Evelyne Eybert – Hey Listen Blog d'actualités sur l'art. Sat, 18 Jul 2020 12:34:37 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.20 /heylisten.fr/wp-content/uploads/2018/09/cropped-logo-et-texte-hey-listen-2.png?fit=32,32 Evelyne Eybert – Hey Listen 32 32 94317584 Claire Maugeais, Le chien de mon fusil /claire-maugeais-le-chien-de-mon-fusil /claire-maugeais-le-chien-de-mon-fusil#respond Wed, 17 Oct 2018 21:07:51 +0000 /?p=3018 La Galerie Fernand Léger, galerie municipale d’art contemporain d’Ivry-sur-Seine, accueille actuellement « Le chien de mon fusil », une exposition monographique consacrée au travail de l’artiste Claire Maugeais.

L’article Claire Maugeais, Le chien de mon fusil est apparu en premier sur Hey Listen.

]]>
La Galerie Fernand Léger, galerie municipale d’art contemporain d’Ivry-sur-Seine, accueille actuellement « Le chien de mon fusil », une exposition monographique consacrée au travail de l’artiste Claire Maugeais.


Réaliser une œuvre, est-ce « mettre le feu au poudre » ? L’exposer au public, est-ce braquer ce dernier, le prendre en otage ?

« Le chien d’un fusil est la pièce mécanique qui sert à percuter l’amorce de la cartouche dans les armes à feu. » Le titre de l’exposition évoque dans un premier temps des jeux de mots liés à des expressions de la langue française ou convoque des images amusantes, subliminalement glissées par l’artiste dès la petite vidéo introductive qui accueille le spectateur : un chien habituellement placé sur la plage arrière des voitures, qui semble acquiescer docilement, bêtement, sans poser de question.

Mais lorsque l’on comprend que ce même titre peut également être envisagé comme une formule poétique, métaphorique, assimilable à la mise en œuvre artistique (« ce qui inspire, déclenche, mais aussi ce qui projette, envoie… »), on commence à cogiter, à percevoir les choses différemment.

A la Galerie Fernand Léger, on s’enfonce littéralement sous terre, dans un espace hors du temps : les locaux devaient, à l’origine, accueillir des salles de cinéma. L’espace n’a jamais été aménagé comme tel, et il est donc aujourd’hui constitué de trois grandes salles d’expositions légèrement pentues, espace original qui semble mettre au défi les artistes venus se l’approprier.

En accord avec un axe de réflexion fondamental du lieu, les artistes doivent également se saisir d’une seconde contrainte importante, celle de mener une réflexion sur le territoire d’Ivry. La Ville mène d’ailleurs une politique particulièrement dynamique en ce qui concerne la réalisation d’œuvres d’art dans son espace public – un patrimoine de plus de cinquante œuvres aujourd’hui !

On découvre donc dans l’exposition deux idées de projets pour l’espace public ivryen, mis au contact de nombreux autres travaux de l’artiste. De manière subtilement cynique et grinçante, Claire Maugeais interroge notamment l’espace urbain et son architecture à travers leur image, « qui devient un nouveau territoire à expérimenter ». Images manipulées, photographies dont le contraste est poussé à l’extrême, jusqu’à l’extraction de leur empreinte, peinte en noir sur des supports clairs– des serpillères et autres toiles domestiques. L’image paraît ainsi avoir été pressée jusqu’à l’obtention de sa trace la plus essentielle.

Elle est parfois encore confrontée à d’autres signes, des chiffres, que l’artiste semble avoir dépouillé de leur signification – la plupart du temps monétaire – pour les réduire, dans un premier temps, à de simples signes typographiques. Leur aspect formel dialogue ainsi avec cette architecture elle aussi réduite à l’état de forme, « dé-chargée » de sa monumentalité, de son volume, de sa fonction. Ces éléments évoquent des codes-barres, des tickets de caisse, des aspects quotidiens de la société de consommation.

Mais lorsque l’artiste décide de réinvestir ces mêmes chiffres avec une autre signification – les associer à des lettres de l’alphabet pour écrire des phrases traduisant sa pensée – on peut imaginer que l’image architecturale peut potentiellement être, elle aussi, réinvestie, « re-chargée » (comme un fusil…), avec des significations nouvelles. Ou pas.

On comprend qu’à travers ce processus, l’artiste reprend en fait un contrôle total sur ce qui est, d’ordinaire, imposé de manière ininterrompue à notre regard, jusqu’à l’abrutissement. Jusqu’à ce qu’on ne puisse plus faire qu’acquiescer, docilement, bêtement, sans poser de question, à la manière de ces chiens en plastique posés à l’arrière des voitures… En effet, dans la ville, comment échapper à ces buildings nous poursuivant et nous écrasant de leur hauteur, dans lesquels on imagine des financiers affairés, 24H/24, à compter « en milliards de milliards, de milliards » ? De quels messages plus ou moins subliminaux, mais à haute valeur capitalistes, ces architectures ont-elles été chargées, afin de les distiller insidieusement ? « La ville est un espace de propagande, continuellement lavé », écrit encore l’artiste.

Un travail radical, efficace et percutant, à consonances absurdes et festives, à découvrir jusqu’au 15 décembre à la Galerie Fernand Léger !

 


Exposition jusqu’au 15 décembre 2018

 

Galerie Fernand Léger

Galerie d’art contemporain de la ville d’Ivry-sur-Seine

93, avenue Georges Gosnat

94200 Ivry-sur-Seine

 

Ouvert du mardi au samedi de 14h à 19h


Image de couverture : Le Ciel et la terre, huit pièces, coton, peinture, métal, 8 x 55 x 172 cm, 2018.

Crédits photographiques : Galerie Fernand Léger

L’article Claire Maugeais, Le chien de mon fusil est apparu en premier sur Hey Listen.

]]>
/claire-maugeais-le-chien-de-mon-fusil/feed 0 3018
La Folie en tête – Aux racines de l’Art Brut à la Maison de Victor Hugo /la-folie-en-tete /la-folie-en-tete#respond Wed, 07 Feb 2018 23:50:34 +0000 /?p=2838 Après un premier volet consacré à la naissance de l’art spirite en 2012 avec Entrée des mediums. Spiritisme et Art de Hugo à Breton, le commissaire Gérard Audinet poursuit, avec Barbara Safarova, son exploration de « territoires situés en périphéries du champ artistique » avec La Folie en tête. Aux racines de l’Art Brut. Près de 200 œuvres […]

L’article La Folie en tête – Aux racines de l’Art Brut à la Maison de Victor Hugo est apparu en premier sur Hey Listen.

]]>
Après un premier volet consacré à la naissance de l’art spirite en 2012 avec Entrée des mediums. Spiritisme et Art de Hugo à Breton, le commissaire Gérard Audinet poursuit, avec Barbara Safarova, son exploration de « territoires situés en périphéries du champ artistique » avec La Folie en tête. Aux racines de l’Art Brut. Près de 200 œuvres ont ainsi été rassemblées à la Maison de Victor Hugo, parmi les plus anciennes et encore très peu vues en France.

Adèle Hugo fille, 1862. Photographie d’Edmond Bacot (1814-1875). Paris, Maison de Victor Hugo ©Edmond Bacot / Maisons de Victor Hugo / Roger-Viollet

L’exposition prend comme point de départ un aspect très intime de la vie de Victor Hugo : son lien douloureux avec la folie. Rarement voire jamais évoquée dans ses œuvres, celle-ci a pourtant frappé plusieurs membres de sa famille, puisque son frère Eugène ainsi que sa dernière fille, Adèle, ont tout deux été internés.

Le cas de la famille Hugo est loin d’être isolé et c’est au cours du siècle où aura vécu l’écrivain, que le regard porté sur la folie va peu à peu considérablement évoluer. Le XIXe siècle et le début du XXe sont en effet marqués par l’attention nouvelle des médecins aliénistes pour les créations de leur malade. Ce qui était alors encore parfois jugée comme une curieuse lubie se développe à peu près au même moment que la psychanalyse et qu’une prise de conscience de l’urgence d’améliorer les conditions de soin et de vie, souvent inhumaines, des personnes internées. Une pratique thérapeutique des arts se développe alors. (Si le sujet vous intéresse, Gaëlle a d’ailleurs consacré une série d’articles intitulée « L’art comme thérapie », dont je vous recommande chaudement la lecture !)

August Klett (1866-1928), «Blatt III.: Die Hahnenrepublik in der Sonne hielt einen kostümfreien Hausball», crayon, aquarelle sur papier à dessin, 1923, ©Prinzhorn Collection, University Hospital, Heidelberg

Peu à peu, les médecins accumulent de véritables collections, certains pour des raisons scientifiques, d’autres par plaisir personnel. L’exposition La Folie en tête est organisée de façon chronologique et présente quatre grandes collections européennes fondamentales, celles de pionniers de cet intérêt, alors considéré comme marginal, pour « l’art des fous » : celle du Docteur Browne, celle du Docteur Auguste Marie conservée à la Collection de l’Art Brut de Lausanne, celle de Walter Morgenthaler, ainsi que la collection Prinzhorn à Heidelberg.

La scénographie est donc organisée en fonction de ces quatre sections qui communiquent entre elles, car les cloisons ne sont jamais fermées. Ce choix d’aération de la muséographie est assez agréable compte-tenu de la densité plastique de certaines œuvres – fascinantes – très chargées en détails et bien sûr du sujet de l’exposition qui n’est pas anodin : la folie demeure à notre époque assez méconnue, voire mystérieuse, et peut être attirante autant qu’impressionnante. Pour autant, le musée a tenu à ne pas céder à une « mise en spectacle des troubles mentaux » et entend ne montrer, respectueusement, que les œuvres des malades afin de leur « rendre hommage en tant qu’artistes, comme à leurs thérapeutes ».

Broderie anonyme, Collection ABCD (art brut connaissance & diffusion) © Collection ABCD

Karl Schneeberge, « Sozialist », carton, papier, journaux, fil de fer, 1922, N° inv. 230 © Psychiatrie-Museum, Berne

La diversité des médiums employés par ces créateurs est frappante : beaucoup de dessin et de peinture, mais aussi de la broderie, du crochet, ou encore de la sculpture effectuée avec des matériaux de récupération… Une grande variété d’objets peut être employée pour satisfaire la pulsion artistique de l’individu, celle-là même qui a passionné Jean Dubuffet, « l’inventeur » de l’art brut au XXe siècle.

Le Voyageur français, sans titre,entre 1902 et 1905, peinture à l’eau sur papier à dessin, © Collection de l’Art Brut, Lausanne/photo Claude Bornand

En quittant l’exposition, il est toutefois difficile de ne pas penser que le lien établi entre ces productions et la famille de Victor Hugo peut paraître un peu léger. Il semble quelque peu servir de prétexte pour établir cette exposition en ce lieu. Les rapports entre la littérature et la folie sont tout juste évoqués avec les travaux de Charles Nodier, et peuvent être explorés sur une borne multimédia, mais le reste de l’exposition est ensuite déconnectée de la première pièce introductive.

Vous l’aurez compris, cette exposition n’en demeure pas moins extrêmement intéressante, d’autant plus qu’elle abrite de véritables trésors méconnus aux côtés de « stars » de l’art brut tels qu’Adolph Wölfli (les compositions divisées en deux univers abstraits et figuratifs de l’énigmatique Voyageur français, révélé par le Docteur Marie, ont été pour moi de merveilleuses découvertes !). D’autre part, le parti pris de lier le thème d’un musée assez touristique avec un sujet beaucoup moins séducteur, a priori, peut être générateur de connexions tout à fait enrichissantes. Le reste de la maison de Victor Hugo est en effet accessible gratuitement, et la visite du lieu de vie d’un homme établi et reconnu comme un véritable génie peut faire apparaître de nouveaux questionnements, à l’aune de sa mise en rapport avec un art qui encore aujourd’hui n’est pas toujours considéré comme tel. Le visiteur est forcé de constater la multiplicité des formes d’art, tantôt virtuoses et cultivées, tantôt littéralement plus « brutes », mais qui répondent toutes à une nécessité de création qui a, à un moment donné, traversé les êtres qui les ont produites.

 


Maison de Victor Hugo

6 place des Vosges 75004 Paris

Jusqu’au 18 mars 2018

L’article La Folie en tête – Aux racines de l’Art Brut à la Maison de Victor Hugo est apparu en premier sur Hey Listen.

]]>
/la-folie-en-tete/feed 0 2838
Clément Cogitore au BAL /clement-cogitore-au-bal /clement-cogitore-au-bal#respond Sun, 12 Nov 2017 16:05:21 +0000 /?p=2769 Dans l’exposition « Braguino ou la communauté impossible », l’artiste Clément Cogitore brouille les limites entre exposition et installation vidéo, entre documentaire et œuvre d’art, entre rêve, métaphore et réalité. Une expérience immersive, à vivre au BAL jusqu’au 23 décembre ! Clément Cogitore est un artiste qui fait actuellement beaucoup parler de lui. Principalement connu […]

L’article Clément Cogitore au BAL est apparu en premier sur Hey Listen.

]]>
Dans l’exposition « Braguino ou la communauté impossible », l’artiste Clément Cogitore brouille les limites entre exposition et installation vidéo, entre documentaire et œuvre d’art, entre rêve, métaphore et réalité. Une expérience immersive, à vivre au BAL jusqu’au 23 décembre !

Clément Cogitore est un artiste qui fait actuellement beaucoup parler de lui. Principalement connu pour son travail de vidéaste, de photographe et de réalisateur, cet ancien pensionnaire de la Villa Médicis a été lauréat de nombreux prix tels que celui du BAL de la Jeune Création en 2015 ou celui de la Fondation d’entreprise Ricard pour l’art contemporain en 2016. Son travail, présent dans de nombreuses collections publiques et privées, fait l’objet d’expositions régulières dans des lieux aussi prestigieux que le Centre Georges Pompidou ou le Palais de Tokyo. A la croisée de plusieurs médiums, son travail est souvent hybride, à l’image du projet de Braguino qui prend la forme d’un film, d’un livre, mais également d’une exposition, actuellement présentée au BAL.

© Clément Cogitore / ADAGP, Paris 2017

Autant vous prévenir tout de suite : cette expérience est déconcertante et bouscule les limites ordinairement établies. Dés le début de l’exposition, le visiteur est plongé dans la pénombre. Il se repère dans l’espace grâce à la lumière émise par de grands écrans qui projettent, en boucle, les morceaux d’un récit filmé : il faut évoluer dans les deux salles, d’écran en écran (numérotés et titrés sur les murs) pour recomposer et découvrir peu à peu le sujet de ce qui nous est raconté. Les différentes scènes dépeignent la vie du micro village de Braguino, constitué des cabanes de deux familles vivant au milieu de la taïga sibérienne, à 700 kilomètres de toute civilisation. Elles ont en commun le même ancêtre qui avait voulu fonder son foyer loin de l’agitation et des conflits de la civilisation. Quelques générations plus tard, une barrière infranchissable sépare les deux groupes, qui refusent de se parler. Les deux familles s’ignorent, se méprisent, et la peur et la tension grandissent au fur et à mesure de la progression dans l’exposition et dans le temps…

© Clément Cogitore / ADAGP, Paris 2017

La scénographie est indéniablement originale et l’immersion est réussie : la pénombre joue parfaitement son rôle de séparateur entre l’espace de l’exposition et celui de la réalité du dehors. Un détail qui a également son importance : les différentes vidéos partagent le même univers sonore. Ainsi, même dans la seconde salle où sont diffusées en même temps un important nombre de vidéos, les bandes son de celles-ci se mêlent agréablement, sans empiéter significativement les unes sur les autres.

L’artiste aime jouer sur l’ambiguïté entre réalité et fiction. Ainsi cette œuvre aux allures d’étude ethnographique d’un cas extrême d’expérience communautaire se veut également poème, « conte cruel » renvoyant métaphoriquement à notre propre société, à notre propre rapport aux autres et à « la part haïe » de nous-même. 

© Clément Cogitore / ADAGP, Paris 2017

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette confrontation, à la forme comme au fond de l’exposition, ne laisse pas indifférente et pose de nombreuses questions. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que ce projet ait intéressé le BAL, plate-forme indépendante d’exposition et d’édition fondée en 2010 par Raymond Depardon et Diane Dufour, qui se veut également initiatrice de réflexion autour de l’image contemporaine « sous toutes ses formes ». Son pôle pédagogique, la Fabrique du Regard, travaille avec des élèves issues des enseignements primaire et secondaire et a pour objectif de « former des regardeurs », d’aiguiser l’esprit critique des enfants et des adolescents face à un environnement saturé d’images plus ou moins manipulées. Ceci rejoint les questionnements sous-jacents du travail de Clément Cogitore qui, selon le BAL, « porte en lui un puissant questionnement sur la fabrication des images et la part active de leurs apparitions dans les constructions humaines ». 


Clément Cogitore, Braguino ou la communauté impossible

Du 15 septembre au 23 décembre 2017 au BAL

Mercredi 12H – 22H ; du jeudi au dimanche 12H – 19H ; Fermé le lundi et mardi

Tarifs : 6€ plein tarif ;4€ tarif réduit

L’article Clément Cogitore au BAL est apparu en premier sur Hey Listen.

]]>
/clement-cogitore-au-bal/feed 0 2769
L’Art du Pastel, de Degas à Redon /art-du-pastel /art-du-pastel#respond Mon, 02 Oct 2017 10:00:32 +0000 /?p=2687 Du 15 septembre 2017 au 8 avril 2018, le Petit Palais lève le voile sur l’un des pans les plus secrets de sa collection… Plus de 130 pastels, sélectionnés par Gaëlle Rio, la commissaire de l’exposition qui est également Conservatrice au Petit Palais, sont exceptionnellement visibles pendant 6 mois ! D’une extrême fragilité, ces pièces délicates […]

L’article L’Art du Pastel, de Degas à Redon est apparu en premier sur Hey Listen.

]]>
Du 15 septembre 2017 au 8 avril 2018, le Petit Palais lève le voile sur l’un des pans les plus secrets de sa collection… Plus de 130 pastels, sélectionnés par Gaëlle Rio, la commissaire de l’exposition qui est également Conservatrice au Petit Palais, sont exceptionnellement visibles pendant 6 mois !

D’une extrême fragilité, ces pièces délicates sont d’ordinaire conservées en réserve, à l’abri de la lumière et des vibrations causées par les transports : elles ne sont ainsi que rarement montrées et n’ont jamais été prêtées ! Dès l’introduction, nous apprenons qu’après un âge d’or atteint au XVIIIe siècle, le pastel semble être tombé en désuétude au siècle suivant. Il est alors supplanté par la peinture à l’huile et, dès lors, surtout employé pour les esquisses et les dessins préparatoires. C’est donc un véritable renouveau qui s’opère dans le dernier quart du XIXe siècle : soutenue par la critique, la technique finit par s’imposer pour elle-même. C’est cet éveil d’un nouvel intérêt pour le médium, et son rôle incontournable dans l’émergence de nouveaux sujets et de formes esthétiques modernes, que l’exposition s’emploie à démontrer, à travers un intéressant parcours chrono-thématique. Nous y rencontrons des noms aussi célèbres que ceux de Berthe Morisot, Auguste Renoir, Paul Gauguin, Mary Cassatt ou encore Edgar Degas. Du beau monde !

Elisabeth Vigée-Lebrun (1755-1842). « La Princesse Radziwill (1781-1808) ». Pastel et sanguine sur papier, vers 1800-1801. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais.

L’exposition se déploie en cinq temps : la scénographie matérialise bien le passage entre différents univers grâce aux couleurs des cloisons, qui changent à chaque étape de la visite. Le premier espace traite ainsi de la période précédent le renouveau du pastel, avec notamment le très beau portrait de la princesse Radziwill d’Elisabeth Vigée-Lebrun, qui accueille le spectateur dès son entrée. Sont ensuite traités successivement les thèmes du pastel naturaliste, impressionniste, mondain et symboliste.

Le pastel est présenté comme un matériau léger et extrêmement pratique, ne nécessitant ni préparation ni temps de séchage. Il s’agit donc d’un médium très prisé des naturalistes et impressionnistes souhaitant croquer la réalité sur le vif. Cette recherche est notamment visible dans le tableau Dans le parc, de Berthe Morisot. Comme on peut l’observer, l’artiste y saisit l’instant d’une promenade à grands traits rapides et spontanés. Ce faisant, elle abandonne la transcription fidèle du réel, au profit du rendu de ses vibrations lumineuses et mouvantes.

Berthe Morisot (1841-1895). « Dans le parc ». Pastel, vers 1874. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais

Passés maîtres dans leur art, les pastellistes excellent dans le rendu des chairs et des étoffes et sont donc sollicités pour des commandes de portraits bourgeois. Des artistes comme Pierre Carrier-Belleuse exécutent même d’audacieuses compositions, comme le nu de Sur le Sable de la dune, dont le modelé rivalise aisément avec celui que l’on pourrait contempler dans une peinture à l’huile !

Pierre Carrier-Belleuse (1851-1932). « Sur le sable de la dune ». Pastel sur toile, 1896. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais.

Le pastel a cependant une particularité, qui a très bien été explorée et développée par les artistes symbolistes. Le bâton dépose sur la toile une fine couche de poudre pouvant  être estompée pour créer des effets de « sfumato » vaporeux. Cette aura mystérieuse peut, dans certaines compositions, traduire le trouble engendré par la vision d’une figure féminine à la fois attirante et repoussante. La « femme fatale », thématique récurrente chez les symbolistes, est parfaitement illustrée dans l’exposition par le tableau Sur Champs d’or de Charles-Lucien Léandre. La muse, à l’expression malicieuse, apparaît dans une étrange pénombre malgré la luminosité d’un arrière-plan doré surréel. Ses contours sont diffus, comme dans un rêve ou dans une réalité altérée par la prise de substances psychotropes.

Charles-Lucien Léandre (1862-1930). « Sur champ d’or : Madame Lemoine, soeur de l’artiste », 1897. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais.

Un point très intéressant réside dans la mise en relation du travail de ces hommes et de ces femmes pastellistes avec celui de l’artiste contemporain Irving Petlin. Un espace, au centre de l’exposition, est dédié à l’accrochage de deux de ses pastels et à la diffusion de la vidéo de l’une de ses interviews. Une application, en version française ou anglaise, téléchargeable pour peu que l’on dispose d’un smartphone, est également disponible pour les plus curieux. En plus d’informations complémentaires sur certaines œuvres, elle permet d’accéder à deux autres vidéos sensibilisant le public au travail de la commissaire et des restaurateurs.

Odilon Redon (1840-1916). « Vieil ange ». Pastel et fusain sur papier beige collé sur papier, 1892-1895. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais.

L’exposition, dont le discours est d’un abord très accessible, permet donc de découvrir des œuvres à l’esthétique recherchée, d’une virtuosité parfois impressionnante. Rarement visibles, leurs techniques et thématiques sont de plus très variées. Franchement, foncez-y ! Il faut cependant essayer d’y aller en évitant les périodes de fréquentation élevée car les cloisons forment des espaces assez réduits, où la circulation, et surtout la contemplation des œuvres, sont rendues difficiles lorsqu’il y a trop de monde. A la sortie de l’exposition, assez brève, il est possible de poursuivre sa visite avec un second accrochage, de plus grande envergure : celui des œuvres d’Anders Zorn, artiste suédois qui n’a pas ou peu employé le pastel au cours de sa carrière mais a expérimenté d’autres médiums. Ce sont deux expositions à taille humaine, qui permettent en plus d’apprécier le magnifique écrin que constitue le Petit Palais. Si ensuite vous avez mal aux jambes, vous pouvez tout à fait revenir plus tard afin de découvrir le reste des collections permanentes : celles-ci sont en accès libre et gratuit pour tous tout au long de l’année !


L’Art du Pastel, de Degas à Redon – Petit Palais

Jusqu’au 8 avril 2018

Plein tarif : 10 euros ; Tarif réduit : 8 euros

L’article L’Art du Pastel, de Degas à Redon est apparu en premier sur Hey Listen.

]]>
/art-du-pastel/feed 0 2687