Art – Hey Listen Blog d'actualités sur l'art. Mon, 22 Jul 2019 13:05:52 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.10 /heylisten.fr/wp-content/uploads/2018/09/cropped-logo-et-texte-hey-listen-2.png?fit=32,32 Art – Hey Listen 32 32 94317584 MIKA YAMADA, L’APPEL DE SOIE /mika-yamada-lappel-de-soie /mika-yamada-lappel-de-soie#respond Tue, 20 Feb 2018 11:11:37 +0000 /?p=2848 Une invitation au voyage… Mika Yamada est une artiste en broderie à la main japonaise. Originaire de la ville de Sagamihara, à quelques kilomètres au sud-ouest de Tokyo, la jeune femme a posé ses valises à Paris en 2015, dans le cadre du programme  « Compétences & Talents ». Vêtue d’un kimono beige, elle nous reçoit chez […]

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Une invitation au voyage… Mika Yamada est une artiste en broderie à la main japonaise. Originaire de la ville de Sagamihara, à quelques kilomètres au sud-ouest de Tokyo, la jeune femme a posé ses valises à Paris en 2015, dans le cadre du programme  « Compétences & Talents ». Vêtue d’un kimono beige, elle nous reçoit chez elle, un petit appartement du Ve arrondissement, aussi son atelier. Une rencontre hors du temps entre la France et le Japon.

Propos recueillis par Jérôme Pace

Hey Listen : Tu es diplômée de la prestigieuse Joshibijutsu Daigaku de Tokyo, une école d’art privée et réservée aux femmes. Nous en dirais-tu un peu plus sur ton parcours ?

Mika : Si je devais évoquer un peu mon itinéraire, je soulignerais d’abord un destin ! (rire) À dire vrai, j’ai toujours voulu être une artiste… Enfant déjà : dessiner, écrire, ou peindre, peu m’importait, je crois ! Mais là où mon cheminement est intéressant, c’est que je n’ai finalement trouvé ma voie que très tard, à l’occasion d’un atelier-découverte à l’université. Curieuse de nature, je me suis toujours essayée à beaucoup de choses, mais sans jamais pouvoir m’exprimer pleinement. C’est pourquoi j’aime tant mon parcours : quelle fin inattendue !

Après tant d’années de recherches, d’expérimentations… Qui eut cru que la broderie à la main deviendrait ma vie ? Ma rencontre avec le fil de soie fut une telle révélation : toutes ces couleurs – près de 400 ! –, ce touché si particulier… Et puis, ce travail du fil qui permet un tel détail, un tel relief : le jeu entre la staticité des points et le mouvement des compositions est tellement incroyable ! Je suis tombée amoureuse… Mon entrée à la Joshibijutsu Daigaku relevait dès lors de l’évidence.

Fils de soie
Photo : © Jérôme Pace.

Fils de soie et accessoires de broderie
Photo : © Jérôme Pace.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

HL : Une révélation à point nommé !

Mika : Assurément ! La broderie à la main est un art délicat, et donc total. Être brodeur, c’est aussi être visionnaire : chaque pièce étant unique, qui nécessite un investissement de temps considérable, rien ne peut être laissé au hasard. Toute composition est ainsi le fruit d’un long processus de réflexion : pour chacun de mes projets, je multiplie les dessins préparatoires, sur papier d’abord, en noir et blanc, puis en couleur ; sur le tissu, ensuite. Ce n’est donc qu’une fois la mise en scène fixée, que je puis m’atteler à la broderie proprement dite ! Ma première année de formation résume bien cette dimension de mon travail : pas de broderie, mais l’étude du dessin, du design, de la photographie…  

Mika Yamada, Dessin préparatoire « Carps » (30 x 30 x 13 cm),
Broderie sur boîte.
Photo : © Jérôme Pace.

Mika Yamada, Carps (30 x 30 x 13 cm),
Broderie sur boîte.
Photo : © Sasaki Hidetoyo.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Enfin, il ne faut pas oublier que la broderie est un artisanat ancien, traditionnel, en ce sens que ses techniques, ses méthodes, sont transmises de génération en génération depuis plusieurs siècles. Or, contrairement à l’imaginaire qu’elle véhicule, cette pratique est loin d’être figée ! Bien sûr, quand je restaure de vieux kimonos, par exemple, il y a des règles à suivre, une histoire à respecter. Mais quand il s’agit de création pure – artistique ! –, lorsque je compose un tableau, ma liberté est absolue. En particulier, sur le plan technique ! Innover est une véritable jouissance : j’aime explorer, tester de nouvelles choses, comme mettre au point de nouvelles méthodes ou associer des matières différentes. Un de mes rêves serait d’associer broderie et plumasserie ! 

Mika Yamada, Broderie sur kimono.
Photo : © Sasaki Hidetoyo.

Mika Yamada, Broderie sur kimono (détail).
Photo : © Sasaki Hidetoyo.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

HL : Tu évoques l’aspect artisanal et artistique de ta pratique. Cependant, tu te définis comme une « artiste en broderie », non une artisane : est-ce là le prix de ta liberté ?   

Mika : Répondre à cette question est difficile… Car que je fasse de la restauration ou de la création, ma pratique sera toujours artisanale : je perpétue un savoir-faire ancien. Aussi, ma liberté est-elle avant tout une affaire de perspective ! Comme tout le monde, j’ai longtemps pensé la broderie comme de la simple décoration : de vêtements, de linges, ou encore de petits objets, eux-mêmes décoratifs… En somme, une vision limitée, avec pour seul horizon une répétition très ordonnée d’une technique de travail traditionnelle.

Or, un jour que je visitais le musée National de Tokyo, le Tōkyō kokuritsu hakubutsukan, je suis tombée sur un grand panneau brodé. Une vraie surprise ! Mais surtout, un sentiment incroyable… Tout d’un coup, je prenais conscience que je pouvais créer quelque chose de différent, quelque chose qui n’appartiendrait qu’à moi. Ma liberté n’est pas autre chose : elle est surtout ma capacité à créer mon propre univers et à le partager.

Mika Yamada, Moss Garden M50 (116 x 73 cm),
Tableau en broderie.
Photo : © Sasaki Hidetoyo.

Mika Yamada, Iris F25 (81 x 65 cm),
Tableau en broderie.
Photo : © Sasaki Hidetoyo.

HL : D’où la centralité de la nature dans tes compositions…

Mika : En effet ! Il s’agit pour moi de revisiter un thème essentiel de l’art et l’artisanat japonais. Au-delà de sa beauté intrinsèque – une source d’inspiration infinie ! (rire) – la nature nous révèle et nous confronte à notre mortalité. Ainsi que nous le rappelle le cycle des saisons, il y a bien sûr le temps qui passe : qui que nous soyons, notre limite biologique est une certitude. Mais la nature peut aussi être violente et destructrice ! L’histoire du Japon est émaillée de nombreuses catastrophes naturelles : tremblements de terre, tsunamis, typhons ou encore éruptions volcaniques… Ces traumatismes – le dernier en date, Fukushima, ne serait être qu’un exemple parmi d’autres – ont forgé, au fil des siècles, la mentalité et la vie des Japonais qui ont appris à accepter ses vicissitudes et la fragilité de la vie. Mon travail est aussi cela : l’expression d’un sentiment éphémère.

Cliquer pour visualiser le diaporama.

Mika Yamada, Shore Crab F50 (130x 89 cm),
Tableau en broderie.
Photo : © Sasaki Hidetoyo

 

Mika Yamada, Shore Crab F50 (130x 89 cm ; détail),
Tableau en broderie.
Photo : © Sasaki Hidetoyo.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

HL : Tu as reçu de nombreux prix au Japon. Pourquoi avoir quitté l’archipel ?

Mika : Pour beaucoup de raisons ! (rire) Une première serait que la broderie à la main japonaise disparaît progressivement, remplacée par une broderie mécanisée, moins chère et plus rapide d’exécution. Les mentalités ont évolué : bien sûr, certains musées ou particuliers recherchent encore, dans le cadre de restaurations de vêtements anciens ou de décorations de tissus de cérémonie, des artisans maîtrisant les techniques de la broderie à la main traditionnelle, mais la demande diminue chaque année davantage.

Ensuite, je dirais qu’il est difficile pour un jeune artiste de s’affirmer au Japon. Les Japonais privilégient l’expérience, pour ne pas dire l’ancienneté : un artiste qui débute n’est ainsi pas vraiment un artiste! (sourire) Si je rêve de faire toute ma carrière en France, beaucoup de Japonais ont, depuis le début du XXe siècle, tenté leur chance à l’étranger avant de revenir au Japon, seul moyen parfois de bouleverser l’ordre établi. J’ai d’ailleurs été très étonnée de la confiance des Français lors de mon arrivée à Paris : je n’étais pas connue ; pourtant j’ai pu exposer très vite, chose qui m’était impossible sur l’archipel.

Enfin, une troisième raison serait ma curiosité ! (rire) Je fais ce métier depuis presque quinze ans… Il était temps de découvrir autre chose, de me mettre en danger. Et puis, la France parle tant aux Japonais. Votre culture, votre art, tout est si différent et en même temps si proche. J’ai beaucoup mûri ici : j’ai appris à communiquer, à échanger, à m’affirmer. Et cela se ressent dans mon travail et mes aspirations. Il y a tant à explorer…  je ne me fixe plus de limites ! J’aimerais beaucoup, par exemple, créer ma propre marque de vêtements. Cela peut paraître bête, mais cette idée que ma broderie n’est pas réservée aux seuls kimonos, mais peut aussi être transposée sur des vêtements de type « occidental », je n’aurais jamais pu l’avoir en restant au Japon. De même, je brode aujourd’hui beaucoup sur papier, une matière dont la symbolique est très forte pour les Japonais. Mais là encore, des codes bien particuliers marquent son travail. Mon idée est cependant de proposer d’autres voies ou formes d’expression. Par le jeu de la broderie et de la profondeur, je crée, dans des petites boîtes, de véritables mises en scène, chacune exprimant une atmosphère, un sentiment singulier. Broder en trois dimensions est un défi passionnant.

Mika Yamada, Dragonfly (30 x 30 x13 cm),
Broderie sur boîte.
Photo : © Sasaki Hidetoyo.

Le site de l’artiste : https://www.mika-embroidery.com/

Couverture : Mika Yamada / Photo © Jérôme Pace.

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La Folie en tête – Aux racines de l’Art Brut à la Maison de Victor Hugo /la-folie-en-tete /la-folie-en-tete#respond Wed, 07 Feb 2018 23:50:34 +0000 /?p=2838 Après un premier volet consacré à la naissance de l’art spirite en 2012 avec Entrée des mediums. Spiritisme et Art de Hugo à Breton, le commissaire Gérard Audinet poursuit, avec Barbara Safarova, son exploration de « territoires situés en périphéries du champ artistique » avec La Folie en tête. Aux racines de l’Art Brut. Près de 200 œuvres […]

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Après un premier volet consacré à la naissance de l’art spirite en 2012 avec Entrée des mediums. Spiritisme et Art de Hugo à Breton, le commissaire Gérard Audinet poursuit, avec Barbara Safarova, son exploration de « territoires situés en périphéries du champ artistique » avec La Folie en tête. Aux racines de l’Art Brut. Près de 200 œuvres ont ainsi été rassemblées à la Maison de Victor Hugo, parmi les plus anciennes et encore très peu vues en France.

Adèle Hugo fille, 1862. Photographie d’Edmond Bacot (1814-1875). Paris, Maison de Victor Hugo ©Edmond Bacot / Maisons de Victor Hugo / Roger-Viollet

L’exposition prend comme point de départ un aspect très intime de la vie de Victor Hugo : son lien douloureux avec la folie. Rarement voire jamais évoquée dans ses œuvres, celle-ci a pourtant frappé plusieurs membres de sa famille, puisque son frère Eugène ainsi que sa dernière fille, Adèle, ont tout deux été internés.

Le cas de la famille Hugo est loin d’être isolé et c’est au cours du siècle où aura vécu l’écrivain, que le regard porté sur la folie va peu à peu considérablement évoluer. Le XIXe siècle et le début du XXe sont en effet marqués par l’attention nouvelle des médecins aliénistes pour les créations de leur malade. Ce qui était alors encore parfois jugée comme une curieuse lubie se développe à peu près au même moment que la psychanalyse et qu’une prise de conscience de l’urgence d’améliorer les conditions de soin et de vie, souvent inhumaines, des personnes internées. Une pratique thérapeutique des arts se développe alors. (Si le sujet vous intéresse, Gaëlle a d’ailleurs consacré une série d’articles intitulée « L’art comme thérapie », dont je vous recommande chaudement la lecture !)

August Klett (1866-1928), «Blatt III.: Die Hahnenrepublik in der Sonne hielt einen kostümfreien Hausball», crayon, aquarelle sur papier à dessin, 1923, ©Prinzhorn Collection, University Hospital, Heidelberg

Peu à peu, les médecins accumulent de véritables collections, certains pour des raisons scientifiques, d’autres par plaisir personnel. L’exposition La Folie en tête est organisée de façon chronologique et présente quatre grandes collections européennes fondamentales, celles de pionniers de cet intérêt, alors considéré comme marginal, pour « l’art des fous » : celle du Docteur Browne, celle du Docteur Auguste Marie conservée à la Collection de l’Art Brut de Lausanne, celle de Walter Morgenthaler, ainsi que la collection Prinzhorn à Heidelberg.

La scénographie est donc organisée en fonction de ces quatre sections qui communiquent entre elles, car les cloisons ne sont jamais fermées. Ce choix d’aération de la muséographie est assez agréable compte-tenu de la densité plastique de certaines œuvres – fascinantes – très chargées en détails et bien sûr du sujet de l’exposition qui n’est pas anodin : la folie demeure à notre époque assez méconnue, voire mystérieuse, et peut être attirante autant qu’impressionnante. Pour autant, le musée a tenu à ne pas céder à une « mise en spectacle des troubles mentaux » et entend ne montrer, respectueusement, que les œuvres des malades afin de leur « rendre hommage en tant qu’artistes, comme à leurs thérapeutes ».

Broderie anonyme, Collection ABCD (art brut connaissance & diffusion) © Collection ABCD

Karl Schneeberge, « Sozialist », carton, papier, journaux, fil de fer, 1922, N° inv. 230 © Psychiatrie-Museum, Berne

La diversité des médiums employés par ces créateurs est frappante : beaucoup de dessin et de peinture, mais aussi de la broderie, du crochet, ou encore de la sculpture effectuée avec des matériaux de récupération… Une grande variété d’objets peut être employée pour satisfaire la pulsion artistique de l’individu, celle-là même qui a passionné Jean Dubuffet, « l’inventeur » de l’art brut au XXe siècle.

Le Voyageur français, sans titre,entre 1902 et 1905, peinture à l’eau sur papier à dessin, © Collection de l’Art Brut, Lausanne/photo Claude Bornand

En quittant l’exposition, il est toutefois difficile de ne pas penser que le lien établi entre ces productions et la famille de Victor Hugo peut paraître un peu léger. Il semble quelque peu servir de prétexte pour établir cette exposition en ce lieu. Les rapports entre la littérature et la folie sont tout juste évoqués avec les travaux de Charles Nodier, et peuvent être explorés sur une borne multimédia, mais le reste de l’exposition est ensuite déconnectée de la première pièce introductive.

Vous l’aurez compris, cette exposition n’en demeure pas moins extrêmement intéressante, d’autant plus qu’elle abrite de véritables trésors méconnus aux côtés de « stars » de l’art brut tels qu’Adolph Wölfli (les compositions divisées en deux univers abstraits et figuratifs de l’énigmatique Voyageur français, révélé par le Docteur Marie, ont été pour moi de merveilleuses découvertes !). D’autre part, le parti pris de lier le thème d’un musée assez touristique avec un sujet beaucoup moins séducteur, a priori, peut être générateur de connexions tout à fait enrichissantes. Le reste de la maison de Victor Hugo est en effet accessible gratuitement, et la visite du lieu de vie d’un homme établi et reconnu comme un véritable génie peut faire apparaître de nouveaux questionnements, à l’aune de sa mise en rapport avec un art qui encore aujourd’hui n’est pas toujours considéré comme tel. Le visiteur est forcé de constater la multiplicité des formes d’art, tantôt virtuoses et cultivées, tantôt littéralement plus « brutes », mais qui répondent toutes à une nécessité de création qui a, à un moment donné, traversé les êtres qui les ont produites.

 


Maison de Victor Hugo

6 place des Vosges 75004 Paris

Jusqu’au 18 mars 2018

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Isabelle Fauve-Piot, la sculpture de l’être en devenir /isabelle-fauve-piot-entretien /isabelle-fauve-piot-entretien#respond Mon, 29 Jan 2018 11:00:17 +0000 /?p=2822 C’est lors d’une matinée pluvieuse, à Saint-Remy-lès-Chevreuse, que j’ai rencontré Isabelle. En combinaison de travail, portant un casque de soudure, en pleine création à mon arrivée. Nous nous sommes donc installées au fond de son atelier, assez grand pour contenir toutes ses sculptures, afin d’échanger. Hey Listen : tu n’as pas un parcours comme les […]

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C’est lors d’une matinée pluvieuse, à Saint-Remy-lès-Chevreuse, que j’ai rencontré Isabelle. En combinaison de travail, portant un casque de soudure, en pleine création à mon arrivée. Nous nous sommes donc installées au fond de son atelier, assez grand pour contenir toutes ses sculptures, afin d’échanger.

Hey Listen : tu n’as pas un parcours comme les autres, plus scientifique, pourrais-tu nous le présenter en quelques mots ?

Vue d’atelier, Danseuse, Isabelle Fauve-Piot.
Crédit photographique : Manon Raoul

Isabelle : j’ai un parcours un peu atypique, car j’étais très bonne en mathématiques, et même si l’idée de faire les Beaux-Arts était en moi, il n’était pas spécialement question de faire un cursus artistique dans ma famille. Cela paraissait trop particulier, voire “extraterrestre”, que d’aller faire les Beaux-Arts à l’époque, et comme j’étais naturellement à l’aise avec les mathématiques, j’ai fait Maths-Sup, Maths-Spé et je suis rentrée à l’École Centrale de Lyon. À l’époque, lorsque tu sortais de Centrale, le travail, il y en avait ! J’ai donc facilement trouvé, mais très vite, je me suis dit “mais qu’est-ce que je fais là ?” Sauf que, j’étais jeune, amoureuse, et je me suis mariée. J’ai eu des enfants.. Mais cela ne me nourrissait pas “intellectuellement parlant” et je suis donc partie.

En 2009, j’ai fait toute une année de formation en céramique, et là, je me suis dit que mon chemin n’était pas du tout d’être ingénieur, mais que c’était l’art. Très technique, la formation m’a permis de travailler la terre et a été très enrichissante. Suite à cela, l’année suivante, j’ai intégré l’École des Beaux-Arts de Versailles où j’ai refait le cursus entier, car j’avais besoin de me déconditionner de 15 ou 20 ans de fonctionnement de type ingénieur. J’ai donc rencontré de nombreuses personnes, vu des expositions et surtout beaucoup lu, afin de comprendre ce qui m’animait au plus profond.

Ce parcours à l’École des Beaux-Arts a vraiment été formidable pour moi, j’ai beaucoup appris sur moi-même. Généralement, on dit aux élèves de produire beaucoup au départ, sans réfléchir, puis, dans un second temps, d’observer ce qui en ressort. Personnellement, je n’étais pas du tout dans cette démarche-là, j’ai, encore une fois, beaucoup lu, et, ayant une formation scientifique, je me suis intéressée à l’infiniment petit, l’infiniment grand, des livres d’astrophysiciens, de physiciens, de philosophes autour de la matière, etc. Et par-dessus, j’y ai ajouté mon parcours personnel, car j’ai fait un burn-out en 2004, il a donc fallu que je me reconstruise ensuite. Je suis donc partie sur “qu’est-ce que c’est que d’être”, “la conscience d’être, qu’est-ce que cela veut dire”, “qu’est-ce qui est important”, etc.

J’ai produit des choses, j’amenais peu de choses, mais mes jurys se passaient souvent bien, car, comme toutes mes recherches s’accompagnaient de lectures, d’analyses, de notes, de résumés, de livres mis en regard les uns avec les autres, il y avait tout un processus. C’est en fin de troisième année, où, tout d’un coup, j’ai vu cette histoire de vibration, le vide, l’énergie du vide, que le vide est à la base de la matière, qu’il est l’absence et la matière la présence. Je me disais, “il n’y aurait presque rien, et en même temps, presque tout !”.

Tout d’un coup, un jour, j’ai vu une tête en métal toute fine et je me suis dit “Voilà ! C’est ça qu’il faut que je fasse !”, sauf que je ne savais pas souder, que je ne savais pas où l’on achetait de l’acier. J’ai réalisé une première tête en métal et il a fallu tout apprendre sur le tas, ce qui a été très fastidieux, en faisant de grands croquis à échelle 1 de tous les côtés, pour voir comment j’allais faire.

Isabelle Fauve-Piot, Conscience, vue d’exposition en Sologne.
Crédit photographique : Isabelle Fauve-Piot

HL : comment procèdes-tu pour souder ? Utilises-tu les services d’une entreprise ?

Isabelle : au départ, lorsque j’étais aux Beaux-Arts, je soudais dehors dans le froid car l’école n’avait pas d’atelier dédié, et mes amis m’amenaient des cafés pour me tenir chaud ! J’en ai eu rapidement marre et j’ai donc eu mon premier atelier dans la résidence d’artistes TDF aux Molières, près de Limours, qui faisait 12m2. L’histoire a commencé comme ça ! Comme j’étais au départ céramiste, j’aimais beaucoup le feu et j’ai donc proposé pour mon diplôme un travail autour du feu avec des œuvres tant en terre qu’en acier.

Je réalise donc mes sculptures moi-même, mais pour les galvaniser, j’ai besoin de l’aide d’une entreprise spécialisée. L’acier est un métal qui s’oxyde, y compris dans une maison, c’est certes plus long, mais cela s’oxyde tout de même. Je me suis donc posé la question du traitement de mes sculptures : je peux ne pas en faire et accepter la rouille et les aléas du temps avec des morceaux qui peuvent tomber un jour, ou les traiter pour les protéger.

Il y a différents traitements possibles, certains très faciles à appliquer comme le Rustol ou un vernis que j’utilise pour les sculptures d’intérieur, car cela protège un peu et c’est suffisant pour des sculptures restant en intérieur. La galvanisation, quant à elle, est le seul procédé qui protège pour au minimum 30 ans l’acier. Une couche de zinc pénètre directement l’acier, et au bout de 30 ans, tu peux le dézinguer et recommencer.

Cliquer pour visualiser le diaporama.

Il existe deux méthodes pour galvaniser une production : une à froid où l’application se fait directement au pinceau, mais ce n’est pas le procédé de base et cela ne protège pas longtemps ; et le procédé à chaud, dans d’immenses installations où la sculpture passe dans tout un champ de préparations où elle est nettoyée par des produits chimiques pour finir dans un bain de zinc en fusion à 450°C pendant 10 minutes, et là, ça ne bouge plus.

L’entreprise avec laquelle je travaille s’appelle Galva Union, j’ai galvanisé deux de mes pièces avec eux, plus une création les concernant, L’humain au cœur de l’entreprise. C’est un sujet qu’il m’intéresse de développer, car toutes les entreprises prônent l’idée de l’humain au cœur de l’entreprise, or ce n’est pas forcément le cas. J’aime l’idée que des sculptures mettent en avant cette idée prometteuse. Galva Union m’a ainsi demandé une sculpture de ce type que j’ai réalisé en intégrant une tête en 3D dans leur logo en 2D.

HL : de quoi as-tu besoin pour réaliser tes sculptures ?

Isabelle : j’achète des tiges d’acier qui font trois mètres de long de différents diamètres : 3, 4, 5, jusque 14 mm. Elles me servent à réaliser les sculptures. Et je commande aussi des plaques pour le socle de l’œuvre, et c’est d’ailleurs à partir de cette plaque au sol que je commence à créer.

HL : tu as trois thématiques dans tes sculptures : “Conscience de l’être”, “Introspection” et “Les messagers”. Travailles-tu encore sur les trois ?

Isabelle : “Les messagers” sont issus de ma formation de céramiste, tout comme “Introspection”. Ils ont démarré à cette période. Tandis que toute la partie de mon travail en acier, “Conscience de l’être”, est née pendant ma période aux Beaux-Arts.

Il m’arrive encore parfois de travailler sur mes premières thématiques, par exemple avec “Les messagers”.Je collabore depuis deux ans avec un compositeur de musique électro-acoustique, Charles Platel. Nous allons travailler autour des “Messagers” pour créer un environnement sonore adapté. Mais en dehors de ce projet, je n’en réalise plus.

A l’époque des « Messagers », je ne travaillais pas l’acier et j’ai fait réaliser la partie métallique de ces sculptures par un ferronnier d’art. Depuis mon diplôme aux Beaux-Arts en 2014, je suis à temps plein sur mes sculptures. Je me suis focalisée sur l’acier et j’ai ainsi réalisé plusieurs grandes pièces. L’acier est plus original, plus léger. Avec la terre, c’est compliqué de donner l’idée de la vibration et les grandes pièces sont lourdes. L’acier correspond vraiment à ce que j’ai envie de transmettre : une forme de fragilité, de présence et de vibration.

HL : tes sculptures sont donc possiblement exposées en extérieur, y a-t’il un lien avec la nature ?

Isabelle : oui, certaines comme Conscience qui a été exposée à la Biennale de Sculpture Monumentale de Sologne, et Vibration. L’idée de plus en plus présente dans mon travail, est de représenter un être en devenir. Je considère que l’on apprend toute la vie. Il est donc intéressant de retrouver l’analogie entre un végétal qui pousse et un être qui grandit au fur et à mesure de ses expériences. La sculpture est alors une représentation des racines d’un végétal qui pousse, ayant encore des branches en formation. J’aime associer le végétal, le minéral et l’humain.

HL : te représentes-tu au travers de tes sculptures ? Est-ce toi qui grandis ?

Isabelle Fauve-Piot dans son atelier.
Crédit photographique : Manon Raoul

Isabelle : totalement. J’ai énormément changé depuis 10 ans. C’est comme devenir soi-même. J’ai aujourd’hui 49 ans, et j’ai tout de même fonctionné durant 20 ans sur ce que je pensais être vraiment bien, je pensais que c’était ce qu’il fallait faire et j’étais très reconnue dans ma vie professionnelle.

Les codes sociétaux et familiaux que je m’imaginais étaient ceux que l’on m’avait inculqués étant petite. Or, je me suis rendu compte à un moment donné que ma nature profonde n’était pas en cohérence avec ça. Je me suis alors dit : je passe à côté de ma vie ! Même si ma réussite sociale était bien plus éclatante hier qu’aujourd’hui, il y a un gros décalage entre une réussite vu de l’extérieur et un ressenti intérieur. Je me disais “je suis à côté de la plaque”, je suis donc repartie de zéro et je me suis découverte petit à petit. On se rend compte que la vie est faite d’une succession d’expériences.

En ce qui me concerne, ce vers quoi je dois aller, c’est parfois clair et parfois non. Je peux tourner en rond pendant deux, trois semaines autour d’une sculpture et rien ne vient, donc ce n’est pas la peine de souder, et puis d’un coup, l’idée est là et c’est d’une grande précision. Anima, c’était ça pendant six mois ! J’avais déjà fait une grande tête de cheval et j’avais envie d’en faire un du sabot jusqu’aux oreilles, mais ça ne venait pas. Et d’un coup, ça y est, Anima était là ! J’ai alors acheté des livres sur les chevaux, j’ai fait des croquis, j’ai appelé mon quincaillier et le lendemain, 8h, j’étais là à souder, et ce pendant cinq mois !

HL : mais tes sculptures vibrent ! Est-ce assez solide ?

Isabelle : oui, effectivement, elles vibrent. Au départ, j’avais peur quand je les prenais en main, car cela bougeait beaucoup, et puis finalement, non, c’est assez solide ! Petit à petit, j’ai fait de moins en moins de dessins et repères dans l’espace sauf pour Conscience, car je l’ai proposé sur la base d’un croquis, étant un projet à la base. Mais maintenant je ne travaille plus vraiment ainsi. J’ai une bonne vision dans l’espace ! Et il faut être tenace, car c’est plusieurs mois de travail.

HL : quelles sont les étapes de réalisation de tes sculptures ?

Isabelle : il y a trois étapes. Tout d’abord, je réalise un volume dans vide, je pars de rien. C’est très fatigant, et c’est l’étape la plus difficile. Tant que je n’ai pas le rendu d’un volume qui me convient, je recommence. La complexité de mes sculptures, c’est que l’on peut tourner autour, donc on peut tout d’abord être satisfait puis, en se déplaçant autour, se rendre compte que cela ne va pas et recommencer. Ensuite, je retravaille tout pour le côté esthétique et j’enlève beaucoup de matière à ce moment-là.

Techniquement, au départ, il faut que tout tienne, mais à la fin, les éléments sont chaînés, donc je peux enlever au fur et à mesure des tiges. Il y a une sensation qui doit être présente, une résonnance. Et tant qu’elle n’est pas là, ce n’est pas fini. Enfin, la phase de finition : je vérifie toutes les soudures, je protège l’acier (galvanisation ou autre) et je réfléchis au transport.

Vue de l’aterlier d’Isabelle Fauve-Piot
Crédit photographique : Manon Raoul

HL : tes études d’ingénieur doivent t’être utiles ?

Isabelle : effectivement, Maths-Sup, Maths-Spé développent un état de concentration important et qu’il ne faut jamais lâcher. Je pars toujours du principe que cela va être possible. Cela peut être difficile, long, mais le lendemain matin, je suis là et je recommence. Je pense que cela vient de mes études, j’ai acquis cette capacité, ou je l’avais peut-être déjà en moi. Parfois j’en bave, mais une fois fini, je suis contente !

HL : quelles sont tes inspirations artistiques ?

Isabelle : il y en a plusieurs, comme Antony Gormley qui travaille sur l’espace qu’occupe le corps ; Jaume Plensa qui construit le corps humain par le langage en réalisant de grandes têtes avec des lettres ; Yves Klein avec l’idée du vide ; mais aussi des philosophes comme Gaston Bachelard, des astrophysiciens, etc.

Aujourd’hui, j’y pense moins. C’est toujours intéressant, mais on ne trouve pas son style. On est soi-même et il faut se détacher de ce que l’on voit de l’extérieur. C’est une phase indispensable que de parcourir un chemin intérieur pour trouver son art. Un artiste, c’est quelqu’un qui met ses tripes sur la table. On va au fond des choses, même si parfois cela remue beaucoup.

HL : quels conseils donnerais-tu à des jeunes souhaitant se lancer dans une carrière d’artiste ?

Isabelle : c’est difficile. C’est un métier de solitude, il ne faut pas avoir peur du “vide”, de soi et il ne faut compter que sur soi-même. En entreprise, tu ne te poses pas la question “que vais-je faire aujourd’hui ?” Alors qu’artiste, tu n’as personne derrière toi. C’est une grande responsabilité au niveau de soi-même, il faut se motiver seul.

Mais c’est un métier où tu fais de très belles rencontres, car les artistes sont des personnes très sensibles et très riches.

De nos jours, il faut aussi gagner sa vie. Dans un premier temps, il faut avoir un travail rémunérateur. Certains ont mis 20 ans pour en vivre, c’est compliqué. Mais lorsqu’on en ressent l’envie, il faut le faire. J’en ai eu envie à 18 ans et je n’ai pas osé, il a fallu que j’aie un burn-out pour remettre tout en question, ce que je ne souhaite à personne. Personnellement, je suis indépendante grâce à ma première vie professionnelle, c’est ça aujourd’hui qui me permet de me lancer dans des projets fous. Même si la société est ainsi, l’artiste ne doit pas produire pour vendre, sinon il se retrouve brimé dans sa création. Il ne faut pas y perdre son âme…

 

Le site internet de l’artiste : http://www.isabellefauvepiot.fr/

Vue de l’aterlier d’Isabelle Fauve-Piot
Crédit photographique : Manon Raoul

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Bourdelle et l’Antique. Une passion moderne. /bourdelle-lantique-passion-moderne /bourdelle-lantique-passion-moderne#respond Sat, 23 Dec 2017 08:00:44 +0000 /?p=2796 Attention : événement rare ! L’exposition « Bourdelle et l’Antique. Une passion moderne » réunit huit chefs-d’œuvre de l’artiste, et quelques 150 pièces majeures de ses contemporains. Une occasion unique de (re)découvrir un sculpteur hors norme et résolument moderne. Les « mythes » sont partout ! Que nous en ayons conscience ou non, la mythologie gréco-romaine fait partie de notre quotidien : que […]

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Attention : événement rare ! L’exposition « Bourdelle et l’Antique. Une passion moderne » réunit huit chefs-d’œuvre de l’artiste, et quelques 150 pièces majeures de ses contemporains. Une occasion unique de (re)découvrir un sculpteur hors norme et résolument moderne.

Les « mythes » sont partout ! Que nous en ayons conscience ou non, la mythologie gréco-romaine fait partie de notre quotidien : que nous nous perdions  dans un « dédale » de rues ou souhaitions plus chichement être riches comme « Crésus », nous ignorons souvent vivre les « échos » de quelques récits lointains et millénaires…

Des récits, nés pour la plupart autour de la Méditerranée ancienne et qui se sont transmis de génération en génération : chez les Grecs d’abord, chez les Romains ensuite, chez nous enfin ! Car oui, notre langue française n’est pas seule être riche de ces influences anciennes. Mais notre littérature, notre peinture, encore notre théâtre et notre cinéma, bref, notre culture dans son ensemble d’être l’héritière privilégiée de ce monde particulier.  À cet égard, l’exposition « Bourdelle et l’Antique. Une passion moderne » apparaît une occasion rare d’éveiller notre mémoire. Sculpteur d’exception, Antoine Bourdelle (Montauban, 1861- Le Vésinet, 1929) revisite l’Antiquité pour la mieux découvrir et poser les bases d’une plasticité nouvelle.

Disons-le : le processus n’est pas nouveau. Souvent connues par l’intermédiaire de leurs copies et/ou variantes romaines, les sculptures grecques antiques ont maintes fois servi de références aux apprentis du monde occidental. Mais voilà, l’élève de Rodin est visionnaire : ouvrant la staticité de la statuaire antique, il choisit de l’incarner pleinement. Un mouvement comme une pulsion inévitable…  Ou comment d’un exercice académique fondamentale naît la nécessité de l’ailleurs et du personnel. Le retour vers le futur est saisissant : plus qu’une représentation, une narration nouvelle.

Divisée en neuf sections, l’exposition s’articule autour de huit chefs-d’œuvre du Montalbanais de naissance : Pallas Athénée, Apollon au combat, Héraklès Archer, Le Fruit, Pénélope attendant Ulysse, Centaure mourant… Assurément, parmi les travaux majeurs du maître ! Que nous les découvrions pour la première fois ou les redécouvrions, un plaisir certain et communicatif : comment, saisis par la puissance du jeune Héraklès, n’être pas transportés, revivant avec lui ses douze travaux légendaires ? Ou encore, stupéfaits de la grandeur de la sage Pénélope, ne pas vivre à ses côtés le voyage formidable du malheureux Ulysse ?

Accompagnant chacune de ces pièces d’exception, plusieurs études et autres de leurs versions. Une plongée abyssale dans le processus créatif de l’artiste : travailleur au long cours, le sculpteur est un acharné. En recherche perpétuelle, il ne saurait proposer de version définitive d’aucune œuvre. À l’instar des mythes dont il se fait l’écho, une idée de la création comme un miroir éphémère : les sentiments passent, le monde, lui, demeure.

Et comme un bonheur n’arrive jamais seul : l’exposition va plus loin qui nous offre également à voir, au fur et à mesure de notre avancée, près de 150 pièces d’artistes contemporains de Bourdelle et synonymes de modernité : Cézanne, Matisse, Picasso, Zadkine, etc., tous ont répondu à l’appel qui ont également puisé en quelque passé fantastique ! Un appel comme une évidence : celle d’une époque résolument vivante – moderne ! – et en mouvement. Une leçon aussi : ou comment à travers la répétition et les chemins parcourus, nous nous dépassons et trouvons nous-mêmes.

Paul Cézanne (1839-1906),
Les trois baigneuses, vers 1879-1882,
55 x 52 cm.
Musée des Beaux-Arts
de la Ville de Paris, Petit Palais.
Photo © Petit Palais / Roger-Viollet.

Photo de couverture : Antoine Bourdelle (1861-1929), « Héraklès » – Etude – sculpture en position oblique, Photographie anonyme. Paris, musée Bourdelle. Photo © Musée Bourdelle / Roger-Viollet.


Bourdelle et l’Antique. Une passion moderne

Du 4 octobre 2017 au 4 février 2018 au Musée Bourdelle

Affiche de l’exposition « Bourdelle et l’Antique »

10h-18h, du mardi au dimanche ; Fermeture le lundi et certains jours fériés.

L’exposition est accessible aux personnes à mobilité réduite.

Tarifs : 8€ tarif plein ; 6€ tarif réduit.

Gratuit pour les moins de 18 ans.

L’accès aux collections permanentes est gratuit.

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Malik Sidibé, Mali Twist à la Fondation Cartier /malik-sidibe-mali-twist /malik-sidibe-mali-twist#respond Mon, 18 Dec 2017 23:41:44 +0000 /?p=2786 La Fondation Cartier pour l’art contemporain expose pour la deuxième fois le travail de Malik Sidibé dans Mali Twist. Menée par André Magnin et Brigitte Ollier, cette rétrospective rassemble un riche ensemble de photographies retraçant l’œuvre du célèbre photographe malien, décédé en 2016 à Bamako, où il a mené son travail jusqu’à la fin de […]

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La Fondation Cartier pour l’art contemporain expose pour la deuxième fois le travail de Malik Sidibé dans Mali Twist. Menée par André Magnin et Brigitte Ollier, cette rétrospective rassemble un riche ensemble de photographies retraçant l’œuvre du célèbre photographe malien, décédé en 2016 à Bamako, où il a mené son travail jusqu’à la fin de sa vie.

Parmi ces lumineuses photographies en noir et blanc, certaines viennent d’être tirées spécialement pour l’exposition, d’après des négatifs du photographe datant des années 1960-1970. D’autres sont des tirages d’époque, dont certains sont exposés sur leur support d’origine : de simples feuillets cartonnés colorés sur lesquels Malik Sidibé,  au lendemain d’une soirée, présentait aux intéressés les photographies prises la veille à peine, après avoir passé une partie de la nuit à les développer. Il côtoyait assidument ces« surprises-parties », où tous se retrouvaient pour danser, et porte un regard complice sur ses modèles avec lesquels il partage notamment une passion pour la musique de la période yéyé, mise à l’honneur dans l’exposition.

Malick Sidibé
Regardez-moi !, 1962
Tirage gélatino-argentique
99,5 x 100,5 cm
Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris
© Malick Sidibé

La musique constitue effectivement une composante forte de Malik Sidibé, Mali Twist, dont le titre est lui-même une référence directe à la chanson éponyme de Boubacar Traoré, chanteur, guitariste et compositeur de blues, malien lui aussi. On peut ainsi entendre ce morceau en arpentant l’espace d’exposition, ainsi que beaucoup d’autres recouvrant divers styles de la scène musicale africaine comme américaine, des années 1960 à l’orée des années 2000.

Malick Sidibé
Pique-nique à la Chaussée, 1972
Tirage gélatino-argentique
60,5 x 50,5 cm
Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris
© Malick Sidibé

Les jeunes maliens capturés par Sidibé vibrent d’une énergie sincère qui rend ses photographies étonnamment vivantes. Ils posent, seuls ou en groupe, dans des portraits où ils exhibent des tenues emblématiques de la mode des années 1960, et affichent leur amour de la pop et du rock’n’roll en invitant parfois leurs vinyles favoris sur la photo. A cette image, la photographie de Malik Sidibé capture à la fois des instants avec une spontanéité saisissante, mais fait également la part belle à la photographie de la mise en scène, notamment dans l’enceinte de son studio. Il disait apprécier le travail de composition dans ce type de prise de vue : « En studio, j’aimais le travail de composition. Le rapport du photographe avec le sujet s’établit avec le toucher. Il fallait arranger la personne, trouver le bon profil, donner une lumière sur le visage pour le modeler, trouver la lumière qui embellit le corps. » Le photographe n’hésitait pas non plus à jouer avec ses modèles lors de ces séances de pose, en imaginant par exemple les attitudes et le maquillage qui conviendrait le mieux à chacun. Il ouvre son propre studio en 1962, à Bamako, et ne l’a jamais quitté depuis.  Là, il prendra beaucoup de portraits, notamment dans les années 1970,  se consacrant désormais plus à cette pratique qu’à celle du reportage, pratiqué principalement au début de sa carrière.

Malick Sidibé
Un jeune gentleman, 1978
Tirage gélatino-argentique
40,5 x 30,5 cm
Courtesy Galerie MAGNIN-A, Paris
© Malick Sidibé

Malick Sidibé Mon chapeau et pattes d’éléphant, 1974 Tirage gélatino-argentique 60,5 x 50,5 cm Courtesy CAAC – The Pigozzi Collection, Genève © Malick Sidibé

 

 

 

L’apparente simplicité de la démarche de Sidibé s’érode au fur et à mesure de l’exposition, grâce à des photographies qui livrent non seulement le témoignage d’une époque, qui voit la récente indépendance du Mali, mais révèlent surtout les visages de ceux qui l’ont traversée. Malik Sidibé nous dit quelque chose d’eux, et de la photographie en général, à travers une vision rafraichissante et profondément humaine.

 

Photo de couverture : Malick Sidibé, Nuit de Noël, 1963, Tirage gélatino-argentique, 100,5 x 100 cm, Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris © Malick Sidibé


Malick Sidibé, Mali Twist – 20 octobre 2017 / 25 février 2018

Fondation Cartier pour l’art contemporain

261 Boulevard Raspail, 75014 Paris

Du mardi au dimanche (11 :00 – 20 :00)

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ELO EDEN, l’illustrateur prometteur /elo-eden-lillustrateur-prometteur /elo-eden-lillustrateur-prometteur#respond Sun, 19 Nov 2017 14:39:46 +0000 /?p=2775 C’est à l’occasion d’une petite exposition sur le Batofar que Gaëlle a découvert les illustrations d’Elo Eden. Il a accepté de lui raconter ses débuts et de partager quelques conseils aux jeunes qui voudraient se lancer dans le métier ! Hey Listen : Quel a été ton parcours ? Elo Eden : J’ai commencé à dessiner à 3 ou […]

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C’est à l’occasion d’une petite exposition sur le Batofar que Gaëlle a découvert les illustrations d’Elo Eden. Il a accepté de lui raconter ses débuts et de partager quelques conseils aux jeunes qui voudraient se lancer dans le métier !

Hey Listen : Quel a été ton parcours ?

Elo Eden : J’ai commencé à dessiner à 3 ou 4 ans. Ma mère avait peu de moyens financiers, donc tout ce que j’avais, c’était des feuilles et un stylo. Je reproduisais ce que je voyais à la télévision.

J’ai fait un bac L option arts plastiques, puis je suis rentré à l’école Pivaut à Nantes, où j’ai suivi une formation de quatre ans avec une année préparatoire. Je voulais d’abord faire de la BD et finalement j’ai fait graphisme/illustration. Je suis ensuite parti sur Paris et j’ai commencé à mettre mes dessins sur Instagram et à avoir des followers. Maintenant, je crée mon site.

HL : Qu’est-ce que t’a apporté ta formation ?

EE : Souvent, quand les gens dessinent, ils recopient une image et cherchent simplement à la faire le mieux possible, sans chercher à développer une idée, sans intention derrière. L’école Pivaut nous incite à détruire ça, à détruire le modèle et à avoir notre propre style avec un fini cohérent.

Les profs étaient super : ils avaient la notion de la couleur, de l’espace… Ils savaient nous guider. Avant, je dessinais beaucoup au stylo bic, au crayon, à la mine de plomb. C’est en rentrant à l’école Pivaut que j’ai commencé à utiliser la couleur et l’aquarelle. Les profs ont vu que j’avais un style particulier, très coloré, alors que je partais du noir et blanc. Ils m’ont encouragé vers cette voie et le jury de fin de diplôme a trouvé ça super.

Et les élèves autour de moi avaient vraiment un bon niveau, c’était motivant.

 

HL : Ce n’est pas trop dur de sortir de l’école ensuite ?

EE : Si un peu. Au début, j’ai signé deux ou trois contrats de graphiste. Mais ce que j’aimais vraiment c’était l’illustration. Quitte à avoir un job alimentaire à côté. Pendant longtemps, j’ai réussi à vendre mes dessins et presque à en vivre. Maintenant, j’ai un boulot de vendeur.

J’ai commencé par les vendre sur Instagram, ensuite c’était par rencontres, par contact. Maintenant je vais le faire plus officiellement sur mon site, avec le statut d’auto-entrepeneur.

HL : Comment travailles-tu?

EE : Je travaille avec de la musique, seul. J’écoute Brigitte Mainler, Missy Eliot, Polo & Pan, Sebastian. Des choses entre la techno, la pop, la trap… des noms un peu bizarre qu’on donne à une musique parce qu’on ne sait pas dans quelle case la mettre. Lana del Rey, aussi.  

Je commence par me faire un bibliothèque d’images, puis à 14h je commence à bosser et je peux finis vers 2h du matin.

C’est dur d’être son propre patron. C’est comme quand tu commences à ranger, puis que tu vois une vidéo Youtube : tu passes à une autre, tu regardes des vidéos de chats et au bout de 3h, tu finis par te demander « qu’est-ce que je fais là ? ».

Très souvent, j’ai mon idée en tête et je commence à dessiner au bic. Je trouve ça assez sympa, tu peux moduler ton trait. A l’école, on nous a appris à ne pas gommer. Ensuite je mets la couleur, et enfin les lumières.

HL : Quelle est ton étape préférée dans la création ?

EE : Je suis rarement satisfait quand c’est abouti, mais j’adore l’étape du croquis. Je trouve mes croquis meilleurs que mes illustrations finies.

HL : A partir de quels modèles dessines-tu ?

EE : Ça peut être aussi bien à partir de photos, de modèles vivants… souvent, ce sont des amis ou des gens dans la rue qui m’inspirent. J’essaie de retenir leur visage en les fixant, même si je passe peut-être pour un psychopathe. J’utilise aussi des photos sur Facebook ou Instagram.

Je ne fais que des portraits. Peut-être que ça évoluera mais pour l’instant, je ne fais que ça.

 

HL : Est-ce que tu as cherché ton style ou il est venu naturellement ?

EE : C’est le problème le plus commun chez les illustrateurs : la peur de ne pas trouver son style. On voit un style qu’on aime bien et on se dit « je veux avoir le même ». Un peu comme quand on voit quelqu’un de beau dans la rue et qu’on veut lui ressembler. Mais même si on met les mêmes vêtements que lui, on aura pas les même traits, le même physique.

C’est en dessinant en essayant de ressembler à d’autres gens que je me suis rendu compte que j’avais un style à moi. Les gens autour reconnaissaient mon style. Donc j’ai arrêté de me prendre la tête à essayer de ressembler aux autres.

HL : Quels artistes t’inspirent ?

EE : Agnes Cecile m’inspire vraiment. Et Lana Del Rey, dans sa façon d’être, dans son univers, son image. J’écoute des rappeurs aussi, mon père écoutait du rap ou de la musique d’Afrique. J’aime bien quand les genres se mélangent.

HL : Tu as seulement 22 ans et tu arrives quasiment à vivre de ton travail. Est-ce que tu pensais y arriver ?

EE : Je ne me posais pas la question jusqu’à récemment. Parmi mes amis de Pivaut, les très bons ont signé dans des éditions, mais même eux ont du mal à en vivre.

Parfois je me dis que c’est un peu dur, que j’aurais pu être graphiste. Dans des maisons comme Dior par exemple. Ou j’aurais pu faire du droit ou faire une fac de langue et être tranquille. Mais finalement je ne suis pas scolaire, je déconnecte très vite. Donc je préfère faire des choses sympas et me dire que ça va peut-être se vendre.

HL : Avoir 22 ans quand on est illustrateur, c’est un atout ou un handicap ?

EE : C’est toujours positif dans l’esprit des gens. Mais il faut faire attention à ceux qui abusent de ta bonne volonté. Certains clients peuvent te proposer de faire une affiche pour eux en prétextant que ça te fera une affiche pour ton book. Mais tu ne demandes pas à un maçon de construire une maison pour son book, ça ne marche pas comme ça.

HL : Comment te vois-tu dans 10 ans ?

EE : Je me vois soit sur Paris soit à New York. J’aimerais beaucoup y aller. L’idée que j’en ai, c’est que les artistes ne viennent pas d’un héritage, ce ne sont pas des « fils de ». Les gens se font un nom par eux-même. Ou Paris, j’aime beaucoup. L’ambiance, les gens, même s’ils sont un peu grognons.

J’aimerais bien que mon site marche vraiment et que je puisse vendre grâce à ça. Travailler avec des galeries aussi, pour être représenté dans d’autres pays. En Allemagne, en Amérique.

Si pour une raison ou une autre tu n’aurais pas pu faire illustrateur, qu’aurais-tu fait ?

Si je n’avais pas eu cette passion pour le dessin, j’aurais été une autre personne. Mais sinon, j’aurais peut-être étudié l’univers. Ou j’aurais été infirmier.

Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui veut être illustrateur ?

De faire ce qu’il aime, vraiment. Il faut oser faire ce que tu aimes, quoi qu’en dise ta famille, parce que ce que tu dessines, c’est ce que tu es.

Il y a des chemins plus facile qu’être illustrateur, donc surtout il faut pas déprimer quand les gens disent que ce n’est pas un vrai métier. Essayer de s’entourer de gens positifs, qui t’aident à survivre aux obstacles, qui sont de bons conseils et qui ont des contacts. Et ne pas se laisser entraîner par la folie de la jeunesse : lorsque tu vas en soirée pour t’amuser, tu n’es pas en train de dessiner.

Instagram

Site officiel

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Clément Cogitore au BAL /clement-cogitore-au-bal /clement-cogitore-au-bal#respond Sun, 12 Nov 2017 16:05:21 +0000 /?p=2769 Dans l’exposition « Braguino ou la communauté impossible », l’artiste Clément Cogitore brouille les limites entre exposition et installation vidéo, entre documentaire et œuvre d’art, entre rêve, métaphore et réalité. Une expérience immersive, à vivre au BAL jusqu’au 23 décembre ! Clément Cogitore est un artiste qui fait actuellement beaucoup parler de lui. Principalement connu […]

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Dans l’exposition « Braguino ou la communauté impossible », l’artiste Clément Cogitore brouille les limites entre exposition et installation vidéo, entre documentaire et œuvre d’art, entre rêve, métaphore et réalité. Une expérience immersive, à vivre au BAL jusqu’au 23 décembre !

Clément Cogitore est un artiste qui fait actuellement beaucoup parler de lui. Principalement connu pour son travail de vidéaste, de photographe et de réalisateur, cet ancien pensionnaire de la Villa Médicis a été lauréat de nombreux prix tels que celui du BAL de la Jeune Création en 2015 ou celui de la Fondation d’entreprise Ricard pour l’art contemporain en 2016. Son travail, présent dans de nombreuses collections publiques et privées, fait l’objet d’expositions régulières dans des lieux aussi prestigieux que le Centre Georges Pompidou ou le Palais de Tokyo. A la croisée de plusieurs médiums, son travail est souvent hybride, à l’image du projet de Braguino qui prend la forme d’un film, d’un livre, mais également d’une exposition, actuellement présentée au BAL.

© Clément Cogitore / ADAGP, Paris 2017

Autant vous prévenir tout de suite : cette expérience est déconcertante et bouscule les limites ordinairement établies. Dés le début de l’exposition, le visiteur est plongé dans la pénombre. Il se repère dans l’espace grâce à la lumière émise par de grands écrans qui projettent, en boucle, les morceaux d’un récit filmé : il faut évoluer dans les deux salles, d’écran en écran (numérotés et titrés sur les murs) pour recomposer et découvrir peu à peu le sujet de ce qui nous est raconté. Les différentes scènes dépeignent la vie du micro village de Braguino, constitué des cabanes de deux familles vivant au milieu de la taïga sibérienne, à 700 kilomètres de toute civilisation. Elles ont en commun le même ancêtre qui avait voulu fonder son foyer loin de l’agitation et des conflits de la civilisation. Quelques générations plus tard, une barrière infranchissable sépare les deux groupes, qui refusent de se parler. Les deux familles s’ignorent, se méprisent, et la peur et la tension grandissent au fur et à mesure de la progression dans l’exposition et dans le temps…

© Clément Cogitore / ADAGP, Paris 2017

La scénographie est indéniablement originale et l’immersion est réussie : la pénombre joue parfaitement son rôle de séparateur entre l’espace de l’exposition et celui de la réalité du dehors. Un détail qui a également son importance : les différentes vidéos partagent le même univers sonore. Ainsi, même dans la seconde salle où sont diffusées en même temps un important nombre de vidéos, les bandes son de celles-ci se mêlent agréablement, sans empiéter significativement les unes sur les autres.

L’artiste aime jouer sur l’ambiguïté entre réalité et fiction. Ainsi cette œuvre aux allures d’étude ethnographique d’un cas extrême d’expérience communautaire se veut également poème, « conte cruel » renvoyant métaphoriquement à notre propre société, à notre propre rapport aux autres et à « la part haïe » de nous-même. 

© Clément Cogitore / ADAGP, Paris 2017

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette confrontation, à la forme comme au fond de l’exposition, ne laisse pas indifférente et pose de nombreuses questions. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que ce projet ait intéressé le BAL, plate-forme indépendante d’exposition et d’édition fondée en 2010 par Raymond Depardon et Diane Dufour, qui se veut également initiatrice de réflexion autour de l’image contemporaine « sous toutes ses formes ». Son pôle pédagogique, la Fabrique du Regard, travaille avec des élèves issues des enseignements primaire et secondaire et a pour objectif de « former des regardeurs », d’aiguiser l’esprit critique des enfants et des adolescents face à un environnement saturé d’images plus ou moins manipulées. Ceci rejoint les questionnements sous-jacents du travail de Clément Cogitore qui, selon le BAL, « porte en lui un puissant questionnement sur la fabrication des images et la part active de leurs apparitions dans les constructions humaines ». 


Clément Cogitore, Braguino ou la communauté impossible

Du 15 septembre au 23 décembre 2017 au BAL

Mercredi 12H – 22H ; du jeudi au dimanche 12H – 19H ; Fermé le lundi et mardi

Tarifs : 6€ plein tarif ;4€ tarif réduit

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Viva Villa !, le festival des résidences d’artistes /viva-villa-le-festival-des-residences-dartistes /viva-villa-le-festival-des-residences-dartistes#respond Sun, 29 Oct 2017 13:02:29 +0000 /?p=2732 Une première pour le blog, un article à deux mains d’Evelyne et Manon ! Nous avons visité pour vous le Festival Viva Villa à la Cité Internationale des Arts de Paris, situé à Montmartre. Le festival regroupe des artistes de trois résidences : la Villa Médicis, la Casa Velasquez et la Villa Kujoyama. On a […]

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Une première pour le blog, un article à deux mains d’Evelyne et Manon ! Nous avons visité pour vous le Festival Viva Villa à la Cité Internationale des Arts de Paris, situé à Montmartre. Le festival regroupe des artistes de trois résidences : la Villa Médicis, la Casa Velasquez et la Villa Kujoyama. On a sélectionné pour vous trois de nos coups de coeur, bonne lecture !

Pour l’occasion, nous avions accès aux ateliers des artistes de la Cité Internationale des Arts sur leur site situé à Montmartre, ainsi qu’à leur jardin pour découvrir des oeuvres de chaque Villa.

Nous avons donc sélectionné pour vous trois coups de coeur ❤, un artiste pour chaque villa :

La Villa Médicis, à Rome

Alvise Sinivia, par Evelyne Eybert

Performance Cordes à vides d’Alvise Sinivia, viva villa 2017, crédits photographiques Cynthia Charpentreau

L’oeuvre présentée par Alvise Sinivia constitue un curieux assemblage, à mi-chemin entre sculpture et instrument de musique. De là où on l’aperçoit (son espace de présentation est clos par une bande qui empêche les visiteurs de s’approcher d’elle), on identifie deux structures reliées entre elles par des liens fragiles. Ces fils de nylon, quasiment imperceptibles, sont seulement révélés par endroits grâce aux reflets de la lumière.

Les deux compositions ainsi reliées sont constituées de pièces de bois de différentes essences, que l’œil ne tarde pas à identifier : ce sont les parties constitutives d’un piano, démontées puis remontées dans un agencement inhabituel, qui a quelque chose d’un peu dérangeant…

Interpellé, on s’empresse de lire le cartel. On y découvre que cette œuvre, qui se nomme Cordes à vides, peut-être « activée » par l’artiste, Alvise Sinivia, pensionnaire à la Villa Médicis. Pianiste de formation, son rapport à l’instrument, ambigu et douloureux, a évolué vers un corps-à-corps singulier : « En 2008, une douleur persistante dans mon majeur devint source d’ennuis, et ne pouvant jouer comme auparavant ma main trouvant mille subterfuges se contorsionna pour toujours actionner les touches du piano ; mais d’une manière étrange. Rapidement, mon coude se fit musicien, puis le bras, l’épaule, tous voulurent s’exprimer. » Avec ces images en tête, le regardeur fait rapidement l’analogie entre les os du squelette humain et l’armature du piano ainsi démantelé.

Qu’on l’observe activée ou inerte, cette œuvre joue indubitablement sur les contrastes : les pleins et les vides, les éléments légers et massifs, l’évocation d’éléments organiques par des éléments manufacturés… On aurait voulu voir (et entendre !) à quoi pouvait bien ressembler la mise en mouvement de cette « carcasse » potentiellement pleine de poésie, mais nous n’avons pas pu l’observer au moment de notre venue.

Performance Cordes à vides d’Alvise Sinivia, viva villa 2017, crédits photographiques Cynthia Charpentreau

La Villa Kujoyama, à Kyoto

Jean-Sébastien Lagrange, par Manon Raoul

Viva Villa 2017 (crédit photo : Angélique Gilson)

Diplômé de l’École Boulle puis de l’École Nationale supérieure de création industrielle à Paris, Jean-Sébastien Lagrange a réalisé plusieurs scénographies pour la Manufacture nationale de Sèvres ou encore l’aménagement des résidences d’artistes à la Cité internationale des arts de Paris. Accepté pour une résidence à la Villa Kujoyama, il va mener une recherche sur le papier et l’économie du travail sur la matière, basée sur la manipulation intuitive et empirique du matériau.

Jean-Sébastien Lagrange est partisan d’un « design frugal », qui vise à utiliser le moins de matière possible, le tout avec le moins d’impact sur l’environnement. Dans la suite de cette optique, il s’est intéressé à l’importance du papier dans la culture japonaise, et ses techniques de pli. Tout un savoir-faire ancestral japonais, mêlé à une création contemporaine, qui tient à coeur à l’institution de mettre en lien. Le tout, en réponse à l’aspect particulier de Kyoto : le mélange entre l’ancien, la tradition, et le nouveau, le moderne, le contemporain. C’est ainsi, que, de par ses expérimentations sur le papier, il a créé ces maquettes qui ne répondent qu’à un aspect esthétique et formel et non pas utile. Les mobiles deviennent alors poétiques, de par leur mouvement circulaire lent, et la minutie des détails du papier (découpage, pliage, couleurs, etc.). Un savant mélange zen qui entre bien dans une esthétique japonaise !

 

Viva Villa 2017 (crédit photo : Angélique Gilson)

 

La Casa Velasquez, à Madrid

Ana Maria Gomes, par Evelyne Eybert et Manon Raoul

Ana Maria Gomez est pensionnaire de la Casa Velasquez. Son œuvre Antichambre nous a tout particulièrement plu et amusées, en raison du thème abordé et de son traitement original. Cette installation vidéo, présentée dans la pénombre, est constituée de deux écrans en vis-à-vis sur lesquels sont projetés deux films différents. Des adolescents, filles et garçons, se font face, dans de courtes séquences qui s’enchaînent pendant 36 minutes que l’on ne voit absolument pas défiler.

Filmés dans un univers réduit, celui de leur chambre, ils regardent la caméra et alternent des poses plus ou moins naturelles, séduisantes, ou encore provocantes. Certains dansent, miment des musiciens, ou exposent clairement leur ennui, voire une colère sourde et contenue. On ne peut s’empêcher de regarder avec un œil attendri ces individus en construction, ces êtres qui cherchent leur individualité au-delà des codes sociaux, qu’ils tentent de s’approprier ou de détourner. Ils nous renvoient à nous-mêmes, à cette période fondamentale, plus ou moins difficile, dont on peut se souvenir avec une tendresse parfois teintée d’un peu de honte ou de nostalgie.    

Nous avons été littéralement scotchées par cette vidéo, divisée en deux écrans. Nos têtes jonglaient de gauche à droite, essayant de ne perdre aucun moment de cet affrontement vidéo. En effet, les deux projections se font face et se répondent, même s’il n’y a parfois aucun lien entre les deux côtés. Ces adolescents s’observent, se dissèquent, s’apprivoisent, dans un jeu que nous avons connus dans la cour de récrée ou dans la salle de classe. Nous jugeant les uns les autres afin de ressentir, d’observer et de se protéger, dans la carapace qui est la nôtre à cette étape de la vie. Car l’enfant, l’adolescent, n’est pas tendre, et le lieu de la chambre – comme aime à nous le montrer Ana Maria Gomes -, est un espace intime où l’enfant se « lâche », se vide, se montre entièrement mais à lui-seul et à son miroir. Or ici, nous sommes derrière le miroir. Nous observons l’adolescent projeté sur les murs. Nous nous observons nous-même, il y a plusieurs années, en quelque sorte. Tel un retour en arrière et une mise en abîme particulièrement bien mise en scène !

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Maur Cyriès, la musique sur les routes /maur-cyries-la-musique-sur-les-routes /maur-cyries-la-musique-sur-les-routes#respond Wed, 25 Oct 2017 13:28:57 +0000 /?p=2738 Rencontre avec Maur Cyriès, un jeune compositeur, chanteur et musicien au parcours atypique… Le jour commence tout juste à décliner sur la butte Montmartre. A la terrasse d’un café, Maur attend. De sa main gauche il tient un bouquin, de l’autre une cigarette sortie d’un étui en cuir. Sur son bras est encrée une pieuvre, […]

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Rencontre avec Maur Cyriès, un jeune compositeur, chanteur et musicien au parcours atypique…

Le jour commence tout juste à décliner sur la butte Montmartre. A la terrasse d’un café, Maur attend. De sa main gauche il tient un bouquin, de l’autre une cigarette sortie d’un étui en cuir. Sur son bras est encrée une pieuvre, reine des invertébrés. A sa gueule comme à son look, on devine qu’il s’agit d’un baroudeur.

Du haut de ses 26 ans, il a déjà parcouru un bon bout de chemin. Au sens propre comme au figuré, d’ailleurs. Très tôt, il s’engage dans une pratique musicale. A 3 ans, il tape sur tout ce qu’il a sous la main. Aujourd’hui, quand on écoute ce qu’il réalise lui-même de A à Z, on imagine le travail acharné qu’il a fourni les années passées. En revanche, difficile de deviner les péripéties que Maur a traversées avant d’atterrir ici, à la terrasse de ce café montmartrois.

Alors qu’il est en études de cinéma, Maur se fait percuter sur un passage piéton. Il a seulement 19 ans et il tombe dans un coma dont, heureusement, il sortira presque sans séquelle. Lors de son séjour à l’hôpital, il est entouré d’estropiés, de marginaux, de voyous couverts de cicatrices. Ces personnages le marquent et nourriront plus tard son inspiration.

En sortant de cette épreuve, le jeune homme se sent en profond décalage avec son environnement. Mais il est vivant, plus vivant que jamais. Il convainc son entourage de le laisser partir au Cambodge, fait ses valises et embarque seul dans cette aventure. C’est le début d’un périlleux voyage « initiatique ». Là-bas, il fuit tout ce qui lui est familier et qui le ramène à sa zone de confort. Il est assoiffé d’humanité, s’enrichit de chaque rencontre et de chaque nouvelle expérience, voyage avec l’esprit ouvert tel un reporter. Et surtout, il crée, compose, explore des univers sonores.

C’est à Paris qu’il est finalement venu s’installer pour mener à bien ses projets musicaux. Seul dans son appartement, il compose assidûment, surtout une fois la nuit tombée. Mais il aime aussi travailler de jour, pour tenter de cerner la subtilité de l’énergie solaire. Pour Maur, il y a quelque chose de transcendantal dans la création, comme si la mélodie venait à lui naturellement. L’inspiration, il la trouve dans la marche, dans l’action. Et lorsqu’il tient un jet créatif, il ne le lâche pas et s’y adonne pleinement, pendant 15h s’il le faut. Ensuite, il travaille la mélodie, l’affine, cherche sa forme aboutie.

Les univers qui nourrissent son inspiration sortent à la fois des films de Jim Jarmusch, des livres signés Paul Verlaine ou Jack London et des peintres symbolistes comme Gustave Moreau. Dans sa musique comme dans son identité graphique, Maur s’identifie au 19ème siècle. Pas à l’image que l’on en a généralement – Paris, de jour, en pleine révolution industrielle – mais plutôt au siècle des bandits, des voyous, celui de l’Europe du nord que l’on connaît mal. Le genre musical de Maur est tout à fait hybride. Tenter de l’étiqueter est voué à l’échec. Une sorte de rock alternatif sombre aux sonorités orientales, peut-être ? En tout cas, on s’imagine bien l’écouter de nuit. Soit dans une cave embrumée par des nuages de cigarettes, soit lors d’une promenade en solitaire sous la voie lactée.

 

 

Depuis ses débuts, Maur a beaucoup évolué. Il a commencé, comme tout le monde, par des cris du cœur, essentiels mais chaotiques. Et puis il a appris à structurer, à travailler d’une manière plus réfléchie et plus mesurée. S’il devait guider un jeune passionné, il lui conseillerait de développer son propre style, son identité et de ne pas chercher à se lier à une communauté ou à une tendance.

Jusqu’ici, Maur Cyriès a su tirer profit des aléas de la vie. La preuve en est que, malgré son jeune âge, son travail est extrêmement mature. S’il ne décide pas de devenir astronome ou ethnologue, il continuera sans doute sur cette voie encore longtemps. Et c’est tout ce qu’on lui souhaite.

 

 

Retrouvez Maur Cyriès sur Instagram, Soundcloud et son site officiel !

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Picasso « 1932 : année érotique » /picasso-1932-annee-erotique /picasso-1932-annee-erotique#respond Sat, 21 Oct 2017 10:09:10 +0000 /?p=2721 L’exposition Picasso « 1932 : année érotique » est dédiée à une année entière de la vie du peintre, au cours de laquelle ses productions, d’une richesse particulière, nous font plonger dans l’univers de leur créateur. Suivant un ordre chronologique, nous découvrons ainsi plus de 100 tableaux, dessins, gravures et sculptures. Déployer l’œuvre de Picasso […]

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L’exposition Picasso « 1932 : année érotique » est dédiée à une année entière de la vie du peintre, au cours de laquelle ses productions, d’une richesse particulière, nous font plonger dans l’univers de leur créateur. Suivant un ordre chronologique, nous découvrons ainsi plus de 100 tableaux, dessins, gravures et sculptures. Déployer l’œuvre de Picasso tout en dévoilant sa personnalité aux yeux du monde, un pari réussit pour le Musée Picasso.

Le Rêve, Pablo Picasso, 1932, Huile sur toile, Collection privée de Steven Cohen. © Succession Picasso 2017

Le rêve s’intègre dans une série de tableaux initiée en janvier 1932, dans laquelle Picasso prend appuie sur la posture de la femme assise dans un fauteuil afin d’exploiter le thème de l’érotisme, qu’il poursuivra, tel un fil conducteur, tout au long de l’année. Si, parmi d’autres, nous retenons Le rêve, c’est tout d’abord parce que l’œuvre accroche le regard grâce à ses couleurs vives qui mettent en lumière la position sensuelle de la femme – qui laisse en réalité bien peu de place à l’ambiguïté ! Ce n’est pas par hasard que le visage du modèle, nommée Marie-Thérèse (qui fut une des maîtresses célèbres de Picasso) est divisé en deux parties : la supérieure, de couleur mauve, représentant un sexe masculin. Élisabeth Cowling écrira, au sujet de cette figure qu’elle « tient beaucoup plus de l’idole post-freudienne que de la représentation de la femme réelle ».
L’érotisme dont Picasso se revendique fait de la figure même de la femme l’incarnation de la sexualité. C’est également dans ce but qu’il crée la Femme au fauteuil rouge, qui adopte sensiblement le même maintien.

Femme au fauteuil rouge, Pablo Picasso, 1932, Paris, Huile sur toile Paris, musée national Picasso-Paris Photo © RMN-Grand Palais (musée national Picasso-Paris)/ Thierry Le Mage © Succession Picasso – Gestion droits d’auteur RMN : 16-524562 © Succession Picasso 2017

En décomposant ainsi le corps de son modèle, Picasso met en place une véritable harmonie entre sexualité et créativité : l’acte sexuel et l’acte créateur, ainsi mélangés dans une création, deviennent proprement interchangeables.
Mais l’année 1932, c’est également celle de la première rétrospective des œuvres de Picasso, organisée au sein de la galerie George petit. Cet événement fastueux servira au peintre afin d’asseoir son succès. On y dénombre, le jour de l’ouverture, plus de 2000 visiteurs, qui viennent admirer non moins de 223 tableaux.
Un nouveau Picasso voit le jour, celui qui se confronte à la presse et qui n’hésite pas à se dévoiler par son truchement. « Rien ne peut être fait sans solitude. Je me suis créé une solitude que personne ne soupçonne », confie-t-il ainsi.


Picasso devant la sculpture La femme au jardin lors de l’exposition du 16 juin au 30 juillet 1932 à la galerie Georges Petit. Anonyme, 1932, Paris, Épreuve argentique, musée national Picasso-Paris © Succession Picasso 2017

Explorant les thèmes les plus variés, Picasso se trouve, en 1932, au sommet de son art. Sa réputation fait un bond en avant tandis que ses créations ne cessent de proliférer. L’exposition du Musée Picasso nous expose l’œuvre d’un artiste dont le rayonnement ne cessera point au fil des années.
Photo de couverture :  Nu couché, Pablo Picasso, 4 Avril 1932, Boisgeloup, Huile sur toile, Paris, musée national Picasso – Paris Photo (C) RMN – Grand Palais (musée national Picasso – Paris) / René – Gabriel Ojéda

Musée Picasso – Paris

Du 10 octobre 2017 au 18 février 2018

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