Focus – Hey Listen Blog d'actualités sur l'art. Mon, 22 Jul 2019 13:05:52 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.10 /heylisten.fr/wp-content/uploads/2018/09/cropped-logo-et-texte-hey-listen-2.png?fit=32,32 Focus – Hey Listen 32 32 94317584 Le Théâtre Kabuki au 21ème siècle /le-theatre-kabuki /le-theatre-kabuki#respond Mon, 10 Dec 2018 18:10:50 +0000 /?p=3080 Découvrez comment Yuichui Kinoshita, le metteur en scène de Kanjinchô, a su revisiter les codes théâtraux du Kabuki pour proposer une mise en scène décalée, humoristique, attachante et rythmée par la J-Pop ! ⇒ Retrouvez ici la critique du spectacle ! Petit point historique : Le théâtre Kabuki a vu le jour sous l’époque Edo (au XVIIe […]

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Découvrez comment Yuichui Kinoshita, le metteur en scène de Kanjinchô, a su revisiter les codes théâtraux du Kabuki pour proposer une mise en scène décalée, humoristique, attachante et rythmée par la J-Pop !


 Retrouvez ici la critique du spectacle !

© Umemura Yutaka

Petit point historique : Le théâtre Kabuki a vu le jour sous l’époque Edo (au XVIIe siècle). C’était à lorigine, un théâtre composé dhommes et de femmes, très prisé par les citadins japonais. Aujourdhui encore, il sagit de la forme théâtrale la plus appréciée des nippons ! Les thèmes des pièces jouées illustrent des événements historiques, ou des conflits relationnels. Les codes y sont nombreux et rigoureux : la musique, les costumes et le maquillage si particuliers sont ostentatoires. La machinerie (plateaux tournants, trappes) et les accessoires sont multiples, permettant de véritables effets spéciaux et dynamiques scéniques.

Le jeu des acteurs est remarquable et singulier. En effet, contrastant avec une musique énergique, les acteurs se meuvent lentement sur scène, jusqu’à même se figer dans une pose afin d’ancrer leur personnage.

Le metteur en scène Yuichui Kinoshita sapproprie lessence du kabuki pour mieux sen dissocier. Nous dénotons dans la relecture quil propose de Kanjinchô, une épuration du style : le décor est inexistant, les costumes sont sobres, le maquillage effacé. Une atmosphère captivante et fascinante se propage dans le théâtre.

L’évasion de Yoshitsune se matérialise, comme le veut la tradition, par une retraite lente, au ralentie. Or celle-ci est contrastée par une musique électro, un jeu de lumière et dobscurité cinglant. Véritable translation des spectateurs dans une boîte de nuit ! Voilà un nouvel adjectif pour décrire cette oeuvre : « décalée ».

Prenons un exemple. Au point culminant de la pièce, Benkei frappe, malgré lui, son maître, pour accréditer la ruse quil a mis au point. Ce dernier, ému par son sens de la dévotion, le lui pardonne. Néanmoins, le serviteur mortifié par son geste nose même plus serrer la main bienveillante de Yoshitsune. Cette scène de réconciliations est rythmée par une musique juvénile de Pop où les autres acteurs rappent. « Si un jour je me réincarne, je voudrais que ce soit en te tenant la main » signe la fin de la chanson. Ainsi une musique naïve parlant dun amour contrarié de jeunesse devient le porte-parole des difficultés relationnelles et hiérarchiques au sein de la société japonaise.

Dans la pièce traditionnelle du Kinoshita Kabuki, Togashi, le garde-frontière, laisse la troupe passer la frontière, admiratif de lingéniosité et de la dévotion du serviteur. Laccent est porté sur le trio Benkei, Yoshitsune et Togashi. Alors que dans la relecture contemporaine, nous pouvons constater un roulement de lattention sur les moines de Yoshitsune et les soldats de Togashi. Ainsi, les personnages secondaires deviennent principaux. Yuichui Kinoshita joue dune grande ingéniosité pour mettre ce nouveau groupe en évidence.

Cinq mêmes acteurs jouent à la fois les moines et les soldats ennemis. De cela découle une rythmique horizontale entre les camps : les acteurs courent dun campement à lautre pour continuer la scène. Lillusion théâtrale est rompue, les acteurs multiplient les personnalités : tantôt moine, soldat, ou acteur. Ce décentrage permet ainsi de voir les enjeux frontaliers sous un autre angle. En effet, une même scène peut être répétée plusieurs fois, afin den avoir une vision complète. Le spectateur se fait omniscient, connaissant la position des gardes-frontière et de Togashi, ainsi que celle des moines et de Yoshitsune.

Ainsi, cette oeuvre hybride, sérieuse et espiègle ma beaucoup émue. La gravité de la pièce, scandée par des touches humoristiques, nen est pas amoindrie. Kanjinchô est une oeuvre qui questionne la société, le théâtre et les relations sociales. Une grandiose pièce qui a bouleversé mon expérience théâtrale

Si vous avez eu la chance dy assister, n’hésitez pas à nous partager votre ressenti. Nous nous ferrions une immense joie de vous lire !


Image de couverture © Umemura Yutaka

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Jung, l’art et la psyché /jung-lart-et-la-psyche /jung-lart-et-la-psyche#respond Tue, 01 Aug 2017 10:47:25 +0000 /?p=2596 Si vous avez bien lu le précédent article de la série « L’art comme thérapie », vous avez compris à quel point le travail de Freud a été déterminant dans la construction de l’art-thérapie. Mais ce cher Sigmund est loin d’être le seul à s’être intéressé à la création artistique. Comme promis, c’est à un […]

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Si vous avez bien lu le précédent article de la série « L’art comme thérapie », vous avez compris à quel point le travail de Freud a été déterminant dans la construction de l’art-thérapie.

Mais ce cher Sigmund est loin d’être le seul à s’être intéressé à la création artistique. Comme promis, c’est à un contemporain de Freud que nous nous intéressons aujourd’hui. Il s’appelle Carl Gustav Jung et il a été psychiatre en clinique avant de créer sa propre discipline : la psychologie analytique. Nous n’allons pas nous attarder sur sa relation conflictuelle avec Sigmund Freud, mais il faut savoir que leurs théories et méthodes divergent sur plusieurs points, notamment à propos de l’origine des névroses et de l’organisation de l’inconscient.

La psychologie analytique développée par Jung repose sur l’idée que nos actes ne sont pas guidés uniquement par un inconscient personnel, comme le soutient Freud, mais aussi par un inconscient collectif, commun aux individus d’une même société. Dans l’inconscient collectif, on trouverait des figures (appelées « archétypes ») comme le Soleil, l’Enfant-divin, l’Ombre ou encore l’Arbre de vie. Ces figures varient d’un mythe, d’une religion ou d’une civilisation à une autre, mais ils sont toujours porteurs d’une même symbolique. L’Ombre, par exemple, correspond à la partie refoulée de nous-même, à ce que nous cachons par honte ou par peur du jugement. C’est par exemple le Mr Hyde dans l’œuvre de Stevenson, c’est aussi le cygne noir du Lac des cygnes. Mais attention, les archétypes ne se manifestent pas de la même manière chez tous les membres d’une société.
Chaque individu « assimilera » un archétype à sa manière en fonction de son inconscient personnel, c’est-à- dire en fonction de ce qu’il a vécu. Pour Jung, il ne faut pas chercher à éradiquer la névrose, mais plutôt à trouver un équilibre entre les contenus qui semblent s’opposer dans sa psyché. « Ce que le malade doit apprendre, ce n’est pas comment on se débarrasse d’une névrose mais comment on l’assume et la supporte. » Il faut donc aider le patient à prendre conscience de sa personnalité propre. Pour cela, il est nécessaire d’enclencher un processus d’« individuation », qui consiste à distinguer son individualité de la collectivité. 

Puisque l’exploration de soi-même est largement facilitée par la création artistique, l’art-thérapeute qui s’inscrit dans une démarche jungienne va accompagner le patient dans la production d’images (peinture, dessin, objet). Il va ensuite tenter d’effectuer une analyse de la création en suggérant des correspondances entre ce qui est représenté par le patient et les archétypes théorisés par Jung. Au lieu, comme Freud, d’interpréter les symboles en s’appuyant uniquement sur le vécu de la personne et son approche de la sexualité, les art-thérapeutes jungiens vont enrichir l’analyse en tenant compte des archétypes, qui relèvent de l’inconscient collectif. Cette méthode est donc moins arbitraire et plus riche de sens.

 
Dans ce cadre, la création vise à représenter les différentes facettes de la personnalité du patient en les distinguant de l’inconscient collectif. Il va en effectuer une synthèse visuelle dans le but de les accepter. Cet exercice de synthèse s’effectue en quatre étapes qui abordent les quatre archétypes principaux : la persona (l’image que nous renvoyons aux autres), l’ombre (les aspects cachés/refoulés de notre personnalité), l’anima-animus (notre rapport au sexe opposé) et le Soi (la totalité de notre être).
Chaque séance permettra l’exploration d’une figure à travers l’image et pourra être suivie ou précédée d’un dialogue. Le rôle du thérapeute va être à la fois de mettre à l’aise le patient et d’évaluer le contenu de sa production plastique. Il va notamment être attentif aux couleurs utilisées et à leur répartition dans l’espace : est-ce que ce sont les couleurs sombres ou les couleurs claires qui prennent le dessus ? Quelles peuvent être la symbolique de ces couleurs ? Il va aussi s’intéresser à l’organisation des figures sur le support : sont-elles disposées de manière harmonieuse, désordonnée ou selon un schéma binaire ? Un élément s’impose-t-il face à l’autre ? En travaillant à la fois sur les archétypes et sur les aspects uniques et individuels de l’image, il devient plus évident de construire une vision d’ensemble de la personnalité du patient. C’est à partir de ces supports visuels que va pouvoir s’opérer un changement concret sa vision de lui-même et sa manière d’appréhender les choses.
Il est difficile de se rendre compte de ce à quoi ressemble une séance d’art-thérapie d’approche jungienne, mais vous pouvez vous initier vous-même en étudiant les archétypes et en réfléchissant au sens qu’ils ont pour vous. Encore mieux, vous pouvez prendre vos crayons ou vos pinceaux et faire votre propre synthèse visuelle…

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APPROCHE PSYCHANALYTIQUE DE LA CRÉATION ARTISTIQUE /approche-psychanalytique-de-la-creation-artistique /approche-psychanalytique-de-la-creation-artistique#comments Tue, 20 Jun 2017 15:00:42 +0000 /?p=2536 Et si l’on utilisait le pouvoir des images pour révéler, comprendre et réconcilier les zones conscientes et inconscientes de la psyché humaine ? On peut comparer la vie psychique d’un individu à un grand iceberg dont la partie hors de l’eau constituerait le conscient et la partie immergée, l’inconscient. Sigmund Freud, l’initiateur de la psychanalyse, […]

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Et si l’on utilisait le pouvoir des images pour révéler, comprendre et réconcilier les zones conscientes et inconscientes de la psyché humaine ?

Crédits photo : Gaelle Hubert

On peut comparer la vie psychique d’un individu à un grand iceberg dont la partie hors de l’eau constituerait le conscient et la partie immergée, l’inconscient. Sigmund Freud, l’initiateur de la psychanalyse, a consacré sa vie à l’étude de cette partie noyée de l’iceberg. Il a découvert que ce que l’on voyait du bloc de glace depuis l’extérieur était très réduit, comparé à l’immensité de ce qu’il y avait sous l’eau et que l’on ne voyait pas. La partie noyée de l’iceberg, qui constituerait l’ensemble des éléments inconscients de la psyché, serait composée à la fois de pulsions, d’émotions, de perceptions et de croyances. Toutes ces données seraient profondément ancrées en nous et auraient le pouvoir de diriger nos pensées et nos actes au quotidien.

 

Mais si la découverte de Freud est si intéressante, c’est surtout parce qu’elle permet d’expliquer l’origine des angoisses, névroses et conflits psychiques qui peuvent nous faire souffrir. Lorsque nos désirs sont en inadéquation avec les exigences du monde réel (la morale, le regard des autres) et que nous ne pouvons les satisfaire, nous souffrons. Si nous avons conscience de ce désir et que nous nous le refusons volontairement, nous sommes voués à la frustration. Si, au contraire, le désir est inconscient, il sera refoulé immédiatement et mènera à la névrose.
Or, face à ce problème qui semble sans issue, Freud discerne une solution. Afin de libérer cette pulsion, jugée comme moralement inacceptable, il propose de la structurer pour la laisser s’épanouir par une autre voie. C’est ce que l’on appelle le principe de « sublimation ». Une pulsion « sublimée » sera simplement structurée : elle sera limitée par un cadre qui lui permettra de se libérer sans danger.
C’est ici que l’art-thérapie intervient : lors de la création d’une œuvre, le support et la matière utilisés constituent déjà un cadre sécurisé. D’une part, les libertés qu’offrent la peinture, le modelage ou le collage proposent un cadre sécurisé puisqu’elles sont toujours limitées par les possibilités des matériaux et des outils. Créer est donc une façon de s’exprimer spontanément tout en profitant d’une certaine sécurité.
D’autre part, donner forme à une pulsion permet de la clarifier, de l’identifier et de se l’approprier. Alors qu’une idée ou une émotion qui n’a pas été représentée reste floue dans l’esprit celui qui l’éprouve, cette même idée mise en forme sur un objet extérieur apparaîtra nécessairement avec plus de clarté et de distance. En la projetant dans le monde extérieur, l’individu pourra la contempler avec un autre regard et s’en détacher progressivement. Elle passera d’une forme floue et intériorisée à un forme extériorisée et indépendante.
Ce principe de sublimation s’applique aisément dans le cas où l’individu a plus ou moins conscience de son désir. Mais qu’en est-il des désirs tout à fait inconscients, ceux qui font partie de la zone immergée de l’iceberg ? La bonne nouvelle, c’est que Freud a non seulement étudié cette partie sombre de la psyché, mais aussi la manière dont on peut y accéder. S’il semble impossible de plonger directement dans les profondeurs glacées, il est possible de distinguer ce qu’il s’y cache en éclairant la zone et en en observant les reflets. En fait, l’inconscient ne se révèle pas directement, il apparaît grâce à des intermédiaires, des « formations substitutives ». Ce terme un peu barbare employé par Freud signifie l’ensemble des manifestations concrètes qui sont liées à l’inconscient. Il s’agit principalement des rêves, des symptômes, des lapsus et des actes manqués. Lorsque l’on sait interpréter les images et les symboles contenus dans ces « formations substitutives », on accède à leur sens latent, donc à l’inconscient.

De nombreux art-thérapeutes utilisent ces moyens intermédiaires pour accompagner leurs patients dans la découverte de leur psyché. Ils peuvent par exemple les encourager à représenter leurs rêves puis les aider à en analyser la représentation. Tristan Moir, spécialiste du langage du rêve explique que « l’inconscient utilise un langage qui se manifeste dans le rêve. Ce langage est construit autour des symboles. Les symboles ont fonction de support pour des pensées qui n’ont, par définition, pas de forme. Le rêve apparaît alors comme une émanation de notre inconscient. » Représenter son rêve grâce à la peinture ou au dessin aideront le patient et le thérapeute à en déceler les élément clés et à comprendre les liens qui les unissent.

Billy Shire, Collage

Chaque symbole ayant une signification plus ou moins explicite, il s’agit ensuite de savoir les rapporter à certains aspects de la vie du patient. Par exemple, une série de dessins où la poursuite est représentée à répétition est souvent révélatrice « d’une angoisse profonde, de la peur d’être rattrapé par quelque chose. On peut être poursuivis par ses souvenirs, par son passé, des choses obscures qu’on a voulu enfouir. C’est la peur de ne pas pouvoir assumer celles-ci. » Avec ces éléments et à la lumière des autres symboles qui lui sont associés, le thérapeute sera en mesure d’enquêter ce qui, dans la vie du patient, peut correspondre à l’objet angoissant. La seconde méthode issue de la psychanalyse qui est très employée en art-thérapie est l’« association libre » d’idées. Le patient est amené à produire des phrases ou des images avec spontanéité. Il doit se laisser guider par son intuition et ses ressentis sans chercher à produire une œuvre cohérente. Plutôt que de chercher le sens latent de sa création, il peut se focaliser sur ce que ces associations, souvent surréalistes, provoquent chez lui. L’art-thérapeute l’incitera mettre des mots sur ses sensations et à accentuer certains éléments qui lui semblent intéressants et qui demandent à être développés.
Il existe évidemment d’autres procédés qui permettent de mettre en lumière la partie sombre de l’iceberg, mais ces deux méthodes sont de celles qui sont le plus largement employées. Toutes les méthodes de la sorte reposent sur l’idée qu’il est plus facile de s’exprimer à travers des formes et des couleurs que sous la forme d’un discours, puisque les possibilités sont bien plus nombreuses et qu’elles répondent moins à des règles que le langage verbal. La création artistique permet donc de mettre des images sur nos émotions et nos pensées sans les réduire au vocabulaire de notre langage courant.

L’approche psychanalytique de la création artistique a énormément apporté à l’art-thérapie et de nombreux psychanalystes s’en servent comme point de départ ou comme complément à une analyse complète. Mais Freud n’est pas le seul à s’être intéressé à l’acte de création et de nouvelles théories et méthodes se sont rapidement développées. La prochaine fois, c’est à Carl Jung que nous demanderons son avis sur le sujet !

Sources :
Brun Anne, Historique de la médiation artistique dans la psychothérapie
psychanalytique, Psychologie clinique et projective, 2005/1 (n° 11).
Hamel Johanne, Labrèche Jocelyne, Art-thérapie, Larousse Poche, 2015

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L’art comme thérapie /lart-comme-therapie /lart-comme-therapie#respond Sat, 29 Apr 2017 14:00:05 +0000 /?p=2471 Les « nouvelles thérapies » ne cessent de se multiplier dans les hôpitaux et les cabinets. Et si la peinture, le théâtre ou la musique pouvaient remplacer le divan du psychanalyste ? Depuis quelques années, on voit se déployer sur les rayons des grandes libraires des rangées de livres de coloriage. Sur la couverture apparaît systématiquement ce terme […]

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Les « nouvelles thérapies » ne cessent de se multiplier dans les hôpitaux et les cabinets. Et si la peinture, le théâtre ou la musique pouvaient remplacer le divan du psychanalyste ?

Depuis quelques années, on voit se déployer sur les rayons des grandes libraires des rangées de livres de coloriage. Sur la couverture apparaît systématiquement ce terme mystérieux : « Art-thérapie », parfois suivi d’«Anti-Stress » ou de « Calme ». Que promettent réellement ces jolis motifs aux lignes arabesques ?

Ceux qui ont tenté l’expérience sont généralement d’accord pour reconnaître au coloriage des qualités relaxantes. Déjà, on trouve un certain plaisir régressif à ressortir du placard les crayons de couleurs longtemps laissés dans la poussière (ou utilisés exclusivement par les enfants du foyer). Tailler les mines arrondies, trier les crayons en suivant les couleurs de l’arc-en-ciel et enfin sélectionner la teinte idéale pour remplir les formes vides… C’est l’occasion de décompresser en s’octroyant un moment juste pour soi. C’est également une façon de réapprendre à se concentrer et à s’appliquer en s’adonnant à une seule et unique tâche.

Mais l’art-thérapie ne se limite pas aux coloriages, loin de là ! C’est en vérité une activité très réglementée, qui peut être utilisée dans le milieu hospitalier ou dans des cabinets de psychologues et psychanalystes. 

Lorsqu’il s’inscrit dans une démarche thérapeutique, le processus artistique ne vise pas à « faire du Beau » mais à permettre l’expression de soi et à améliorer le bien-être.

Initiée par Hanz Prinzhorn en 1919, la pratique thérapeutique des arts est d’abord réservée aux personnes atteintes de maladies psychiatriques lourdes comme la schizophrénie. Rapidement, la discipline s’ouvre au traitement d’autres pathologies. Aujourd’hui, elle accompagne aussi bien des personnes souffrant de troubles psychiatriques, psychologiques ou relationnels que des patients atteints de handicap ou de maladies somatiques. Les art-thérapeutes peuvent également intervenir dans des milieux « fragiles » comme des prisons, des centres de réinsertion ou des camps de réfugiés. Et de plus en plus, les ouvrages de développement personnel s’intéressent eux aussi à l’art-thérapie et aux techniques de créativité.

Comment expliquer que l’art puisse soigner ?

Pourquoi ne pas s’en tenir à une thérapie plus classique avec un psychologue, un psychiatre ou un psychanalyste ? Pour répondre à ces questions, il faut d’abord comprendre ce qu’implique le processus de création. Lorsqu’un artiste produit une œuvre, il emploie une certaine forme de langage qui dépasse notre vocabulaire du quotidien. Ce langage lui permet de s’exprimer et de communiquer sans être limité par les mots. En art-thérapie, il est intéressant d’analyser à la fois le processus de création d’un patient et le résultat de son travail. En effet, la manière dont un individu peint, sculpte ou danse peut en dire beaucoup sur sa manière de penser et de voir le monde. Et enfin, lorsque l’on observe l’œuvre finie, on se rend compte que l’inconscient du créateur y est révélé par des images ou des symboles.

La discipline de l’art-thérapie recouvre non seulement les arts plastiques mais aussi l’écriture, le théâtre, la musique et la danse.

Au sein même des arts plastiques, il existe de nombreux médiums qui peuvent être utilisés selon les besoins du patient. Les art-thérapeutes ont souvent recours au dessin et à la peinture, qui permettent la création d’images figurées ou abstraites, en noir et blanc ou en couleurs. Les crayons peuvent être plus ou moins gras, la peinture plus ou moins fluide… Il est important de choisir des outils adaptés pour mettre le patient en confiance et lui permettre de créer sans se préoccuper de l’aspect technique. Il est également intéressant d’utiliser le modelage, c’est-à-dire la sculpture sur une matière malléable. En effet, cette technique octroie le droit à l’erreur et la sculpture peut être retouchée à tout moment. Le contact direct avec la matière peut procurer beaucoup de bien-être chez les patients. Le modelage permet surtout de représenter un objet, une situation ou un personnage en trois dimensions et ensuite de s’y confronter.

Crédits : Gaëlle Hubert

Toutefois, produire une œuvre à partir d’une feuille blanche ou d’un bloc d’argile demande du courage, de la confiance et une capacité à lâcher prise, ce qui peut poser problème dans le cas de certaines pathologies. Ceux qui auront du mal à créer à partir de rien se tourneront plus facilement vers le collage ou le jeu de sable, qui offrent déjà une matière à travailler. Dans le collage, les patients sont amenés à assembler des images ou objets récupérés pour créer leurs propres compositions. Dans le jeu de sable, l’art-thérapeute met à disposition un grand nombre d’objets et figurines que le patient disposera dans le sable à sa guise. Il peut ainsi reconstituer ou symboliser des situations qui sont à l’origine d’une souffrance psychologique ou d’une crise relationnelle. Comme avec le modelage, il se trouve confronté à la tridimensionnalité et peut prendre de la distance avec l’objet représenté. Par exemple, dans le cas de phobies ou d’angoisses liées à un événement traumatique, le patient pourra reconstituer la scène et comprendre ce qui l’a marqué ou choqué.

L’écriture peut aussi être une excellente méthode d’expression de soi et de résolution de conflits. Les patients peuvent pratiquer l’écriture spontanée, mais aussi le dialogue écrit ou la poésie. Pour éviter l’angoisse de la page blanche, il est possible de prendre pour support une image existante et d’écrire ce qu’elle inspire au patient. Les artistes surréalistes avaient bien compris à quel point  l’écriture spontanée pouvait éclairer l’inconscient en donnant naissance à des images pleines de symboles.

L’art-thérapie comprend également la pratique du théâtre et des marionnettes, appelée « drama-thérapie ». Cette méthode permet de revivre certains événements conflictuels ou traumatiques et de les analyser en s’en faisant spectateur. Elle permet aussi de se projeter dans le changement et dans l’amélioration d’une situation. Les drama-thérapeutes proposent souvent des exercices de théâtre aux personnes qui ont du mal à communiquer ou qui présentent des troubles relationnels. Ils interviennent parfois dans des entreprises pour favoriser la cohésion et l’entente entre les employés.

Crédits : Association des art-thérapeutes du Québec

La musique est aussi reconnue comme étant d’une grande aide lors des thérapies. Elle peut servir de toile de fond lors de la création ou être pratiquée par les patients eux-mêmes. Elle est souvent utilisée lors des séances en groupe pour créer un support commun. Les musiques choisies par le musicothérapeute ne doivent pas être trop envahissantes pour ne pas monopoliser l’attention du groupe, mais elles doivent être suffisamment riches pour susciter l’imagination et l’inspiration. Une autre méthode consiste à faire jouer le groupe à partir d’une œuvre visuelle. Ils doivent se laisser porter par ce que leur inspire la peinture ou la sculpture présentée. La musique contribue au bien-être général : elle peut réduire les symptômes liés à la dépression et peut soulager la douleur des patients dans les cas de maladies somatiques.

La musicothérapie peut être associée à l’expression corporelle dans les ateliers de danse-thérapie. Mettre son corps en mouvement, seul ou avec un partenaire, peut sembler difficile pour ceux qui n’en n’ont pas l’habitude. Mais une fois que la confiance est installée et que les patients osent se lancer, les bénéfices sont quasiment immédiats. La danse leur apprend à écouter leur corps, leurs besoins et leurs désirs. C’est une manière de vivre pleinement l’instant présent et de s’approprier l’espace. C’est aussi une façon de se libérer des émotions négatives et de retrouver un sentiment d’harmonie. La danse-thérapie est particulièrement proposée aux personnes souffrant d’anxiété, d’addictions et de troubles du comportement alimentaire. Elle est aussi recommandée aux personnes atteintes de la maladie de Parkinson.

Crédits : European Association of Dance and Movement Therapy

Les nombreuses pratiques artistiques que nous venons de citer peuvent être utilisées simultanément au cours d’une thérapie, mais également couplées lors d’une même séance. C’est ce que l’on appelle les « approches mixtes ». Les plus connues d’entre elles sont l’association arts visuels/théâtre et danse/musique. Mais de nombreux thérapeutes explorent d’autres approches et continuent de chercher les méthodes les plus complètes.

 

Il y a encore beaucoup à dire sur l’art-thérapie. Si vous voulez comprendre comment fonctionnent les différentes approches de l’art-thérapie, rendez-vous au prochain épisode ! On vous parlera de Freud et de Jung, mais aussi de phénoménologie et de gestalt-thérapie 😉

 

Source : Johanne Hamel et Jocelyne Labrèche, Art-thérapie, Larousse Poche, 2015

Top image, crédits : Gaëlle Hubert

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Quand les européens modernes s’emparent de l’art asiatique #2 /quand-les-europeens-modernes-semparent-de-lart-asiatique-2 /quand-les-europeens-modernes-semparent-de-lart-asiatique-2#respond Tue, 21 Feb 2017 22:32:02 +0000 /?p=2232 Pour ce deuxième opus des chinoiseries, nous allons nous intéresser à la tromperie et l’artifice. Le but des chinoiseries n’est pas de copier l’art chinois, mais bien de l’imiter afin de tromper le public. Ce dernier, n’avait à l’époque qu’une connaissance partielle de l’Asie, provenant essentiellement des récits de voyages auxquels il avait accès. Les […]

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Pour ce deuxième opus des chinoiseries, nous allons nous intéresser à la tromperie et l’artifice.


Le but des chinoiseries n’est pas de copier l’art chinois, mais bien de l’imiter afin de tromper le public. Ce dernier, n’avait à l’époque qu’une connaissance partielle de l’Asie, provenant essentiellement des récits de voyages auxquels il avait accès. Les spectateurs et les auditeurs étaient par conséquent facilement crédules, mais il ne faut pas pour autant se méprendre sur la naïveté de ces derniers. En effet, ils étaient tout de même conscients de cet artifice et se complaisaient à participer à cette supercherie. C’est par le public et sa croyance en la véracité des oeuvres qu’il voyait, que celles-ci pouvaient prétendre à une certaine légitimité en tant que création artistique donnant l’illusion d’une composition orientale. La curiosité que suscitait l’inconnu fut dès lors une alternative intéressante aux sujets traditionnels de l’art occidental.

François Boucher, Le Jardin Chinois, 1742

Il est clair que lorsqu’on observe Le Jardin Chinois de François Boucher datant de 1742, il ne représente pas une scène tirée du quotidien asiatique. Il introduit des femmes occidentales dans une atmosphère orientale, permettant au regardeur de s’identifier aux personnages. De plus, les femmes ont certes une physionomie occidentale mais les hommes, quand à eux, sont représentés avec des traits asiatiques. François Boucher lui même n’est jamais allé en Asie, il ne connaît cette culture que par ses lectures et sa collection personnelle d’objets asiatiques. Sa perception du sujet est par conséquent fantaisiste. L’artiste crée une Chine idéale, telle que l’opinion publique du XVIIIème pouvait l’imaginer. Il s’agissait aussi de ne pas décevoir le public fantasmant sur cette idyllique civilisation. L’artiste ruse, afin de toucher plus particulièrement ses spectateurs, en transposant cette scène aux artifices chinois dans le contexte d’une pastorale qui est l’un des thèmes prédominant et largement apprécié dans l’art du XVIIIème siècle. Celui-ci fait référence à un idéal antique perdu, à une mélancolie d’un temps révolu ou d’un âge d’or, le tout dans un contexte bucolique. Ce tableau peut donc être perçu comme une pastorale orientale.
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Cette fois, l’imaginaire n’est pas sollicité par le temps mais par l’espace. En réalité, cette composition dépasse le traitement du sujet. Boucher évoque l’utopie liée à l’inconnu – la Chine – qui, pour l’Homme du XVIIIème siècle, évoque autant de mystères que l’Antiquité. Il n’en connait que très peu, seulement ce que qu’il lui a été permis de connaître grâce aux écrits et à l’art. Les hommes des Lumières fantasmaient autant sur les mystères des politiques orientales que sur l’idéal sociétal de la Grèce antique où un système monarchique n’avait pas lieu d’être. L’autre nom du Jardin Chinois est La Toilette, pour cette raison, ce tableau s’inscrit d’autant plus dans le contexte des tableaux « rococos ».

François Boucher, La Toilette, 1742

Egalement en 1742, Boucher réalise une composition typiquement galante exposant la toilette d’une

François Boucher, Le Déjeuner, 1739

jeune femme aidée de sa servante et le paravent à l’arrière fait écho au goût pour l’exotisme dans le mobilier au XVIIIème siècle. Afin de souligner cet engouement pour la décoration aux allures asiatiques, il est possible de faire référence à une autre création de l’artiste, Le Déjeuner qui date de 1739, et qui représente une scène de genre plongeant le spectateur dans le quotidien d’une famille, évoluant au coeur d’un espace décoré avec les goûts de l’époque. À l’extrémité gauche de la composition, sur une console rocaille de style Louis XV, repose une coupe couverte en porcelaine de Chine transformée en France en un pot pourri avec une monture bronze doré. Une fois de plus, il est possible de remarquer le détournement et l’appropriation d’un objet asiatique afin qu’il réponde plus justement aux attentes esthétiques du public. Enfin, un autre élément exotique est remarquable : une figurine pouvant représenter un Bouddha sur l’étagère près du miroir à l’arrière de la scène.

Les chinoiseries sont à l’art chinois ce que le « rococo » est à l’art baroque, le même procédé de démocratisation de l’art est opéré. Il s’agit de simplifier un art complexe, l’un étant destiné à un public aux moeurs étrangères et l’autre à un public particulièrement instruit et cultivé.

Ce type de supercherie artistique est présente dans toutes les formes d’art, notamment la musique. En 1730, le quatrième – et dernier – livre de pièces de Clavecin de François Couperin, témoigne de ces jeux mélodiques fréquemment utilisés dans les travaux musicaux du mouvement baroque au cours de la première moitié XVIIIème siècle.
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Dans le « mini-ballet » Les Chinois de François Couperin, le musicien use lui aussi de la supercherie artistique. Il ne fait en effet que simuler une mélodie aux résonances asiatiques. Le clavecin est un instrument strictement européen et Couperin se plait à créer un art imagé afin de créer une incarnation sonore de l’admiration pour l’exotisme. La musique traditionnelle assimilée à une culture devient alors une source d’inspiration pour les artistes. Cette connaissance de sonorités asiatiques est significative des relations qui étaient celles de la France avec la Chine, Couperin n’était pas un ethno-musicologue, il n’avait certainement jamais entendu de musique chinoise, tout comme ses contemporains. Cette pièce est issue du 27e ordre du livre, la suite musicale étant organisée, elle est par conséquent cohérente.
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La pièce qui précède Les Chinois, est intitulée Les Pavots. En Europe, cette fleur est caractéristique de l’Asie et de la production chinoise d’opium. Les occidentaux perçoivent donc cette plante comme symbole de perte de conscience, d’évasion psychologique, mais aussi la sensation que l’art, aussi bien pictural que musical, devait produire. Le fait de créer une musique « orientalisée » peut s’expliquer par deux hypothèses : soit par un manque de connaissances en ce qui concerne la musique strictement chinoise, ou justement, par une parfaite connaissance des goûts des « oreilles » du XVIIIème siècle qui étaient alors avides de dépaysement mais qui n’appréciaient pas nécessairement une musique qui leur était trop peu familière.
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La musique tient une place primordiale dans les salons littéraires du XVIIIème siècle, lieu de prédilection des savants ayant la volonté de transmettre leurs opinions. Il s’agissait d’un prétexte social pour que les écrivains fassent connaitre leurs travaux. Cela est aussi applicable aux compositions musicales qui rythmaient ces rencontres philosophiques.

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Le Doryphore de Polyclète, un idéal moral /le-doryphore-de-polyclete-un-ideal-moral /le-doryphore-de-polyclete-un-ideal-moral#respond Sun, 12 Feb 2017 18:16:32 +0000 /?p=2176 Polyclète, artiste grecque de la période dite « classique » (Vème siècle avant J.-C.), théorise l’idéal physique dans sa représentation plastique. Le Doryphore est la consécration de ses recherches anatomiques et ses mesures restèrent célèbres et eurent une influence non négligeable sur l’ensemble de l’histoire de l’art. Selon l’artiste, les proportions physiques parfaites subdivisent le […]

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Polyclète, artiste grecque de la période dite « classique » (Vème siècle avant J.-C.), théorise l’idéal physique dans sa représentation plastique. Le Doryphore est la consécration de ses recherches anatomiques et ses mesures restèrent célèbres et eurent une influence non négligeable sur l’ensemble de l’histoire de l’art.

Selon l’artiste, les proportions physiques parfaites subdivisent le corps en sept parties dont chacune ferait la taille de la tête. Beaucoup réutilisées par la suite, ces proportions auront une évolution avec une élongation du corps à huit têtes au lieu de sept, mais il est encore admis aujourd’hui qu’une représentation réaliste du corps comprend sept têtes.

Mais derrière cette ambiance stylistique de beauté idéale, il est possible de déceler un intérêt moral marquant. En effet, le nu héroïque est un thème particulier car à l’Antiquité, les vêtements étaient perçus comme des entraves à l’action. Le corps nu, bien qu’il expose le héros à la blessure, révèle le courage. Il faut prendre en compte le fait que la vertu soit primordiale pour la société grecque classique.

Pour les Grecs, et ce depuis la période archaïque, le corps idéal est celui du soldat, symbole de la virilité accomplie et de la fonction sociale la plus noble, comme peut l’être de le Doryphore, porteur de lance. Pour ce fait, les artistes sont à la recherche d’une forme d’eidos, c’est à dire d’une sorte d’idéalisme esthétique, de l’essence intelligible, d’un beau de référence, d’une forme unique de ce dernier. Avec cette oeuvre, Polyclète arrive au paroxysme de cette recherche du corps à la beauté harmonieuse et équilibrée, à l’eidos tant prisé par les artistes et les philosophes.

Dans le contexte du siècle de Périclès, le travail de la physionomie est un prétexte à la diffusion d’un message moral, celui d’une justesse d’esprit. Cette volonté est notamment remarquable dans la formule grecque Kalos Kagatos « beau et bon ». Dès lors ces deux qualités semblent indissociables, l’une étant causée par l’autre. Ceci renvoie à un travail complet de réalisation de soi, combinant l’âme et le corps. Par conséquent un bon développement physique était synonyme d’excellence morale. Il s’agit dès lors de créer une harmonie complète de l’homme. À travers son travail plastique, Polyclète était justement à la recherche de cette perfection et le corps n’en est que la matérialisation. La beauté physique du Doryphore illustre ses qualités, le nu est donc l’occasion d’une célébration héroïque. Ce modèle permet l’incarnation d’une beauté irréaliste qui ne peut être permise que par la création artistique.

Autre aspect révélateur qui est permis par ce type d’oeuvre : le refus de l’individualisation. En effet, le Doryphore ne fait pas référence à une personne existante. Ce type d’oeuvre, au même titre que les kouroï, est l’occasion de penser la forme corporelle en faisant abstraction des questions de ressemblance. Elle ne représente ni des êtres humains ni des dieux en particulier. Cela n’enlevant rien aux réelles tentatives de naturalisme qui sont remarquables depuis la période archaïque.

La Palestre Samnite de Pompéi

Le contexte de la redécouverte d’une copie du Doryphore témoigne d’une continuité dans la conception de l’oeuvre. En effet, l’une d’elles, datant du Ier siècle après J.-C., fut trouvée en 1797 dans la palestre Samnite de Pompéi. Cette copie à l’époque augustéenne faisait parti du décor urbain. Une palestre est un lieu d’éducation physique et intellectuelle pour les jeunes citoyens romains, il s’agissait donc d’un modèle à suivre pour les jeunes aristocrates, car cela était l’image d’un idéal physique à laquelle devait correspondre une perfection intellectuelle. Il est possible de mettre en relation la tradition du kalos kagatos grecque, avec une citation du dixième des seize Satires de Juvénal « Mens sana in corpore sano » : un esprit sain dans un corps sain. Cette dernière montre la pérennité du message délivré par l’oeuvre, ainsi que la volonté du jeune empire romain de s’établir sur les bases solides misent en place par la culture grecque, comme une sorte de légitimation de la nouvelle Rome, héritière et conquérante. En effet, les originaux étaient au début de l’empire, lors des conquêtes hellénistiques, des butins de guerre. Leur présence à Rome était le témoignage d’une victoire physique et morale sur la civilisation grecque. Cette affirmation politique est donc permise par l’art, notamment par une oeuvre aussi symbolique que celle de Polyclète, qui incarne toutes les plus grandes recherches antiques à propos de la représentation du corps. Les idéaux romains sont certes différents de ceux des grecs, mais parvenir à créer une unité entre ces deux civilisations est primordiale.

Auguste dit de Prima Porta, 2,06m; Rome, musée du Vatican

Ces différences sont notamment remarquables dans l’art en lieu même. En effet, les romains refusent cette interdiction de l’individualisation et usent politiquement de ce type de représentation. Ceci est notamment remarquable avec l’oeuvre augustéenne représentant le premier empereur, la Prima Porta, certes une oeuvre idéalisée mais qui représente un homme connu. Il est possible d’en faire un parallèle avec le Doryphore. Cette oeuvre serait inspirée de la sculpture de Polyclète, notamment en ce qui concerne les dimensions, la position et les proportions. Grâce à cela le premier empereur romain se trouve mystifié.

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Quand les européens modernes s’emparent de l’art asiatique #1 /quand-les-europeens-modernes-semparent-de-lart-asiatique-1 /quand-les-europeens-modernes-semparent-de-lart-asiatique-1#respond Mon, 30 Jan 2017 14:41:55 +0000 /?p=2094 Quand la Chine devient une source d’imaginaire mais aussi d’inquiétude pour les européens modernes…  Bien que les européens n’aient pas attendu les temps modernes pour avoir connaissance de l’existence de l’Asie, des expéditions menées au début du XVIème siècle permirent de « redécouvrir » la Chine. Dès lors, les récits de voyages se multiplièrent et […]

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Quand la Chine devient une source d’imaginaire mais aussi d’inquiétude pour les européens modernes… 

Bien que les européens n’aient pas attendu les temps modernes pour avoir connaissance de l’existence de l’Asie, des expéditions menées au début du XVIème siècle permirent de « redécouvrir » la Chine. Dès lors, les récits de voyages se multiplièrent et les échanges commerciaux avec l’Extrême-Orient prirent de l’ampleur. L’exportation de denrées asiatiques telles que les céramiques, la soie ou le thé contribua à susciter l’imagination et la curiosité des européens.

Afin de répondre aux attentes d’un public friand d’exotisme, les artistes entreprirent des créations donnant l’illusion d’un art oriental. Plus particulièrement, durant la première partie du XVIIIème siècle, le goût pour les chinoiseries fut prédominant dans les arts. Ces dernières seront la matérialisation d’un engouement intellectuel très marqué durant cette époque. On observera une véritable rupture avec le XVIIème siècle où les sujets seront majoritairement tirés de l’antique. L’orient fascine, il est perçu comme un monde de fantaisies, un monde idéal dénué des vices connus en Europe.

François Boucher, « Le jardin chinois » présenté au salon de 1742, qui fut conçu en collaboration avec la manufacture de Beauvais et sera décliné en une tapisserie.

Au XVIIIème siècle, les Hommes s’émancipent de cette conception égocentrique du monde. Cependant, cela engendre une inquiétude, notamment due à la conscience de l’existence d’autres civilisations développées. Le rôle de l’art est par conséquent de sublimer cette crainte et de lui conférer un statut idyllique. Les chinoiseries stimulent l’imagination des spectateurs mais aussi celle des artistes, qui peuvent s’affranchir de la rigueur des sujets antiques ou religieux. L’inexactitude des connaissances à propos de l’Asie permet de l’idéaliser et par conséquent de laisser libre cour aux interprétations oniriques des artistes. Tout le génie des artistes réside dans leur capacité à rendre fabuleux et idéal un sujet troublant et presque effrayant.

La Chine est donc perçue comme une contrée dépourvue des vices ravageant l’Europe, qui ne fut pas encore pervertie par l’homme. Plus encore, les artisans sont eux aussi fascinés par la civilisation chinoise. Notamment depuis plusieurs siècles, ceux-ci tentaient d’égaler la technique de la céramique chinoise.

© marc deville
Détail du panneau de boiserie avec la dame encensée par deux singes.
Il s’agit probablement d’un pastiche de la scène d’adoration de la déesse Ki Mao Sao peinte par Watteau et gravée par Aubert en 1729. On peut y voir aussi l’allégorie d’un des cinq sens : l’Odorat.

Ce n’est qu’en 1710 à Saxe, que la technique de la « porcelaine tendre », qui n’en n’est qu’un substitut, fut découverte. La porcelaine japonaise Kakiémon eut notamment un vif succès au cours du siècle. Les manufactures de Chantilly et de Meissen entreprirent une production de copies de ce style de porcelaine. Les motifs représentés restent exotiques, mais les formes utilisées sont occidentales. Cela permet aux artisans de répondre au charme esthétique que suggère la culture chinoise. Les mystères des civilisations asiatiques et de leurs pratiques touchèrent particulièrement les mentalités européennes. Un fort intérêt se développa notamment pour les denrées importées d’Asie, telles que le thé, dans la société européenne dès le XVIIème siècle. En ce qui concerne le thé, dont les biens-faits médicaux furent connus déjà au cours du grand siècle et particulièrement ventés par le Cardinal Mazarin qui l’utilisait pour soigner sa goutte, il fut très apprécié durant le XVIIIème siècle. En effet, c’est à cette époque, lorsque le coût de cette denrée diminua que l’Angleterre en fit sa boisson nationale. Tout cela contribua à convertir une peur de l’inconnu en une véritable admiration. Le premier artiste français ayant fait ressentir ce développement du goût européen pour l’exotisme fut Antoine Watteau. En 1715-1716, il se vit confié une partie de la décoration du château de la Muette, où il entreprit une ornementation orientaliste. En cela, il peut être considéré comme un précurseur de l’intérêt pour les chinoiseries. Cependant ce décor fut détruit, et seules des gravures en furent conservées.

 

François Boucher, Scène de la vie chinoise, gravé par Gabriel Huquier, Paris, 174.

L’artiste du XVIIIe qui parvient le mieux à « dompter » l’art des chinoiseries fut François Boucher. Les frères Goncourt dirent à son sujet qu’il « fit de la Chine une province du rococo ». Cet artiste suscita un véritable intérêt pour ce monde encore peu connu, et usa de cette connaissance approximative pour illustrer sa conception personnelle de la vie quotidienne des chinois du XVIIIème. La phrase des Goncourt est tout à fait représentative de la survivance du narcissisme européen, notamment dut à la longue période où ce peuple n’avait pas connaissance d’un monde extérieur au leur. Cet intérêt pour l’inconnu n’est pas spécifique à l’extrême orient. En effet, il conviendra de souligner la vive curiosité que suscite les Amériques. Rameau en fut un important démonstrateur avec l’opéra-ballet Les Indes Galantes publié en 1735, bien que les Indes auxquels il fait référence sont très approximatives, car elles englobent le Pérou, la Perse, la Turquie et l’Amérique du Nord.

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Les mondes poétiques d’Hans Op de Beeck /les-mondes-poetiques-dhans-op-de-beeck /les-mondes-poetiques-dhans-op-de-beeck#respond Fri, 13 Jan 2017 15:35:50 +0000 /?p=2046 Pour pénétrer dans la pièce, il faut tirer un lourd rideau noir. Une manière de s’isoler de l’agitation extérieure pour mieux s’immerger dans un nouvel univers. Un manège, une caravane. Une lumière bleue froide côtoie la chaleur d’un feu de camp. On aimerait s’approcher, faire quelques pas dans la neige et regarder par la fenêtre […]

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Pour pénétrer dans la pièce, il faut tirer un lourd rideau noir. Une manière de s’isoler de l’agitation extérieure pour mieux s’immerger dans un nouvel univers.

Un manège, une caravane. Une lumière bleue froide côtoie la chaleur d’un feu de camp. On aimerait s’approcher, faire quelques pas dans la neige et regarder par la fenêtre de la maison ambulante. Mais nous ne pouvons que contempler la scène et nous laisser imprégner de l’ambiance qui s’en dégage.

Caravan, création 2016. Installation sculpturale. Photo : Marc Domage

C’est l’artiste belge Hans Op de Beeck qui est à l’origine de cette installation, présentée il y a peu de temps au Cent Quatre à Paris. Depuis dix ans, ses créations poussent comme des champignons aux quatre coins du globe. La pluridisciplinarité de son travail est frappante. Avec la sculpture, le dessin, la vidéo ou le théâtre, Hans Op de Beeck produit des images oniriques et des univers mystérieux. Pourtant, ses œuvres semblent extraites du quotidien. Un quotidien figé dans le temps et ancré dans un espace indéfini.

Les créations d’Hans Op de Beeck, particulièrement ses installations, sont des expériences totales pour les visiteurs. Elles offrent une immersion unique dans un espace scénographique étudié. Pour nous plonger dans son univers, l’artiste combine ses savoirs-faire : il associe à ses installations un fond sonore, il soigne la lumière à la manière d’un scénographe et il manie l’art de la miniature, de l’animation et de la vidéo. Surtout, il ne pose aucune limite à ses idées et n’hésite pas à s’approprier des espaces de grande dimension. C’est ainsi qu’en octobre 2016, il investit l’intérieur d’une église gothique pour installer son Garden of Whispers, littéralement « jardin des murmures ».

The Garden of Whispers, Sculptural Installation, 2016. Mixed Media, Sound, Light, 12 × 50 m

A propos de ses œuvres, l’artiste aime parler de « propositions ». Il laisse au spectateur une grande liberté de réception et de compréhension. Chacun est libre de rester dans la salle aussi longtemps qu’il le souhaite pour faire travailler son imagination, inventer activement des histoires ou, au contraire, contempler la scène dans un silence méditatif. C’est aussi à chacun d’accueillir et d’interpréter comme il le souhaite les images et les espaces qu’il découvre. S’agit-il d’un univers parallèle, d’une utopie ou d’une réalité sublimée ?

Paysages urbains, marins ou champêtres, visages souriants ou mélancoliques… Ces images du quotidien qui peuplent ses œuvres évoquent à chacun des ambiances vécues, des souvenirs. L’artiste constitue un album photo collectif, animé ou figé dans la matière. Il crée une mémoire partagée imprégnée d’une forte nostalgie. Il parvient à reconstruire la poésie que l’on vit au quotidien mais que l’on ne parvient pas à saisir. Comme les lumières nocturnes de cette autoroute, le souvenir flou d’un feu d’artifice ou les livres alignés d’une bibliothèque familiale.

Location (5), Sculptural Installation, 2004. Mixed media, Sound, 12 × 24 × 4.20 m

Les œuvres d’Hans Op de Beeck inspirent le calme, le bien-être. On en sort avec le corps flottant et la tête emplie de poésie. Pourtant, de ces scènes se dégagent une certaine tristesse, une douce mélancolie. On ne sait dire si elles sont habitées par la vie, la lumière, ou si au contraire elles respirent l’absence. Y-a-t-il des familles dans ces maisons flottantes ? Qui est venu mettre en désordre ce salon statufié ? Où sont passés les invités qui ont commencé ce repas ?

The Lounge, Sculptural Installation, 2014. Synthetic Gypsum, Epoxy

Ce qui rend unique le travail d’Hans Op de Beeck, c’est que le caractère tragi-comique de ses œuvres n’inspire pas le cynisme mais l’espoir, l’optimisme. Elles semblent nous inciter à nous émerveiller devant le quotidien et à chercher dans toute chose de la beauté et de la poésie.

Site : http://www.hansopdebeeck.com

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Le tricot : symboliques de son utilisation dans l’art contemporain /le-tricot-symboliques-de-son-utilisation-dans-lart-contemporain /le-tricot-symboliques-de-son-utilisation-dans-lart-contemporain#comments Fri, 25 Nov 2016 15:39:35 +0000 /?p=1980 Aujourd’hui, il est presque aussi tendance de se mettre à la « tricothérapie » qu’à la gym suédoise ou qu’à l’aquabiking. Et si les artistes étaient à l’origine de ce renouveau du tricot ? Bien avant son introduction dans la création artistique contemporaine, le tricot est une activité manuelle de longue tradition. Classée dans les arts populaires, cette […]

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Aujourd’hui, il est presque aussi tendance de se mettre à la « tricothérapie » qu’à la gym suédoise ou qu’à l’aquabiking. Et si les artistes étaient à l’origine de ce renouveau du tricot ?

Bien avant son introduction dans la création artistique contemporaine, le tricot est une activité manuelle de longue tradition. Classée dans les arts populaires, cette pratique largement répandue pendant des siècles a d’abord répondu à un besoin de se vêtir, de se réchauffer et d’habiller un intérieur. La laine est un matériau simple et économique que l’on peut remployer aisément dans un processus de création, déstructuration, restructuration. Si les objets tricotés attirent autant aujourd’hui, c’est que leur simplicité brute marque une opposition face aux matériaux industriels ou aux images virtuelles dont notre environnement est saturé.

Aurélie Mathigot, Cinderella, 2008.

Aurélie Mathigot, Cinderella, 2008.

Le terme de « largement répandue » reste à nuancer puisque l’on sait que le tricot a été et reste encore une pratique typiquement féminine. Celle-ci renvoie à quelque chose de maternel, à un univers d’amour et de protection. Elle évoque en conséquent la sédentarité qui a caractérisée la vie des femmes au foyer pendant des siècles. Confinées dans un environnement qui ne dépassait pas les murs de leur logis, ou au mieux les frontières de leur ville, les femmes étaient vouées à occupées leurs journées par des passes-temps comme celui-ci. Pour les enfants qui ont grandi avec cette manière de concevoir le quotidien d’une femme, le tricot les renvoie au cercle familial et à une certaine nostalgie.

Même s’il est tout à fait concevable de tricoter en solitaire, les adeptes de ce loisir (puisque de nos jours, il n’est plus question de besoin), ont tendance à se regrouper pour le pratiquer. Il suggère donc une idée de partage et de convivialité. On tricote en même temps qu’on parle, on tisse une conversation au rythme des aiguilles. Olga Boldyreff a bien compris l’universalité de cette occupation, qu’on retrouve dans presque toutes les cultures : « C’est un objet qui met en joie et entraîne une complicité immédiate avec les gens, hommes et femmes, de quelque origine qu’ils soient. » Il semblait donc naturel aux artistes d’inviter le tricot dans la rue, de le faire sortir des foyers pour créer du lien entre les passants et investir l’espace public qu’ils côtoient au quotidien.

Si la laine, par sa douceur et sa chaleur, apporte du réconfort, elle a aussi une connotation ludique et juvénile. Les premières images qui nous viennent à l’esprit sont souvent celles, vues dans les dessins animés, du chat désobéissant qui joue avec une pelote ou un pompon. Ces représentations tirées du monde de l’enfance renvoient à un imaginaire ludique et créatif. En effet, le tricot peut être employé pour fabriquer peluches, poupées et monstres, pour donner corps aux fantasmes de l’enfant.

Les artistes utilisent ce caractère à la fois innocent et moqueur de l’objet tricoté pour venir ridiculiser un monument, une image. Ainsi, ils dédramatisent des sujets sérieux ou sensibles comme peuvent le faire les enfants sans même s’en rendre compte.

Ishknits, statue de Frank Rizzo à Philadelphia, 2012. Photo : Conrad Benner (Streetsdept.com)

Ishknits, statue de Frank Rizzo à Philadelphia, 2012. Photo : Conrad Benner (Streetsdept.com)

Au-delà de ces différente symboliques, on peut attribuer au tricot une signification bien plus profonde. A l’heure où tout va vite, où le temps est précieux et compté, une simple pièce réalisée à la main est une métaphore du temps écoulé. L’artiste Knitorious Meg le dit : « Le temps passé à tricoter ou crocheter témoigne d’une réelle intention et d’un véritable engagement envers la pièce réalisée ». Dans cet engagement, on peut voir à la fois l’amour, l’attente et la quête d’un accomplissement. Puisqu’un ouvrage en tricot est quelque chose en construction dont la finalité nous est inconnue, il reste jusqu’au bout un objet indéterminé. La création, une fois mise en route, laisse encore mille possibilités de surprises et d’aboutissements. Il est en cela une métaphore presque existentielle.

Olga Boldyreff, Les devenirs, 2015. Photo : http://espacegred.fr/

Olga Boldyreff, Les devenirs, 2015. Photo : http://espacegred.fr/

Il est important de garder à l’esprit qu’un objet tricoté porte en lui une grande vulnérabilité. Lors de sa création, on peut facilement manquer une maille, ce qui serait soit une erreur irréversible, soit une faute à réparer. Il est aussi vite arrivé de briser, sans le vouloir, l’objet fini. Chaque maille est dépendante de l’autre. Si l’une d’entre elle se casse, c’est tout l’ouvrage qui se défait. Finalement, malgré son apparente solidité et sa symbolique protectrice, le tricot reste quelque chose de fragile dont la conservation est facilement menacée.

En utilisant cette technique traditionnelle mais originale pour notre époque, les artistes sont sûrs de raviver différents souvenirs et émotions chez les spectateurs. Maintenant, on a presque envie d’apprendre à manier les aiguilles nous-même…

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Penser l’art au féminin /penser-lart-au-feminin /penser-lart-au-feminin#respond Tue, 20 Sep 2016 18:03:10 +0000 /?p=1763 La question féministe, objet d’un combat majeur, a acquis sa place dans les débats actuels. En dehors des champs politiques et idéologiques, le thème du féminisme s’ouvre aujourd’hui à d’autres horizons, pour le plus grand bien de notre culture historique et artistique. C’est donc sans surprise que l’on voit fleurir une ribambelle d’ouvrages et d’émissions […]

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La question féministe, objet d’un combat majeur, a acquis sa place dans les débats actuels. En dehors des champs politiques et idéologiques, le thème du féminisme s’ouvre aujourd’hui à d’autres horizons, pour le plus grand bien de notre culture historique et artistique. C’est donc sans surprise que l’on voit fleurir une ribambelle d’ouvrages et d’émissions qui se penchent sur le sujet. Les musées aussi – notamment le Centre Pompidou en 2009 – se mettent à la page en consacrant des expositions consacrées uniquement à des artistes contemporaines, dans le but d’atténuer le manque de visibilité dont elles souffrent.

L’exposition Belle de Jour, qui se tient actuellement au Musée Sainte-Croix de Poitiers, propose de redécouvrir l’art au féminin de manière plus large. Il est autant question des femmes inspiratrices que de celles qui créent et qui trouvent plus ou moins facilement leur place dans l’histoire de l’art.

Romaine BROOKS, The Weeping Venus, 1916-1917, huile sur toile Collection des musées de Poitiers Cliché N° : 984-4-1_1022-T 015, © Musées de Poitiers/Hugo Maertens, Bruges

Romaine BROOKS, The Weeping Venus, 1916-1917, huile sur toile
Collection des musées de Poitiers
Cliché N° : 984-4-1_1022-T 015, © Musées de Poitiers/Hugo Maertens, Bruges

À l’origine de toute œuvre, il y a source d’inspiration et motivation à créer. Les idées qui jaillissent de l’esprit des artistes sont multiples, mais le motif de la femme apparaît très régulièrement. Il constitue presque un genre autonome, à l’égal du paysage ou du portrait. Depuis les formes les plus primitives de l’art, la femme est célébrée pour ce qu’elle a d’unique, à commencer par sa fertilité. Les figures féminines sculptées qu’on trouve dans les cultures mésopotamienne ou égyptienne en sont le premier exemple. La corpulence évoquant la maternité est mise en avant : une poitrine opulente, des hanches larges… C’est sa force de mère nourricière qui est exaltée, faisant presque de son sexe un objet de louange. Cette symbolique divine est confirmée par l’existence de déesses comme Isis, Vénus ou, des siècles plus tard, la Vierge Marie. Dans la représentation de la femme, il y a donc une dimension spirituelle, peut-être inconsciente chez les artistes. The Wheeping Venus de Romaine Brooks prouve toutefois que de telles références peuvent être intégrées dans des œuvres modernes par choix, comme pour témoigner d’un héritage artistique qui est amené à perdurer.

Le motif féminin est également uni allégoriquement à des domaines tels que la musique, la danse ou la poésie. Ces associations ont certainement pour origine le mythe des neuf Muses, médiatrices entre les dieux et les poètes. Elles apportent aux artistes l’inspiration divine et, finalement, deviennent elles-mêmes égéries. Dans grand nombre de légendes provenant de cultures diverses, la femme est au cœur du récit pour incarner le mystère, le fantastique ou l’épique. Tout au long de l’histoire de l’art, en particulier chez les symbolistes ou les préraphaélites, les héroïnes de contes et de légendes deviennent les figures centrales des œuvres et deviennent allégories de ce qui émerveille l’homme. La peinture d’Edgard Maxence, L’Ame de la Forêt, est l’exemple parfait pour illustrer l’utilisation du motif féminin d’une manière à la fois hiératique et ésotérique.

Edgard Maxence, L'Ame de la Forêt, 1898

Edgard Maxence, L’Ame de la Forêt, 1898

Mais la puissance évocatrice de la femme ne se limite pas à ce qu’elle symbolise de plus abstrait. Sa force inspiratrice réside aussi très fortement dans son existence physique, matérielle. Elle est un être de chair et un être sensible. La volupté de son corps ou la froideur de son visage sont des sujets d’étude majeurs. Ils correspondent à la fois à l’expérience sensorielle, parfois sensuelle et à une palette d’émotions. Ils appellent donc au désir, à la contemplation ou à la répulsion. C’est ce qui explique l’importance du motif féminin dans les portraits et les nus. La représentation de la femme comprend aussi un intérêt pour les choses matérielles qui lui sont associées : robes, étoffes, chapeaux… Derrière de nombreux portraits se dissimule la volonté d’afficher une certaine richesse et un goût distingué pour l’habillage. Ce n’est certainement pas le cas de La femme à l’ombrelle rouge de Jules Chéret, qui ne nous séduit pas par le faste de ses vêtements, mais plutôt par le charme que dégage un ruban ou un tissus froissé. Le cadre de la scène contribue à séduire le spectateur dans la mesure où le modèle, surpris dans son quotidien, nous apparaît alors comme réel et accessible.

Par ailleurs, comment expliquer la fascination des artistes pour leurs muses ? Si pour certains il suffit de beaucoup d’amour (comme c’est le cas pour le couple Picasso/Dora Maar), d’autres cherchent la singularité ou le paradoxe qui produira l’étincelle. Ces derniers proviennent souvent de l’audace et de l’émancipation. Quand Tamara de Lempicka peint Kizette en rose, elle est particulièrement intéressée par l’opposition entre la tenue sage que porte sa fille et son attitude désinvolte, presque provocante. C’est en détournant les codes que Kizette crée le charme propre aux muses inspiratrices.

Camille CLAUDEL, La valse, 1893, bronze Collection des musées de Poitiers Cliché N° : 953-11-67_I2009-1622, © Musées de Poitiers/Ch Vignaud

Camille CLAUDEL, La valse, 1893, bronze
Collection des musées de Poitiers
Cliché N° : 953-11-67_I2009-1622, © Musées de Poitiers/Ch Vignaud

L’émancipation féminine dans l’histoire de l’art ne se limite heureusement pas à être un modèle légèrement effronté. Là où est la véritable révolution, c’est lorsque les femmes passent du statut d’inspiratrice à celui de créatrice. Avant le Siècle des Lumières, leur marginalisation dans le monde artistique leur vaut l’anonymat ou le manque de visibilité. L’une des premières artistes à acquérir la reconnaissance de ses confrères est Elisabeth Vigée-Lebrun, qui devient peintre officielle à Versailles. Aujourd’hui, nous redécouvrons des artistes qui sont restées injustement dans l’ombre, comme c’est la cas pour Camille Claudel. La jeune fille marche dans les pas d’Auguste Rodin, mais peine à se détacher de son maître, à qui elle voue une passion amoureuse. Elle trouve finalement son caractère propre, dont témoigne La Valse, une sculpture en bronze représentant deux danseurs tourbillonnant dans un élan fragile. Le style expressionniste de son œuvre la distingue de Rodin et la mène à son autonomie et son indépendance artistique. Elle est la preuve que la femme a sa place en tant qu’actrice dans le monde de l’art et plus seulement en tant que muse ou spectatrice.

Pourtant, les femmes artistes contemporaines restent largement sous-représentées dans les galeries et les musées. Les Guerilla Girls, un collectif d’artistes féministes, tentent d’inverser la tendance avec des affiches et des évènements marquant, véhiculant un message fort. Avec la multiplication des mouvements actifs comme celui-ci, espérons que le monde de l’art des années à venir saura se débarrasser de ses comportements discriminatoires.

Guerrilla Girls

Guerrilla Girls

On constate que l’art au féminin est un sujet riche et vaste, qui mérite d’être étudié avec du recul. C’est justement là la volonté du Musée Sainte-Croix de Poitiers, qui présente son exposition Belles de jour. A travers la collection enrichie par le Musée des Beaux-Arts de Nantes, on constate la révolution féminine dans son approche artistique, historique et sociologique. C’est l’occasion de découvrir des chefs-d’oeuvres et de réaliser à quel point la femme est au cœur de la création, comme muse allégorique, modèle sensuel ou créatrice indépendante.

Écrit par Gaëlle Hubert


Belles de Jour, exposition au Musée Sainte-Croix à Poitiers jusqu’au 9 octobre 2016

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