propose de Kanjinch ô , une é puration du style : le d é cor est inexistant, les costumes sont sobres, le maquillage effac é . Une atmosph è re captivante et fascinante se propage dans le th éâ tre.

L ’é vasion de Yoshitsune se mat é rialise, comme le veut la tradition, par une retraite lente, au ralentie. Or celle-ci est contrast é e par une musique é lectro, un jeu de lumi è re et d obscurit é cinglant. V é ritable translation des spectateurs dans une bo î te de nuit ! Voil à un nouvel adjectif pour d é crire cette oeuvre : « d é cal é e » .

Prenons un exemple. Au point culminant de la pi è ce, Benkei frappe, malgr é lui , son ma î tre, pour accr é diter la ruse qu il a mis au point. Ce dernier, é mu par son sens de la d é votion, le lui pardonne. N é anmoins, le serviteur mortifi é par son geste n ose m ê me plus serrer la main bienveillante de Yoshitsune . Cette sc è ne de r é conciliations est rythm é e par une musique juv é nile de Pop o ù les autres acteurs rappent. « Si un jour je me r é incarne, je voudrais que ce soit en te tenant la main » signe la fin de la chanson. Ainsi une musique naïve parlant d un amour contrari é de jeunesse devient le porte-parole des difficult é s relationnelles et hi é rarchiques au sein de la soci é t é japonaise.

Dans la pi è ce traditionnelle du Kinoshita Kabuki, Togashi, le garde-fronti è re, laisse la troupe passer la fronti è re, admiratif de l ing é niosit é et de la d é votion du serviteur. L accent est port é sur le trio Benkei, Yoshitsune et Togashi. Alors que dans la relecture contemporaine, nous pouvons constater un roulement de l attention sur les moines de Yoshitsune et les soldats de Togashi. Ainsi, les personnages secondaires deviennent principaux. Yuichui Kinoshita joue d une grande ing é niosit é pour mettre ce nouveau groupe en é vidence.

Cinq m ê mes acteurs jouent à la fois les moines et les soldats ennemis. De cela d é coule une rythmique horizontale entre les camps : les acteurs courent d un campement à l autre pour continuer la sc è ne. L illusion th éâ trale est rompue, les acteurs multiplient les personnalit é s : tant ô t moine, soldat, ou acteur. Ce d é centrage permet ainsi de voir les enjeux frontaliers sous un autre angle. En effet, une m ê me sc è ne peut ê tre r é p é t é e plusieurs fois, afin d en avoir une vision compl è te. Le spectateur se fait omniscient, connaissant la position des gardes-fronti è re et de Togashi , ainsi que celle des moines et de Yoshitsune.

Ainsi, cette oeuvre hybride, s é rieuse et espi è gle m a beaucoup é mue. La gravit é de la pi è ce, scand é e par des touches humoristiques, n en est pas amoindrie. Kanjinch ô est une oeuvre qui questionne la soci é t é , le th éâ tre et les relations sociales. Une grandiose pi è ce qui a bouleversé mon exp é rience th éâ trale

Si vous avez eu la chance d y assister, n’h é sitez pas à nous partager votre ressenti. Nous nous ferrions une immense joie de vous lire !


Image de couverture © Umemura Yutaka

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