Etienne Pottier, artiste – L’entretien
La galerie Premier Regard à Paris nous a dévoilé début juin un être profondément punk, Etienne Pottier. A l’occasion de cette première présentation personnelle de son œuvre « LUXOR » nous l’avons rencontré. Sans plus attendre nous vous laissons pénétrer dans cet univers graphique où coups de crayon sont rythmés par les sonorités brutes de la guitare électrique.
Hey Listen : Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur ton parcours ?
Etienne Pottier : Au lycée j’ai choisi la filière scientifique pour passer mon bac, ce que j’ai eu tendance à beaucoup regretter, je pense que j’aurais été bien plus heureux et performant en L. Quoiqu’il en soit en sortant du bac j’avais absolument aucune idée des études que je voulais faire. L’art m’a sauvé en quelque sorte, dès que j’ai eu un projet fixe tout m’a semblé plus simple. Ce fut long, laborieux, j’ai échoué au concours des Beaux Arts de Paris, quant à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs j’ai passé le concours deux fois avant d’être finalement admis. D’ailleurs lorsque j’y étais étudiant l’enseignement m’a semblé extrêmement déceptif, cependant l’école a eu le mérite de me faire aimer la gravure dans laquelle je me suis spécialisé. Après obtention de mon diplôme en 2009, j’ai plus au moins multiplié les projets en passant par une phase où je voulais me dédier à la photographie de mode. Pour résumé, j’ai longtemps hésité, je me suis souvent perdu mais je n’ai jamais arrêté de me chercher. Aujourd’hui j’aimerais mettre de côté ce qui a été mon domaine de prédilection depuis le début : la gravure, l’illustration pour expérimenter le volume et en particulier la céramique.
HL : Comment travailles-tu, quels sont tes rituels, tes habitudes de travail, tes espaces privilégiés ?
EP : J’ai un atelier porte d’Asnières à Paris où j’ai quasiment toujours vécu c’est un endroit auquel je suis profondément attaché puisqu’il contient toutes mes expériences et souvenirs d’ados.
Le carré compté sur papier intitulé « 4h33 » traduit cet instant pendant lequel en rentrant de soirée à l’heure éponyme j’observais les tours d’immeuble de mon quartier où je pouvais distinguer seulement deux ou trois lumières allumées. Ce sont ces moments privilégiés, ces instants volés de mon adolescence qui se retrouvent dans certains travaux. Quant à la manière de procéder je m’arme toujours d’un cahier de recherche avant et pendant la réalisation de chaque production. Il retrace le cheminement de ma pensée et regroupe toutes mes idées. Je ne m’en sépare jamais par conséquent travailler pour moi implique toujours un long processus de création. C’est aussi une manière de laisser venir à moi toutes nouvelles propositions artistiques. Je ne peux me passer de musique chaque morceau accompagne une œuvre. L’autre grand compagnon de création est sans conteste la station France Culture. Quand j’y pense je crois qu’une grande partie de mon éducation vient de là. Pour résumer, la musique m’inspire au même titre que la radio me livre des références. Plus techniquement, je travaille souvent d’après photo comme tu as pu le constater pour « Bois sacré » mais je ne rétroprojette jamais. C’est à dire que je fais un effort de reproduction sans pour autant recourir à la méthode calque. Imagine moi juste comme un grand gamin en train d’écouter de la musique, ma terre d’argile dans la main pensant à mille choses c’est la meilleure façon de comprendre comment je travaille.
HL : Comment est-ce que tu te situes en tant qu’artiste dans ce monde de l’art contemporain ?
EP : C’est un monde qui devient de plus en plus élitiste et qui donc ferme ses portes à un public jeune. Le fait que ces personnes n’aient aucune conviction, aucune aspiration m’indigne d’autant plus que pour la plupart ce sont mes camarades. A titre d’exemple, j’ai un ami qui a fait les Arts Déco avec moi et qui après s’être spécialisé en animation a tout abandonné pour être exposé dans une galerie.
HL : Quelles sont tes inspirations majeures ?
EP : La musique comme tu as pu le constater joue un rôle très important dans mon œuvre. Le groupe français Micropoint de musique électronique hardcore m’a beaucoup inspiré à tel point que j’ai repris une de leur chanson pour le titre de « C’est la mode ». En artiste plasticien, je dirais que Damien Deroubaix constitue aussi à sa manière une influence majeure. Si je devais citer une œuvre cinématographique essentielle à mes yeux ce serait Dobermann, le film de Jan Kounen mettant en vedette Vincent Cassel sorti en 1997. Ce sont toutes, chacune à leur manière, des œuvres et artistes générationnels qui constituent et véhiculent un univers punk intimement relié à mon travail.
HL : Tu te définirais donc comme un être profondément punk, Comment s’est crée cette identité ?
EP : Oui absolument, j’ai vraiment écouté beaucoup de punk comme tu le sais, j’étais dans les milieux métal, free party pendant 5 ans. Ces grandes fêtes aux alentours de Paris dans lesquels on avait avec plus d’une dizaine d’amis au moins 15000 watts de sono ont indirectement été une grande influence pour moi. C’est une manière de penser tournée vers l’expérimentation qui est je pense à l’origine de toute création artistique. L’autre grand symbole de l’univers punk qui a beaucoup inspiré mon travail est la moto. Mon frère à 15 ans m’emmenait dans des rassemblements de motards et donc très jeune j’ai fait parti de cette culture là très éloignée de mes origines sociales plutôt bourgeoises.
HL : Pour conclure, aurais-tu un conseil à donner à des jeunes qui souhaiteraient s’orienter vers le métier d’artiste ?
EP : C’est très simple il faut beaucoup travailler.
Entretien réalisé par Alexia Lalangue
Site de l’artiste : http://etiennepottier.com/